Correspondance avec la classe dirigeante sur la destruction du livre et de ses métiers : augmentée d'une réponse aux objections courantes composant un court Essai contre la dématérialisation du monde
Libraire dans le XIVe arrondissement de Paris, l'auteur livre ses doléances au Centre national du livre et au ministère de la Culture. Il entend attirer l'attention des autorités publiques sur les risques que font courir dématérialisation et numérisation du livre aussi bien aux librairies indépendantes qu'à la lecture en général. Pour l'auteur, il faut combattre 'l'imposture numérique'.
Claude Burgelin livre une analyse surprenante de la relation que certains auteurs entretiennent avec leur nom propre. Si tant d'écrivains sont à l'aise avec leur patronyme, d'autres, souvent célèbres, se sentent « mal nommés » : ils sont sous l'emprise d'un trouble mal dicible, un tourment, un ressentiment, une inquiétude autour d'un nom devenu question.
Qui se cache sous les noms de Labrunie, Kostrowitsky, Destouches, Grindel, Bobovnikoff, de Crayencour, Donnadieu, Kacew, Joyaux, Thomas ou Alexis Mital ? On reconnaît plus aisément : Nerval, Apollinaire, Céline, Éluard, Bove, Yourcenar, Duras, Gary, Sollers, Houellebecq ou Camille de Toledo... La renaissance « par le nom » peut coïncider avec l'instant premier de la création littéraire au risque d'une affirmation de soi comme « pseudo » -, ce qui n'est parfois pas sans danger.
Par l'invention d'un pseudonyme, acte d'une création de soi comme auteur, c'est aussi le nom du père qui se trouve mis à distance.
Analysant la relation entre le nom propre de l'écrivain et ses écrits, Claude Burgelin formule une hypothèse rarement explorée : la relation complexe au père, aux aïeux, aux « siens », l'angoisse qui peut en résulter, ont été pour certains auteurs un des ressorts secrets de leur oeuvre.
'Pendant des années, j'ai eu une vie sociale et la facilité avec laquelle je rencontrais les gens ou je leur parlais se reflétait dans mes livres. Jusqu'à ce que je connaisse un homme, et peu à peu, toute cette mondanité a disparu. C'était un amour violent, très érotique, plus fort que moi, pour la première fois. J'ai même eu envie de me tuer, et ça a changé ma façon même de faire de la littérature : c'était comme de découvrir les vides, les trous que j'avais en moi, et de trouver le courage de les dire.
La femme de Moderato Cantabile et celle de Hiroshima mon amour, c'était moi : exténuée par cette passion que, ne pouvant me confier par la parole, j'ai décidé d'écrire, presque avec froideur.'
Entre 1987 et 1989, après le succès foudroyant de L'Amant qui fait d'elle un écrivain mondialement reconnu, Marguerite Duras se confie en toute liberté à une jeune journaliste italienne sur sa vie, son oeuvre, son obscurité, puis sa gloire, la politique, la passion. Ce dialogue, publié une seule fois en langue italienne, avait disparu, ignoré des admirateurs de Duras qui vont ici réentendre sa voix.'
Poète, romancier, critique, Henri de Régnier (1864-1936) fut une sommité dans la littérature de son époque. Successivement chef de file des jeunes symbolistes, romancier à succès, pilier du Mercure de France, conteur fantastique et Académicien français, il fut adoubé par Mallarmé, admiré par André Gide, haï par Montesquiou qu’il combattit en duel, et fréquenta tous les artistes de son temps. Il fut aussi l’époux cocu de Marie de Heredia, la fille du poète, qui lui donna un fils signé Pierre Louÿs… Spleenétique, aimable et tourmenté, ce personnage oublié témoigne d’un art de vivre et d’écrire qui nous change de l’hystérie contemporaine. Avec ce libre portrait aux allures de flânerie mélancolique, Bernard Quiriny ressuscite ce second couteau magnifique et remet toute une époque en scène.
La musique me reste inconnue. Je ne suis pas musicien, et le corps du seul instrument dont je joue est rempli d'encre noire... Aussi ne lira-t-on pas dans ce livre, à proprement parler, une étude sur la musique, mais une suite d'essais sur certaines idées que l'écriture poétique s'en fait et sur les songeries qu'elle développe à son propos. Puisque depuis toujours 'les routes de musique et de poésie se croisent', les pages qui suivent s'attardent un peu sur ce que pensent les mots de la belle inconnue qui s'éloigne... Jean-Michel Maulpoix
Interroger, appeler, interrompre, donner, promettre : ces verbes,
parmi quelques autres, désignent certains des gestes lyriques que la poésie moderne permet d'effectuer selon des opérations de langage qui lui sont propres. Telle est l'hypothèse de ce livre. Ce sont de tels gestes que vise le poème. Et ce sont eux qui jouent, en amont, un rôle moteur pour alimenter l'énergie lyrique qui en découle.
