Laura Kern est hantée par un rêve, le rêve d’une maison qui l’obsède, l’attire autant qu’elle la terrifie. En plus d’envahir ses nuits, de flouter ses jours, le rêve porte une menace : se peut-il qu’il soit le premier symptôme du mal étrange et fatal qui frappa son père, l’héritage d’une malédiction familiale auquel elle n’échappera pas ?
D’autres mystères corrompent bientôt le quotidien de la jeune femme, qui travaille pour une agence immobilière à Paris – plus un effet secondaire qu’une carrière. Tandis qu’elle fait visiter un appartement de l’avenue des Ternes, Laura est témoin de l’inexplicable disparition d’un enfant.
Dans le combat décisif qui l’oppose à l’irrationnel, Laura résiste vaillamment, avec pour armes un poème, une pierre noire, une chanson, des souvenirs… Trouvera- t-elle dans son rêve la clé de l’énigme du réel ?
Sur la hantise du passé qui contamine les possibles, sur le charme des amours maudites, la morsure des liens du sang et les embuscades de la folie, Hélène Frappat trace une cartographie intime et (hyper)sensible de l’effroi et des tourments extralucides de l’âme. Des ruines du parc Monceau à la lande galloise, avec liberté et ampleur elle réinvente dans Lady Hunt le grand roman gothique anglais, et toutes les nuances du sortilège.
«J’ai rêvé d’une maison. La maison d’une amie très chère, devenue depuis un fantôme : une maison inquiétante, désirable, tant elle m’a ouvert un monde.
La maison est revenue, avec l’insistance douce, le malaise léger, la violence poétique des rêves récurrents.
Alors j’ai décidé d’entrer dans le rêve, de franchir la frontière qui allait me mener à la recherche d’un spectre, mais surtout à la découverte du monde exaltant de l’imagination.
Pour conquérir ce monde, il a fallu qu’un enfant malade disparaisse ; que je rencontre, sur le chemin de l’écriture, des enfants fous qui m’ont ouvert les yeux ; que j’apprivoise la terreur, la séduction, mais aussi la vitalité des ombres s’agitant sur l’écran traumatique de ma mémoire – de toute mémoire.
Lady Hunt est mon roman des premières fois. Premier roman écrit à la première personne ; premier récit greffé à mes expériences esthétiques les plus intenses (roman gothique anglais et américain ; cinéma fantastique) ; première tentative de “partage” de son écriture avec les participants d’une résidence (les patients du service de Psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Avicenne de Bobigny).
Mon héroïne est hantée par le rêve d’une maison, et le cauchemar d’une maladie. Sa hantise m’a contrainte à affronter la mienne. Plus le “je” était de fiction, plus il a convoqué les images manquantes de ma mémoire, et m’a aidée à construire un récit d’où, pour la première fois, les blancs – blanc de la folie de mon père, épisodes troués de mon enfance, dont la violence est remontée à la surface, telles les fleurs de nénuphars du poème que le père de Laura Kern lui lit chaque soir – se sont remplis, comme un tableau “en réserve” qui s’anime soudain de couleurs, comme le film ensorcelant que vous dictent vos rêves. J’ai ouvert les yeux dans le noir, et me suis avancée sans peur, avec joie, à la rencontre de la petite flamme rouge de Lady Hunt.»
H.F
L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, c'est une aventure rocambolesque et hilarante aux quatre coins de l'Europe et dans la Libye postkadhafiste, une histoire d'amour plus pétillante que le Coca-Cola, mais aussi le reflet d'une terrible réalité : le combat que mènent chaque jour les clandestins, ultimes aventuriers de notre siècle.
'Je vais te faire embaucher au Betrieb. La couture, c'est mieux pour toi. Le rythme est soutenu mais tu es assise.
D'accord?
- Je ne sais pas.
- Si tu dis oui c'est notre enfant. Le tien et le mien.
Et je te laisserai pas.
Mila se retourne:
- Pourquoi tu fais ça ? Qu'est-ce que tu veux?
- La même chose que toi. Une raison de vivre.'
