Le vouloir dire de Francis Ponge
Ed. Encre marine
Date de publication : 01/01/2014
«Surgissez bois de pins ! Surgissez dans la parole !»
Appelant choses et mots à venir paraître au jour de l'existence, c'est entre ces choses et ces mots, dans les mots eux-mêmes que se cherche la poésie de Francis Ponge qui, du Parti-pris des choses à La Rage de l'expression, aura tenté le plus extrême : oser dire.
Le plus extrême, car extrême est toute parole qui, prenant son inspiration de l'appel muet des choses, veut les dire, veut, leur répondant, co-naître avec elles au monde. Mais comment dire la chose sans faire d'elle un objet mort ? Comment se rapporter à la langue sans en figer le lexique en un système pré-construit de significations qui n'ouvre rien du monde qu'il entend décrire ? Dire le galet sans pétrifier le discours, ou dire du pré la verte vérité requiert alors un jeu. Non celui, suffisant, qui idolâtre le texte ; mais celui qui, tendu, s'instaure entre choses et mots et suscite l'origine même de la parole, soit pour nous qui parlons, de notre être-au-monde.
C'est ainsi à une analyse précise de l'ob-jeu ravivant la verbo-motricité première de l'homme et les appels du monde muet que cette étude nous convie. Avec la poésie de Francis Ponge, par elle, c'est alors l'origine même de la parole qui vient à se dire, cette puissante origine nocturne qui, nommant, ouvre le jour, le jeu du monde.
Ce que parler veut dire nous l'apprenons des poètes. Parce qu'ils sont partagés entre les choses et les mots comme nous. Mais eux le savent et certains le disent en propres termes.
Leur parole, alors, a la violence de ce qui, divisé d'avec soi, a à devenir réel. Telle l'écriture de Francis Ponge.
Il fallait en tenter l'approche en souvenir de l'ami, en faveur de l'esprit.
H. M.