Cadence

Cadence
Velut Stéphane
Ed. Christian Bourgois

«J'habite Betrachtungstrasse. Au 18 précisément. J'y suis depuis un an. Cette nuit est ma dernière ici, je vais quitter ce lieu et je suis affligé. Je suis affligé parce que tout ici me ressemblait - on me dit peu accueillant. C'était ma tanière, mon trou, mon chantier.»

Munich, 1933. Un peintre, chargé d'exécuter le portrait d'une enfant louant l'avenir radieux de la nouvelle Allemagne, se cloître en compagnie de son modèle. Mais c'est tout autre chose qu'il fait de sa jeune pensionnaire et qu'il déploie comme un cérémonial au fil de son récit. Car ce sont ses carnets que l'on lit ; le narrateur y prend son lecteur à témoin.

On hésitera à discerner dans cet étrange huis clos le jeu du rite ou de la soumission.

Paysage avec la chute d'Icare

Paysage avec la chute d'Icare
Mertens Pierre
Ed. Seuil/Cadre rouge

«Dès que je pus lire - non plus des contes pour enfants mais des romans 'd'adultes' -, je me mis en quête, dans chacun d'eux, des pages que leur auteur consacrait à l'enfance de ses personnages. Et si je n'en trouvais pas, je restais sur ma faim comme on pourrait l'être au sortir d'un dialogue avec un amnésique. Dans la représentation de l'enfance des autres, je devais rechercher bien sûr, un peu du sens de la mienne. Avide de je ne sais quelle passagère identification. Dans l'espoir de me sentir assez proche pour être rassuré ; assez différent pour me réjouir d'être singulier... Ni saga, ni relation de 'secrets de famille', le triptyque donne à voir un paysage où tout peut s'engloutir et renaître de nouveau. Une histoire qui ne se termine pas mal puisque rien ne finit. Et que tout est naissance.» Pierre Mertens

 

Le don d'avoir été vivant

Le don d'avoir été vivant
Mertens Pierre
Ed. Ecriture

Malraux parfois visionnaire et Gottfried Benn, un temps, aveuglé. Le magicien Cortázar et le fin limier Sciascia. Malcolm Lowry en enfer et Iouri Tynianov dans les Limbes. La paradoxale allégresse de Kafka et le gai savoir de Milan Kundera. L'énergie désespérée de Pasolini et, de Pavese, le long projet de mourir.

Entre ces dix écrivains, quoi de commun ? Plus ils ont paru fuir l'Histoire, plus elle les a rejoints. Plus ils ont recouru à la fiction, plus ils se sont donné de chances de traduire la réalité. Plus ils se sont gardé des postures romantiques, plus on fut tenté, pourtant, de les enfermer dans cette couleur.

Rongés par la maladie ou l'alcool, enfiévrés par les poisons de l'époque ou portés par leur exil plutôt que minés par lui. Celui-là assassiné, celui-ci suicidaire... Leur désespoir, lorsqu'ils y ont cédé, ne doit pas cacher l'extraordinaire vitalité - et l'ironie - qui les animent.

«Pas d'autre désespoir, a dit Christa Wolf, que de ne pas avoir vécu.» Tel pourrait être le secret des écrivains qui ont inspiré Pierre Mertens et dont il recueille ici l'héritage.

 

Tentation

Tentation
de Broqueville Huguette
Ed. Michel de Maule

Ce beau texte, où il est question de la physique et de la métaphysique du sexe, surprendra plus d'un lecteur, car il est audacieux et d'une rare originalité.

Audacieux, parce qu'Alexis - l'amant - est aussi impudique que pervers, poursuivant la conquête d'une femme inaccessible, Sophie, alors même qu'il entretient d'autres liaisons. Original parce que peu d'auteurs ont été aussi loin dans la recherche du plaisir et de « l'infinitude » humaine.

Le récit, d'une grande virtuosité, nous promène entre Rennes, Paris, Florence et New York. L'amant y prêche « la merveilleuse abjection, la jouissance absolue de l'obscène, la chute vertigineuse dans l'immonde », tandis que Sophie, « chaque matin, gémit après la chose immonde et délicieuse », mais écrit à l'amant : « Dieu t'aime puisque tu m'as rencontrée. »

La vérité sur Marie

La vérité sur Marie
Toussaint Jean-Philippe
Ed. Minuit

Prix Décembre 2009 

L'orage, la nuit, le vent, la pluie, le feu, les éclairs, le sexe et la mort. Plus tard, en repensant aux heures sombres de cette nuit caniculaire, je me suis rendu compte que nous avions fait l'amour au même moment, Marie et moi, mais pas ensemble.

La Vérité sur Marie n'est pas à proprement parler une suite, mais un prolongement de Faire l'amour (2002) et Fuir (Prix Médicis 2005).

Mémoire d'un fou d'Emma

Mémoire d'un fou d'Emma
Ferry Alain
Ed. Seuil/Fiction & Cie

Prix Médicis essai 2009 

Avec sa femme Éva, le narrateur de ce roman d'amour fou croyait faire un couple indissoluble. Un jour elle le quitte. Il sait seulement qu'elle s'est jointe à un capitaine de marine. Au lieu de noyer son chagrin dans l'alcool, il trouve un consolant paradis artificiel dans la relecture de Madame Bovary.