En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans
cet effroyable présent une jeune femme survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout.
Un roman virtuose écrit dans un présent permanent, quand l'Histoire n'a pas encore eu lieu, et qui rend compte du poids de l'ignorance dans nos trajectoires individuelles .
Valentine Goby est née en 1974. Ce livre majeur est son huitième roman. Depuis 2002 elle compose simultanément une œuvre importante pour la jeunesse.
Alors qu'il semble enfin devoir connaître le succès, Pedro, un jeune comédien haïtien en tournée à l'étranger, se jette du douzième étage d'un immeuble. Dans son pays natal, l'un des deux amis avec lesquels il partageait au hasard des nuits un modeste appartement aux allures de bateau-ivre tente alors, entre colère et amour, de comprendre les raisons de ce geste, au fil d'une virulente adresse au disparu, comme pour remplir de son propre cri le vide laissé par celui qui déclamait dans les rues de Port-au-Prince les vers de Baude-
laire, Éluard ou Pessoa, faute de croire aux poèmes que lui-même écrivait en secret et qu'il avait rassemblés sous le titre: 'Parabole du failli'.
Un homme est tombé, qui n'avait pas trouvé sa place dans le monde d'intense désamour qui peut être le nôtre: dans l'abîme que crée sa disparition s'inscrit l'échec du suicidé mais aussi de celui qui reste, avec sa douleur et ses discours impuissants. À travers ce portrait d'un homme que le terrifiant mélange du social et de l'intime a, de l'enfance au plongeon dans le vide, transformé en plaie ouverte au
point de le contraindre, pour être lui-même, à devenir tous les autres sur la scène comme dans la vie, Lyonel Trouillot, dans cette nouvelle et bouleversante 'chanson du mal-aimé', rend hommage à l'humanité du désespoir, à l'échec des mots qui voudraient le dire mais qui, même dans la langue du Poète, ne parviennent jamais à combler la faille qui sépare la lettre de la réalité de la vie.
Aux premiers jours de décembre, Carole regagne sa vallée natale, dans le massif de la Vanoise, où son père, Curtil, lui a donné rendez-vous. Elle retrouve son frère et sa soeur, restés depuis toujours dans le village de leur enfance. Garde forestier, Philippe rêve de baliser un sentier de randonnée suivant le chemin emprunté par Hannibal à travers les Alpes. Gaby, la plus jeune, vit dans un bungalow où elle attend son homme, en taule pour quelques mois, et élève une fille qui n’est pas la sienne. Dans le Val-des-Seuls, il y a aussi le vieux Sam, pourvoyeur de souvenirs, le beau Jean, la Baronne et ses chiens, le bar à Francky avec sa jolie serveuse…
Dans le gîte qu’elle loue, à côté de la scierie, Carole se consacre à une traduction sur la vie de Christo, l’artiste qui voile les choses pour mieux les révéler. Les jours passent, qui pourraient lui permettre de renouer avec Philippe et Gaby un lien qui n’a rien d’évident : Gaby et Philippe se comprennent, se ressemblent ; Carole est celle qui est partie, celle qui se pose trop de questions. Entre eux, comme une ombre, cet incendie qui a naguère détruit leur maison d’enfance et définitivement abîmé les poumons de Gaby. Décembre s’écoule, le froid s’installe, la neige arrive… Curtil sera-t-il là pour Noël ?
Avec une attention aussi intense que bienveillante, Claudie Gallay déchiffre les non-dits du lien familial et éclaire la part d’absolu que chacun porte en soi. Pénétrant comme une brume, doux comme un soleil d’hiver et imprévisible comme un lac gelé, Une part de ciel est un roman d’atmosphère à la tendresse fraternelle qui bâtit tranquillement, sur des mémoires apaisées, de possibles futurs.
«Le Val est un endroit de pure fiction. Un bourg traversé par une route. Hiver 2012. Carole retrouve son frère Philippe et sa soeur Gaby. Leur père leur a donné rendez-vous alors ils l’attendent sans savoir quand il viendra. Je me suis demandé à quoi ça pouvait ressembler d’attendre ainsi et comment cela pouvait être écrit. Il me fallait des personnages atypiques.
