Description raisonnée d'une jolie collection de livres est le titre d'un ouvrage consacré en 1844 par son ami Duplessis à la vie, l'oeuvre et surtout les 1254 livres de la bibliothèque de Charles Nodier, bibliothèque dont la vente est restée dans l'histoire.
Précurseur méconnu de Borges et bibliomane exalté - qui se contentait d'acheter des livres quand il ne les rêvait pas -, Nodier est la figure tutélaire du présent volume, consacré au parcours multiple, depuis plus de vingt ans, d'un autre écrivain que sa passion des livres aura, à son tour, amené à explorer tout le spectre de l'imprimé, de la revue au discret et luxueux livre d'artiste, des petites structures indépendantes à l'insertion au sein d'une des plus prestigieuses maisons d'édition françaises.
'Jolie' doit s'entendre avec une touche d'ironie : on accole trop souvent cet adjectif, ou un synonyme, aux livres qui font l'objet du présent ouvrage, en une forme de compliment qui n'est, le plus souvent, qu'une façon de s'en débarasser, en les réduisant à d'agréables objets. Car le souci esthétique qui les caractérise - effet, comme on le verra, d'une extrême économie de moyens - s'est toujours voulu fondamentalement éthique.
'Collection' parce que Le Promeneur appartient à ce type de projets littéraires (des éditions de la Sirène au Sagittaire ou au Point du jour) qui, tout en traitant avec les nécessités commerciales, n'ont jamais renoncé à la rigueur extrême de leur choix, fût-ce au prix d'une limite consentie. Issue de la Bibliothèque d'un amateur, en reflétant les enthousiasmes et les lacunes, cette 'jolie collection de livres' peut donc être accessoirement considérée comme une oeuvre à part entière, que la présente 'description' éclairerait pour la première fois dans son ensemble, à la manière de ces tableaux du XVIIe siècle qui représentent une infinité d'autres tableaux, en une suite de galeries vertigineuses ou de pinacothèques affolées, derrière lesquelles se profile l'ombre d'un collectionneur jamais visible, mais partout présent.
'Pour ma part, depuis plusieurs années déjà je voyais venir ce qui est arrivé; mais la réalité s'est chargée de dépasser ce que la fantaisie la plus sombre aurait pu imaginer. Nous avons touché le fond de l'abîme. Du moins saurons-nous maintenant où était le mal.' Henri Bergson à Léon Brunschvigg, 31 juillet 1940.
'C'est une chose cruelle d'avoir à essayer d'expliquer le désastre de son pays. A vrai dire nous ne mesurons pas encore l'étendue de notre malheur.' Jacques Maritain, A travers le désastre (1941)
Provocateur et sulfureux, Louis-Ferdinand Céline agace en même temps qu'il fascine. Son antisémitisme virulent, ses palinodies, sa lâcheté n'en finissent pas de déranger.
Mais, par son génie du style et de la langue, ce messager de l'Apocalypse, en prise sur l'horreur de son temps, demeure un des plus grands auteurs du XXe siècle.
Invité un jour à commenter la forme, la teneur, la genèse, la «réception» critique et l'improbable statut générique de Bardadrac, l'auteur en est venu à remettre ses pas dans ses traces et, de fil en aiguille, à en prolonger le propos et le mode de disposition.
Le thème autocritique initial - dont on trouve encore ici quelques marques en forme de scolies, additions, repentirs, résurgences, méandres accessoires, bras morts ou vifs - a donc tourné peu à peu en «suite» ou en «continuation» de ce qui en principe ne peut ou ne doit être ni poursuivi ni continué. Cela s'appelle sans doute aggraver son cas, mais celui-ci n'est peut-être pas si grave qu'on ne puisse l'aggraver encore sans dommage - et pour qui ?
Romancier, essayiste, pasticheur, mais aussi dessinateur et homme d'esprit, Philippe Jullian (1919-1977) a laissé plusieurs oeuvres qui font les délices des connaisseurs, comme son Dictionnaire du snobisme ou sa biographie d'Oscar Wilde. Ce que l'on ignorait, c'est qu'il avait tenu un journal intime. De sa jeunesse à Bordeaux durant la Deuxième Guerre mondiale aux brillantes années parisiennes de ses débuts, voici un document essentiel : autobiographie, recueil de mots d'esprit, galerie de portraits... Des gens du monde aux gens de ballet, des Anglais de Paris aux Parisiens anglophiles, c'est le tableau d'une époque.
J'ai dévoré bien des livres, vécu grâce à eux d'inoubliables instants. Ils me transportaient, m'exaltaient, me laissaient anéanti, ne cessaient de me triturer, m'aidaient à me connaître, à m'ouvrir mon chemin... Par la suite et au long des années, ils ont eu à combler ma faim, une faim qui réapparaissait aussitôt qu'assouvie. Toutefois, après les avoir ingérés, comment me séparer d'eux alors qu'ils avaient eu pour moi une telle importance ? Il fallait absolument que j'en garde quelques bribes. D'où ma manie de prélever ces mots, ces phrases qui m'avaient dévasté, embrasé, poussé à aller plus avant. Manie d'autodidacte qui s'acharne à creuser toujours plus profond, qui tient à ne rien perdre de ce qu'il a acquis, qui veut pouvoir mâcher encore et encore ces mots où puiser force, lumière, énergie. Les phrases et textes rassemblés dans ce volume sont tirés des carnets où se trouve thésaurisée cette nourriture qu'aiment à consommer ceux qui se cherchent, cherchent un sens à la vie.
C.J.
Quel est le rapport entre le roman et la quête du bonheur à l'époque moderne ?
Quelles sont les étapes de la maturation du genre romanesque ?
La quête romanesque du bonheur passe-t-elle par une intellection de la nécessité historique ou bien par une expérience esthétique autonome ?
En quel sens la vraisemblance constitue-t-elle la règle de la création romanesque et le moteur de l'évolution du genre ?
Commentaire
'Illusions perdues'
Georg Lukàcs
Balzac et le réalisme français
'Vraisemblance et motivation'
Gérard Genette
Figures II
Une vie est l'histoire d'une réussite, une histoire tout aussi fascinante et étrange que les oeuvres de Gabriel Garcia Márquez elles-mêmes. Le grand écrivain colombien, prix Nobel de littérature en 1982, incarne à la fois le réalisme magique et l'engagement révolutionnaire. Ses romans et nouvelles mêlent les grands tableaux de l'histoire sud-américaine à la fable, au folklore et aux mythes populaires. Son oeuvre dénonce les inégalités sociales et les inextricables compromissions morales, fruits de luttes acharnées de pouvoir ou d'intérêt, et causes du malheur des plus faibles.
Ce sont toutefois les aspects moins connus de l'incroyable destin de l'écrivain que cette biographie met en lumière : la difficulté de concilier la célébrité et la qualité littéraire, la politique et l'écriture, le pouvoir, la solitude et l'amour.
Ce travail admirable, fruit de dix-sept années de constance et d'obstination, retrace avec brio la vie du prix Nobel de littérature, de son enfance dans un milieu pauvre et rural jusqu'à la gloire internationale. Un hommage subtil à un auteur complexe, mais aussi une clef indispensable à la compréhension de son oeuvre.