Après Habiter la frontière, ce nouveau recueil de conférences mêle réflexions théoriques et anecdotes pour évoquer les écrivains subsahariens, la culture, la mélancolie créatrice, le mythe et la parole.
On peut la jouer tout sourire au quotidien. N'empêche... Ça mijote, ça travaille dans les profondeurs ! La prudence ou la lâcheté espèrent qu'on laissera clapoter le moût dans le fond des marmites jusqu'à l'extinction totale des fermentations. On s'efforce d'y croire. Mais des histoires comme ça, faut être drôlement solide pour les étouffer, mettre son mouchoir pardessus et n'en jamais rien dire...
D'ailleurs je ne sais pas où cette mise en mots va m'emmener, ni pourquoi je suis saisi par le besoin de raconter ces histoires et les bouts de vie en forme de culs-de-sac qui vont avec.
Une romancière reçoit une lettre lui reprochant de s'être moquée, dans son dernier livre, des charmes de la vie coloniale, et surtout d'avoir masqué les vrais drames qui s'étaient déroulés trente ans plus tôt à Batouri, dans un coin perdu du Cameroun.
Lui rendant visite à Paris, elle reconnaît dans sa correspondante madame Dubois, la femme de l'Administrateur qui régnait sur ce petit poste français au coeur de la brousse lorsqu'elle-même avait six ans.
En comparant ses souvenirs avec ceux de madame Dubois, la narratrice fait renaître dans une évocation féroce, véritable apocalypse comique, ce monde disparu aux couleurs de l'Afrique, où madame Dubois maintenait les rites surannés d'une métropole idéalisée.
Mariée à seize ans et violée le lendemain de ses noces par un ivrogne ayant le double de son âge, la jeune Rosa, paysanne normande du début du XXe siècle, semblait avoir un destin tout tracé : subir et se taire. Les hommes ont tout, peuvent tout, décident de tout. Sauf lorsque leurs passions les emportent au-delà du raisonnable et que la petite Rosa, devenue femme, les prend au piège de leurs rêves et de leurs vices. La grande Rosa tiendra alors le monde des hommes dans sa main...
Après la mort de mon père, j'ai trouvé en rangeant ses papiers des documents sur sa grand-mère dont j'ignorais tout et qui révélaient un secret de famille. Je ne me suis jamais intéressée aux ancêtres de personne : les gens que je ne connais pas, surtout s'ils sont morts, me sont cent fois plus étrangers, même s'ils me sont apparentés, que les personnages de romans. Mais il y avait dans ce que je découvrais sur cette arrière-grand-mère des choses qui me plaisaient, d'autres que j'aurais voulu savoir. J'ai hésité à enquêter. Ce livre est le résultat de mes hésitations.
J'ai longtemps laissé croire que ma mère était encore en vie. Je m'évertue désormais à rétablir la vérité dans l'espoir de me départir de ce mensonge qui ne m'aura permis jusqu'alors que d'atermoyer le deuil.
Après vingt-trois ans d'absence, Alain Mabanckou retourne à Pointe-Noire, ville portuaire du Congo. Entre-temps, sa mère est morte, en 1995. Puis son père adoptif, peu d'années après. Le fils unique ne s'est rendu aux obsèques ni de l'un, ni de l'autre.
Entre le surnaturel et l'enchantement, l'auteur nous ouvre sa petite valise fondamentale, celle des années de l'enfance et de l'adolescence dans ses lieux d'origine.
Au moment de repartir, il se rend compte qu'il n'est pas allé au cimetière. Sans doute était-ce inutile. Car c'est ce livre qui tient lieu, aussi, de tombeau. Et de résurrection.
'Georges est arrivé avec un gros gâteau. Il est entré dans la pièce, précédé de Paul, qui était allé lui ouvrir, et a posé le carton sur la table où les verres étaient disposés pour l'apéritif. C'est après qu'il nous a salués, William et moi, une fois débarrassé de son carton qu'il avait tenu devant lui à deux mains, comme si, de la pâtisserie où il l'avait acheté jusqu'à l'appartement, il l'avait déplacé tel quel, à seule fin de le poser sur la table.'