Celui de Gaby, à l’origine, c’est un visage que j’ai dessiné. Elle vit dans un bungalow avec des écureuils et une Môme qui n’est pas sa fille et dont Carole ne sait rien. Son homme se planque, il a largué sa voiture dans la forêt et il a fui alors elle le cherche.
Carole a des idées biscornues, elle traduit la biographie d’un artiste du Land’art, traîne au bar. Elle est un peu amoureuse de Jean aussi. Philippe est garde forestier, il rêve de baliser le chemin pris par Hannibal.
La serveuse du bar de Francky, je l’aime bien, c’est un personnage érotique.
L’histoire s’écrit sur quarante-neuf jours, c’est le temps que Carole reste au Val. Ce qui m’a intéressée, c’est les personnages dans ce lieu, voir évoluer leurs sentiments, les suivre dans des fausses pistes, des prétextes, des doutes. Jean aime-t-il sa femme ? Qu’a vu Gaby le soir de l’incendie qui a détruit leur maison d’enfance ?
On croit que… et c’est peut-être autrement. Chacun a sa part de ciel, une petite lumière dans la tête. J’ai glissé des choses légères de la vie, les petites conneries du quotidien, Vanessa Paradis qui se sépare de Johnny Depp.
Si j’avais été la narratrice, j’aurais fait comme elle, je serais restée jusqu’au bout. Jusqu’à la confidence à la fin. La révélation, je l’ai voulue légère et cruelle. Presque un monologue. Gaby l’emporte ! Après, est-ce que le père reviendra ou pas, ça n’a plus tant d’importance.» C.G.
Sur un lit d’hôpital, Milo s’éteint lentement. À son chevet, le réalisateur new-yorkais Paul Schwarz rêve d’un ultime projet commun : un film qu’ils écriraient ensemble à partir de l’incroyable parcours de Milo. Dans un grand mouvement musical pour chanter ses origines d’abord effacées puis peu à peu recomposées, ce film suivrait trois lignes de vie qui, traversant guerres et exils, invasions et résistances, nous plongeraient dans la tension insoluble entre le Vieux et le Nouveau Monde, le besoin de transmission et le rêve de recommencement.
Du début du xxe siècle à nos jours, de l’Irlande au Canada, de la chambre sordide d’une prostituée indienne aux rythmes lancinants de la capoeira brésilienne, d’un hôpital catholique québecois aux soirées prestigieuses de New York, cette histoire d’amour et de renoncement est habitée d’un bout à l’autre par le bruissement des langues et l’engagement des coeurs.
Film ou roman, roman d’un film, Danse noire est l’oeuvre totale, libre et accomplie d’une romancière au sommet de son art.
«Toute création, même la divine, prend sa source dans un trou noir.
Vingt ans après Cantique des plaines, Danse noire explore les racines enfouies et les fruits parfois difformes de l’identité canadienne... et de l’identité tout court.
Mon idée de départ, comme si souvent, était musicale : de même qu’un prélude de Bach fait souvent avancer simultanément trois airs à des rythmes différents, de même, ici, j’ai suivi trois destinées très dissemblables, pourtant soudées par des liens de sang. Comme trois fils de couleur, tressés dans le temps…
Premier fil : le Québecois Milo Noirlac, coeur sombre du roman. Être étrangement passif et comme détaché de tout, sombre mais joyeux, dépressif mais curieux, scénariste de son état, il reconstitue l’histoire de sa vie avec l’aide de son amant le réalisateur Paul Schwarz, pour en faire un film. Ainsi assiste-t-on en direct (et en abyme) à la “cuisine” de la création : comment les deux hommes s’y prendront-ils pour construire les scènes, échafauder les dialogues et amener les « spectateurs » à s’identifier aux personnages ? Deuxième fil : prostituée indienne de Montréal, Awinita, la mère de Milo, l’a abandonné dès sa naissance. Les autochtones sont depuis cinq siècles l’ombre portée des deux continents américains… Awinita ne connaît de langue qu’orale : Cri est le nom de sa tribu mais aussi le timbre secret de sa voix. Milo n’a pour ainsi dire pas de souvenir d’elle ; n’empêche qu’elle lui a transmis un héritage crucial ; ce sont les rythmes, la colère, le lien à la Terre et la force vitale de ces peuples écrasés qu’il reconnaîtra plus tard dans la capoeira brésilienne, qui deviendra sa passion.
