Dès 1934, Blaise Cendrars (1887-1961) a précieusement conservé les nombreuses lettres envoyées par son ami Henry Miller (1891-1980), et ces enveloppes aériennes américaines, couvertes d'encres verte, rouge ou noire ont reçu réponse jusqu'à Big Sur, en Californie. Cette relation à l'écrivain américain fait partie des rares amitiés littéraires de Cendrars, lui qui avait révélé en 1935 déjà le caractère fondateur de Tropic of Cancer.
La plume de ces deux géants de la littérature du XXe siècle court par-delà l'océan durant vingt-cinq ans, à un rythme très régulier. En toute liberté de ton et de forme, les lettres se composent au gré des humeurs, des rencontres, des phases d'écriture ou de lecture. Elles dessinent en filigrane une image de chacun moins rabelaisienne que celle, publique, qui a fait d'eux des doubles de leurs oeuvres.
Reflet d'une profonde complicité, la correspondance que nous présentons est faite pour ravir, comme Cendrars l'imaginait déjà à propos de l'essai que Miller lui consacrait en 1951 : «Moi, ce qui me réjouit, c'est de me trouver avec vous sous la même couverture, comme si l'on faisait une bonne blague aux copains !...»
En écho à cette correspondance, la présente édition enrichit le dialogue des deux artistes avec quelques lettres adressées à des proches et, par résonance, elle met à disposition les textes d'hommage qu'ils se sont adressés, entre 1934 et 1959. De plus, de nombreuses illustrations inédites permettent une compréhension visuelle de cette amitié dense.
Émile Verhaeren (1855-1916), est l'un des plus grands poètes belges d'expression française. Dans ses vers, marqués par un symbolisme sensuel et mystique, sa conscience sociale lui fait évoquer avec lyrisme, et sur un ton d'une grande musicalité, le monde moderne dans ce qu'il a de plus brutal mais aussi de plus vrai : Les Débâcles (1888), Les Campagnes hallucinées (1893), Les Villes tentaculaires (1895), Les Villages illusoires (1895).
Auteur de très nombreux recueils de poèmes, d'impressions de voyage, de critiques littéraires, d'études d'art ainsi que de pièces de théâtre, Émile Verhaeren fut aussi un magnifique conteur, au style chatoyant et imagé, usant volontiers du fantastique et de l'insolite. On trouvera ici réunis pour la première fois, l'ensemble des récits et des contes publiés par ses soins dans des revues et dans les Contes de minuit (1884), ainsi que ceux recueillis après sa mort dans Cinq récits (1920) et dans Le Travailleur étrange (1921), illustrés des cinquante-quatre admirables gravures sur bois de Frans Masereel.
« Le temps est splendide, encore estival, les grands arbres, les pelouses, tout est d'un vert éclatant, vif, lumineux, euphorisant. Je marche, je la cherche autour du bâtiment, je ne la vois pas. Je croise des patients qui ont un air vraiment bizarre, qui errent seuls et me regardent avec hébétude, curiosité, agressivité peut-être. Certains sont silencieux, d'autres marmonnent tout bas, ils tournent en rond, ils marchent sans but, ils me semblent terriblement malheureux, nos regards se croisent, ils devinent que je ne suis pas des leurs. Une ou deux fois j'ai peur en les voyant qui avancent lentement dans ma direction. Aucune trace d'elle. »
Glenn Gould est-il vraiment mort en 1982 ? Soliste décrit un personnage qui lui ressemble fort, habitant ses obsessions, ses gestes, sa virtuosité… Dans une ville de taille moyenne, il se terre, se fond dans le paysage, croisant le parcours de personnages pittoresques : un vieux pâtissier à la gouaille hardie qui contraste avec la rigueur du pianiste ; une coiffeuse philosophe dressant un constat sans concessions de la société actuelle ; un étudiant fasciné par les figures de faussaires. Et une jolie serveuse qui tombe sous le charme de son détachement élégant. Incognito pour survivre à un monde oppressant, il n’en développe pas moins le cœur de son art : sa passion pour le Grand Nord et la solitude, son amour des animaux, sa terreur des salles de concert, sa précision interprétative… On découvre une personnalité attachante et drôle, complexe. Et au fil du récit, on se demande : Glenn Gould a-t-il feint sa disparition en 1982 pour mener une existence tranquille loin des contraintes de la notoriété ? A-t-on affaire à un imposteur ? Empruntant et adaptant la structure des Variations Goldberg, trente-deux parties aux motifs qui se répondent, Laure Limongi livre un récit sensible qui célèbre l’icône du pianiste tout en livrant une histoire originale, en prise avec les préoccupations de notre temps.
Chronique littéraire et politique des années 2010 à 2012, Autrement et encore est un viatique contre les attaques de la médiocrité ambiante et les laideurs collatérales du capitalisme triomphant. Littéralement empoisonné par la vulgarité contemporaine, mais nourri et protégé par la fréquentation roborative d’une bibliothèque ouverte à deux battants, où circulent en liberté idées, mémoires des actes, poésie et souvenirs de voyages, Sébastien Lapaque regarde le monde dans un parfait dosage de distance et d’intimité. Sa manière de contre-journal est énergisante, addictive et provocatrice. Il n’est pas tout à fait impossible qu’on en revienne meilleur : il nous aura prêté sa vision des choses pour mieux les affronter.
