Marcel Duchamp mis à nu. A propos du processus créatif
Ed. Presses du réel
Date de publication : 01/11/2004
Tout flâneur qui croise un readymade de Duchamp est surpris. A la question : «Qu'est-ce que c'est ?», se substitue bientôt cette autre interrogation fondamentale qui taraude tout regardeur de Duchamp : «Mais pourquoi ?»
Certes le readymade est un objet qui invite à penser le caractère relatif de la notion de beau, certes le readymade oblige à considérer le poids des institutions artistiques dans la sphère esthétique, certes encore le readymade est un jalon historique essentiel dans la redéfinition entreprise au début du XXe siècle des limites de la peinture et de la sculpture. Mais, près d'un siècle plus tard, ces explications sont-elles suffisantes pour rendre compte de la persistance de son caractère choquant ? Certes on peut être tenté d'enfermer cette catégorie dans la sphère esthétique mais qu'a par exemple de beau un urinoir intitulé Fontaine et exposé dans un musée ?
Ainsi, en dépit du processus de légitimation institutionnelle, la question essentielle soulevée par Duchamp n'est-elle plus tant celle de la nouveauté et de la possibilité de l'à peu près n'importe quoi, que celle de trouver l'exacte valeur du readymade. Ce n'est qu'après coup qu'on s'aperçoit de la beauté mécanique d'une logique. La beauté provient de ce retard à prendre conscience de l'implacabilité d'un jeu qui s'est déployé. Elle se mesure au retard pour comprendre un dispositif qu'on sait possible mais dont on n'a pas vu le mouvement subtil. Il est d'autant plus beau qu'il résiste à la sagacité. La partie jouée, celle-ci se poursuit encore, à rebours, parce qu'on peut la refaire, la commenter et essayer de comprendre pourquoi la conscience s'est mise en alerte afin de restituer comment s'est construit le readymade.
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