Il s'agira donc moins de décrire le sujet lyrique qui présiderait à ces
actions que de recueillir la force de mouvements que la poésie capte,
entre vers et prose, dans un partage nouveau que lui a imposé la modernité. Cette recherche d'une dynamique de la parole se rapproche souvent de l'aventure du geste pictural. Quelque chose entraîne, de l'ordre de l'impulsion ou d'un dessaisissement, mais aussi d'une maîtrise et d'un calcul. Dans le rythme d'une scansion qui ne saurait plus reposer sur les anciens patrons métriques, la gestualité lyrique organise une forme-sens qui redonne, ou rêve de redonner, au langage son efficace.
Cette traversée de quelques gestes lyriques n'est ni un répertoire,
ni une typologie. J'ai voulu plutôt rendre au poème sa force de provo-
cation, son énergie d'incitation, et comprendre pourquoi, en lisant un
poème, nous sommes aussi appelés à prolonger le geste qui l'a guidé. Ce parcours dans la poésie française moderne et contemporaine va de Hugo, Baudelaire et Apollinaire, en passant par Frénaud, Bonnefoy, Ponge, Jaccottet et Michaux, jusqu'à des tentatives très récentes, notamment chez Deguy, Roubaud, Cadiot, Hocquard, Emaz. Car si la poésie n'est heureusement pas encore chose du passé, et qu'elle nous implique donc dans les possibilités de vie plus large qu'elle invente, c'est parce que se poursuit la recherche par le langage de ce qui est peut-être absolument hors
du langage, mais dont la traction mobilise le besoin et le désir de dire. D.R.
Quatre décennies ont passé depuis la mort de Paul Celan.
Son suicide, dans la nuit du 19 au 20 avril 1970, a créé un vide
qui, d'une certaine manière, n'a pas été rempli. Vide parmi ceux
qui avaient eu la chance de le connaître, vide dans la poésie de
langue allemande qu'aucune grande figure n'est parvenue depuis
à combler. La très forte croissance des études qui lui sont consa-
crées l'atteste à sa façon: tout se passe comme si, pour reprendre
le titre de l'article de Maurice Blanchot, Celan avait été, du moins
en poésie, «le dernier à parler », comme si la poésie de langue
allemande s'était tue avec lui.
Il se trouve qu'ayant commencé à lire Celan vers 1966, j'ai été
le témoin de la croissance de sa notoriété. C'est pourquoi, lorsque
Yves Bonnefoy et Antoine Compagnon m'ont fait l'honneur de
me demander quatre leçons au Collège de France, j'ai pensé que
le moment était venu d'essayer de faire le point sur ce que je
croyais être parvenu à comprendre d'une œuvre dont le mystère
et la beauté n'ont jamais perdu le pouvoir de fascination qu'elle
exerça sur moi dès que je la découvris.
«Apprendre à lire a été, pour moi, une des choses les plus faciles et les plus difficiles. Cela s'est passé très vite, en quelques semaines ; mais aussi très lentement, sur plusieurs décennies.
Déchiffrer une suite de lettres, la traduire en sons fut un jeu, comprendre à quoi cela servait fut une traversée souvent âpre, et, jusqu'à l'écriture de ce livre, profondément énigmatique.»
Comment apprend-on à lire ? Comment notre désir de lecture peut-il être entravé ? Comment l'écriture peut-elle rendre meilleur lecteur ? Cheminant à travers ses souvenirs, Agnès Desarthe mène une enquête passionnante, puisant au coeur d'un secret : celui de n'avoir pas aimé lire pendant longtemps.
L’Angoisse de l’influence s’est imposé, depuis sa première publication en 1973, comme une référence incontournable de la théorie littéraire. Harold Bloom y expose les modalités que peut employer chaque poète et écrivain pour faire éclore sa vision propre de l’art, et travailler à se libérer des auteurs de la tradition.
Dessinant une cartographie précise des rapports existant entre les écrivains d’une époque et ceux qui les ont précédés, Bloom produit ainsi une théorie complète de l’intertextualité, et met en évidence ce qui est à la source non seulement des productions individuelles, mais aussi de l’évolution générale de la littérature.
Ils se sont rencontrés adolescents, au moment où leurs goûts et leur caractère étaient en train de se former. Ils ne se sont plus beaucoup quittés durant six ans, voyageant ensemble, se rendant visite sans cesse, s'écrivant presque chaque jour, se montrant leurs projets, fréquentant Mallarmé et Heredia, participant à la création d'une importante revue, La Conque, élaborant chacun une oeuvre singulière qui frappe par son originalité. Dès l'âge de vingt ans, la gloire les guette.
Leur entente ne va pourtant pas sans incompréhension ni disputes. Ils n'ont rien en commun, sauf la littérature. Leurs personnalités sont aux antipodes. À plusieurs reprises, ils manquent de se brouiller. Et au printemps 1895, c'est la rupture. Ils gardent quelques contacts distants durant un an encore, puis ils cessent de se voir pour toujours.
Sur quoi reposait l'amitié entre deux esprits si différents ? Quel est le secret de leur séparation ? Il faut pour y voir clair remettre en cause les idées reçues. C'est ce que ce livre s'attache à faire, d'une manière précise et vivante, qui permet de relire d'un autre oeil deux écrivains surprenants. L'un, glorieux, futur prix Nobel : André Gide. L'autre, méconnu, à redécouvrir dans la complexité de son génie : Pierre Louÿs.