Proust et la photographie. La résurrection de Venise

Proust et la photographie. La résurrection de Venise
Chevrier Jean-François
Ed. L'Arachnéen
Date de publication : 01/04/2009

Et aussitôt Venise et St Marc qui n'étaient plus pour moi que ces images desséchées, minces, ces images purement visuelles, ces vues en lesquelles nous transformons les choses que nous avons vécues et perçues à la fois avec tous nos sens et qui du même coup s'extériorisent si bien, se détachent si parfaitement de nous, se dépouillent si bien de vie que nous pouvons croire les avoir regardées seulement dans un album ou dans un musée, Venise et St Marc, comme ces graines gelées pendant des années et qu'on croyait inertes et qui tout d'un coup exposées à des effluves humides se remettent à germer, se prolongèrent de toutes les sensations de chaleur, de lumière, de miroitement, de promenade sur mer dans le moyen âge que j'éprouvais en me faisant conduire tous les jours par la gondole sur les eaux printanières, dans le baptistère si frais où ma mère jetait un châle sur mes épaules.

La place s'ajoute à l'église, le débarcadère à la place, le canal au débarcadère, et à ce que mes yeux voyaient tout le couloir de désirs, de sensations diverses, de vie au bout duquel et en profondeur nos yeux voient une image de la réalité.

Newsletter