Quelques jours après le dîner au cours duquel cinq amis ont fixé la destination de leurs vacances d'été, des événements parfois ambigus viennent perturber leur existence : Georges (qui vient d'être quitté) tombe amoureux, William (qui habite en face d'un hôpital) fait une embolie pulmonaire, Paul et Louise envisagent de se séparer (mais pas avant la fin des vacances) et Jean apprend qu'il attend un enfant (d'une femme qu'il n'aime pas). Le projet de départ n'en est pas moins maintenu, auquel on n'ose plus trop faire allusion.
Le désordre semble être le moteur de ce roman où le passage du temps inquiète, où la mort et l'humour rôdent, où ce qui advient oblige à des glissements, à des aménagements, à des choix opérés dans l'urgence. Christian Oster saisit ses personnages à l'instant précis où leur vie bascule et les précipite face à eux-mêmes.
Comment fait-on à 18, 30, 40 ou 50 ans, pour changer le cours de son existence, atteindre l'apaisement, conquérir le bonheur et peut-être même l'amour ? Dans son cinquième roman, Pascal Morin fait fi de toute résignation : ce conte moral nous entraîne dans une ronde lumineuse, à la suite d'une série de personnages saisis à un moment décisif de leurs vies.
Au centre de la ronde, Catherine Tournant, élégante prof divorcée un rien perfectionniste, dont la rencontre avec un jeune plombier black, Dimitri Diop, puis avec son père, va la confronter à ses préjugés. Comment Natacha Jackowska, élève médiocre de banlieue, peut-elle conquérir les codes de la branchitude parisienne, travailler pour Jérôme Lesdiguières, styliste gay, et faire lien avec Eve-Marie Saada, psychanalyste fragilisée par la quarantaine ? Dans cet entremêlement de destins, Pascal Morin défie les clichés actuels sur la solitude contemporaine. Avec humour et bienveillance, Comment trouver l'amour... introduit de la magie dans ces existences minuscules qui sont les nôtres.
Derrière la Thaïlande du sourire, des plages et des massages, il existe une Thaïlande noire, violente, où la drogue est répandue et l'emprisonnement aisé. La corruption y est reine et les tensions religieuses embrasent des régions entières.
Dans ces provinces, l'armée a pour mission d'étouffer la montée d'un islam jugé inférieur par les dirigeants majoritairement bouddhistes, une mission qui, en quelques années, a causé des milliers de morts…
Le narrateur de ce roman, un Français, vit à Bangkok où il dirige une société de retouches photographiques. Chaque jour, il manipule des photos publicitaires mais également politiques, donc sensibles.
Alors qu'il se retrouve plongé, en raison de son métier, dans la violence du pays, un drame intime, survenu pendant son enfance, ressurgit vingt ans après et mêle une vengeance personnelle à la noirceur de Bangkok.
Un grand roman, furieux et captivant, qui s'éloigne des cartes postales pour mieux sonder les mensonges d'un pays et nous entraîner sur les chemins détournés de la vérité.
Ancien chirurgien du coeur, il y a longtemps qu'Octave Lassalle ne sauve plus de vies. À quatre-vingt-dix ans, bien qu'il n'ait encore besoin de personne, Octave anticipe : il se compose une « équipe ». Comme autour d'une table d'opération - mais cette fois-ci, c'est sa propre peau qu'il sauve. Il organise le découpage de ses jours et de ses nuits en quatre temps, confiés à quatre « accompagnateurs » choisis avec soin. Chacun est porteur d'un élan de vie aussi fort que le sien, aussi fort retenu par des ombres et des blessures anciennes. Et chaque blessure est un écho.
Dans le geste ambitieux d'ouvrir le temps, cette improbable communauté tissée d'invisibles liens autour d'indicibles pertes acquiert, dans l'être ensemble, l'élan qu'il faut pour continuer. Et dans le frottement de sa vie à d'autres vies, l'ex-docteur Lassalle va trouver un chemin.
Jeanne Benameur bâtit un édifice à la vie à la mort, un roman qui affirme un engagement farouche. Dans un monde où la complexité perd du terrain au bénéfice du manichéisme, elle investit l'inépuisable et passionnant territoire du doute. Contre une galopante toute-puissance du dogme, Profanes fait le choix déterminé de la seule foi qui vaille : celle de l'homme en l'homme.