Relisant le chef-d'oeuvre de Flaubert, dont il consulte simultanément les prodigieux avant-textes, cet homme revoit le film de son histoire avec Éva. Composée de souvenirs ardents, de fantasmes, de références et de regrets, poinçonnée aussi par l'aveu d'un parti pris qui pourrait avoir causé le départ d'Éva, sa remémoration se nourrit et s'enivre d'une célébration enflammée de la «petite femme» de Flaubert. Avocat commis d'office, il est comme épris de sa cliente, dont il blasonne le corps tout entier et ausculte l'âme énigmatique.

Ce Mémoire d'un fou d'Emma confirme l'idée - chère à Thomas Mann - que souvent la vie des hommes, simples ou illustres, est régie par l'imitation et «s'exprime en citations». Mais il est essentiellement un acte d'amitié pour les bons livres, pour le cinéma, et pour l'idée que l'amour, s'il s'inscrit en lettres de noblesse, ne s'oblitère pas, même quand sa page est tournée.

L'énigme du retour

L'énigme du retour
Laferrière Dany
Ed. Grasset

Prix Médicis 2009 

« La nouvelle coupe la nuit en deux.
L'appel téléphonique fatal
Que tout homme d'âge mûr
Reçoit un jour.
Mon père vient de mourir. »

A la suite de cette annonce tragique, le narrateur décide de revenir dans son pays natal. Il en avait été exilé, comme son père des années avant lui, par le dictateur du moment.

Et le voilà qui revient sur les traces de son passé, de ses origines, accompagné d'un neveu qui porte le même nom que lui. Un périple doux et grave, rêveur et plein de charme, qui lui fera voir la misère, la faim, la violence mais aussi les artistes, les jeunes filles, l'espoir, peut-être.

Le grand roman du retour d'exil.

 

La blessure et la soif

La blessure et la soif
Plazenet Laurence
Ed. Gallimard/Blanche

La Fronde bouleverse la France. La dynastie des Ming, en Chine, meurt.

Deux hommes, passionnément, aiment des femmes qu'ils tremblent de perdre. L'un est français, l'autre chinois. Dans le chaos, ils cherchent la vérité et la justice.

Des continents les séparent : M. de La Tour et Lu Wei ne devraient pas se rencontrer.

L'amour fou, Dieu et le Vide vont avoir raison des continents entre eux.

Pendant douze ans, deux hommes s'efforcent de briser l'absence qui les ronge, la privation, la ruine, les spectres du deuil. Ils leur opposent la fidélité, l'extase.

Un jour, Lu Wei confie à M. de La Tour quelques sceaux qui sont tout ce qu'il a conservé de son univers. Les chemins les plus merveilleux sont des détours.

Port-Royal et Louis XIV attendent encore M. de La Tour. Une femme aussi.

Les derniers jours d'Albert Camus

Les derniers jours d'Albert Camus
Lenzini José
Ed. Actes Sud

Le 3 janvier I960, Albert Camus quitte sa maison de Lourmarin pour rejoindre la capitale. Alors qu'il avait décidé de prendre le train, son éditeur Michel Gallimard réussit à le convaincre de faire la route en voiture. Ce voyage est pénible pour Camus, qui a des difficultés à écrire et se demande s'il sera jamais capable de mener à terme Le Premier Homme. Célèbre, riche, en pleine force de l'âge (quarante-sept ans), il devrait être comblé. Mais il est préoccupé par la guerre d'Algérie, dont il ne voit pas l'issue. Très marqué par la polémique qui a suivi la publication de L'Homme révolté et le prix Nobel de littérature, il doute, au point de vouloir abandonner l'écriture.

Au cours du voyage, Albert Camus renoue avec les souvenirs de sa vie, notamment à Alger. Jusqu'au moment où, dans une ligne droite, la voiture de Gallimard quitte la route. Camus est tué sur le coup. Dans sa sacoche, on retrouve le manuscrit inachevé du Premier Homme, un horoscope lui prédisant de belles créations, quelques photos, et un billet de train inutilisé.

Disparitions

Disparitions
Walter Georges
Ed. De Fallois

Jamais Boris Landor ne pourrait oublier ce jour où, visitant avec d'autres étudiants un hôpital psychiatrique, il fut abordé dans le parc par une jeune fille qui furtivement le supplia de la délivrer.

Pour brève que fut cette rencontre, son souvenir intrigue Maillard, détective du Quai d'Orsay chargé de l'enquête sur la disparition de Boris Landor devenu un géologue renommé. Une enquête dont les bifurcations conduisent des rives de la Sandre en Île-de-France à celles du Yan Tsé-Kiang en Chine, là où doit s'élever le gigantesque barrage des Trois-Gorges. Pour ce passionné de Borges et de Poe, toute disparition n'engendre-t-elle pas des apparitions ?

Dans ce vingtième ouvrage de Georges Walter, ses lecteurs retrouveront la voix du conteur impénitent pour qui l'aventure n'est jamais sans mystère ni le songe sans ironie.

Sur l'oeuvre romanesque de Georges Walter :

« L'histoire des Enfants d'Attila de Georges Walter est portée par l'enthousiasme, elle est soutenue par le souffle, elle est dictée par le génie... Georges Walter est un grand écrivain. » Alexandre Vialatte, La Montagne, 14 janvier 1968

« Georges Walter est un formidable romancier d'aventures, un infatigable chasseur de trésors, un rêveur d'Amériques qui peint à fresque. » Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur, février 2008

Newsletter