Il a la flamme de la révolte, une impitoyable lucidité, une profondeur d’écoute mais aussi un désir de croire en l’homme : une vieille et indécrottable tendresse pour l’humanité – ce flamboyant anarchiste catholique n’a pas l’impudence de s’en cacher –, qui fait de ces pages un inégalable cordial, au sens où Victor Hugo parlait de l’enthousiasme.
Par un matin de jour de l’An, Leuk et Lion, écrivains et ethnologues, reçoivent un courriel en forme de défi : le portrait à la peau brune qui les toise sur l’écran est celui de Luzia, il a été reconstitué à partir d’un crâne trouvé en terre brésilienne. Une femme négroïde, au “Nouveau Monde”, près de 10 000 ans avant notre ère ?! L’étonnement et l’excitation réveillent sans tarder leur instinct d’enquêteurs : les voilà lancés dans un voyage de cinq mille kilomètres, en bus, à travers le Brésil, de Rio de Janeiro à São Luis do Maranhão.
Aussi enlevé que rigoureux, le récit de leur périple dévoile de passionnants compléments à l’oublieuse histoire officielle : les hommes et femmes qu’ils rencontrent ont en commun d’être noirs, descendants d’esclaves, d’avoir participé par leur courage, leur créativité et leur résistance, à l’édification de l’identité et de l’âme brésiliennes – et d’être restés dans l’ombre, ou à la marge. Un thaumaturge sicilien, une sainte muselée, un boxeur champion d’art brut, l’avocat aux cinq cents victoires, une cuisinière révoltée, un sculpteur de têtes en sucre, la reine littéraire des favelas, le vainqueur de la famine, le Dragon des mers et l’Empereur des libertés sont quelques-unes des personnalités exceptionnelles évoquées par Jean-Yves Loude comme autant de flamboyantes pépites dans les eaux souvent boueuses de l’histoire du monde.
Il y a ceux qui y croient et ceux qui n'y croient pas. La présence des morts en nous, communément appelée esprits, fantômes, apparitions, divise selon les sensibilités, les cultures, les religions.
Ces corps immatériels, Jean-Marc, médecin, psychiatre et psychanalyste, par principe rétif aux phénomènes occultes, les croise à contrecoeur. Prisonnier malgré lui des filets de sa «déraison», dans la maison de George Sand à Nohant, il bascule.
Une expérience à la fois psychique et intellectuelle qui le rendra davantage à l'écoute de l'inconnu et de ses propres disparus.
L'auteur de La Dernière Leçon, qui revient à la forme romanesque, nous entraîne grâce à une construction subtile dans un voyage haletant, sans a priori, où la fausse légèreté et le brio rappellent l'univers dérangeant de ses premiers recueils de nouvelles.
'Je ne dors jamais vraiment et me prends à rêver. Il y a en Argentine, dans la province de Juyjuy, un village du nom de Purmamarca. Son cimetière est bâti dans la roche de la montagne aux sept couleurs, de l'autre côté du village, sur un versant très raide. Les tombes sont creusées dans la pierre. Parfois, il y a de petits mausolées, et surplombant le tout, une chapelle bâtie dans une grotte. C'est un étrange labyrinthe d'escaliers tortueux et de tombes. C'est là que je voudrais être enterré. Un mausolée céladon, sans croix, dont j'ai déjà dessiné le plan et la forme.
Je ne suis pas encore décidé pour l'épitaphe.'
« - J'ai voulu vivre des sensations pures... Oublier..
- Des sensations pures, vous êtes monstrueux !
- Je veux dire détachées de tout le reste, indépendantes de toute éducation, de toute influence, de tout commandement. Nos goûts sont formés par des conseils ou des exemples. Nous ne sommes pas souvent libres de nos élans. Sans cesse ils sont contenus, corrigés, aménagés. La société nous apprend le beau, c'est Watteau, Largillière, Boucher. Elle nous impose des proportions. Elle nous invite à des dégustations sur un chemin étroit dont nous ignorons les bas-côtés. Pourtant, au-delà, nous pouvons découvrir des délices inconnues, que nous fabriquons nous-mêmes, qui nous appartiennent enfin. La volupté propre, si j'ose dire. »
Sous le masque du libertin, c'est un enfant que dissimule le marquis de Sade. Précoce, libre de ses gestes et de ses joies, il connaît la vie de château et la merveilleuse aventure des premières voluptés sous le soleil provençal. Mais le songe peuplé de regards, de caresses et de frémissements ne brille que le temps d'une saison. Jusqu'à l'instant où Sade comprend à quel point on l'a trompé. Sa « rédemption » n'en sera que plus violente.
Le récit d'une éducation érotique à retardement, avec ses zones d'ombre et ses points de non-retour.
« Je suis lucide, un gilet rose pâle quand on est moche est beaucoup moins sensuel qu'une robe moulante quand on est belle », « Un homme muet, au fond, ne serait-il pas trop silencieux ? », « J'ai envie d'aimer les gens, mais je ne sais plus comment ».
Les personnages de Claire Castillon parlent d'eux-mêmes. On connaît la chanson ? En voici les couplets. Le refrain de la vie conjugale a déjà scandé nos vies, n'avons-nous pas voulu l'entendre ? Entre étouffement, solitudes à plusieurs, ruptures, sexe virtuel, amours frigides, familles nombreuses, travers exemplaires, Claire Castillon nous écrit un chant de vérités.