L'herbe qui tremble
Ed. Arllfb
Date de publication : 26/05/2021
Le premier matin du monde se levait.
Avant la colère de Dieu, le paradis était aussi beau qu’une tasse blanche et bleue, translucide. Aujourd’hui les débris en jonchaient le monde : ici un étang, là une forêt, plus loin un bras de mer. Partout on retrouvait des morceaux aussi parfaits que les ongles d’enfants que l’on ramasse au bord de la mer.
Adam et Ève longeaient la lisière d’un bois. Au sud s’étendait une prairie où des lapins assis sur leurs pattes de derrière semblaient humer l’air nouveau.
Adam cueillit une baguette de saule, dont il caressa distraitement la jambe d’Ève. Dans les buissons les premières abeilles bourdonnaient mais on n’entendait encore aucun cri d’oiseau.
«Pas la moindre odeur», dit Adam.
Elle pensa qu’il avait raison, dans l’air il n’y avait pas la moindre odeur, pas plus que des cris d’oiseau.
«Le monde est neuf», dit Adam.
Dans ses romans comme dans son théâtre, un des plus importants écrits dans notre pays, Paul Willems (1912-1997) déploie un univers où la magie du rêve et de la prégnance des éléments naturels est mise à mal par le prosaïsme du réel. L’Herbe qui tremble, son second roman, paru en 1942, se construit sur une version très personnelle du mythe du paradis perdu. (présentation de l'éditeur)