Enfin, Neil Kerrigan alias Noirlac, le merveilleux grand-père de Milo, grand raté comme je les aime, était dans sa jeunesse un avocat irlandais, passionné de Yeats et de Joyce. Impliqué dans la rébellion de Pâques à Dublin en 1916, il a été obligé d’émigrer au Québec deux ans plus tard. Cet exil lui a fait perdre non seulement sa terre mais aussi sa langue, et ses ambitions littéraires en ont été fracassées…
Danse noire est profondément un roman sur l’exil et la transmission, sur l’incompréhension dont Babel est un symbole… et sur la fragile possibilité de rédemption grâce à la transformation artistique.»
N.H.
Avec ce troisième roman, placé sous l'exergue d’une citation d’Arnold Schwarzenegger, c’est le supermarché, dernier temple du monde moderne, qui a inspiré à Thomas Gunzig son humour ravageur et son sens de l’aventure.
C’est en tout cas le lieu où convergent et se croisent les destins des héros involontaires. Un jeune employé, un assistant au rayon primeur, un baleinier compatissant et quatre frères, Blanc, Brun, Gris et Noir, jeunes loups aux dents longues surentraînés et prêts à tout, vont ainsi se retrouver liés par la conjonction fortuite d’un attentat frauduleux et du licenciement abusif d’une caissière.
Leurs aventures burlesques et noires nous emportent dans les sinusoïdes étranges du destin et les lois sévères du mercantilisme contemporain.
« La tristesse pouvait s’installer dans une vie et s’y planter durablement, comme une vis bien serrée avec une couche de rouille par-dessus »
« il sentait que la vie était une épreuve aussi désagréable qu’une longue angine. »
Des morceaux de bravoure inoubliables (tels la création du monde comme un supermarché), des références constantes aux contre-cultures cinématographiques, un art du rebondissement tiré des meilleurs feuilletons populaires, une précision jubilatoire, un sens de la narration et un style inoubliables font de ce roman une vraie réussite.
Le roman de Raphaël Jerusalmy commence là où calent les livres d’histoire. François Villon, premier poète des temps modernes et brigand notoire, croupit dans les geôles de Louis XI en attendant son exécution. Quand il reçoit la visite d’un émissaire du roi, il est loin d’en espérer plus qu’un dernier repas. Rebelle, méfiant, il passe pourtant un marché avec l’évêque de Paris et accepte une mission secrète qui consiste d’abord à convaincre un libraire et imprimeur de Mayence de venir s’installer à Paris pour mieux combattre la censure et faciliter la circulation des idées progressistes réprouvées par Rome. Un premier pas sur un chemin escarpé qui mènera notre poète, flanqué de son fidèle acolyte coquillard maître Colin, jusqu’aux entrailles les plus fantasmatiques de la Jérusalem d’en bas, dans un vaste jeu d’alliances, de complots et de contre-complots qui met en marche les forces de l’esprit contre la toute-puissance des dogmes et des armes, pour faire triompher l’humanisme et la liberté.
Palpitant comme un roman d’aventures, vif et malicieux comme une farce faite à l’histoire des idées, regorgeant de trouvailles et de rebondissements, La Confrérie des chasseurs de livres cumule le charme et l’énergie de Fanfan la Tulipe, l’engagement et la dérision de Don Quichotte et le sens du suspense d’un Umberto Eco.
«Je tombe sur ceci, à propos du poète François Villon, condamné à être pendu :
Le 5 janvier 1463, le Parlement casse le jugement et bannit Villon de Paris. Nul ne sait ce qu’il advint de lui par la suite.
Comment résister à une telle invite !
D’autant plus que Villon est le héros romanesque par excellence. Téméraire, attachant, tragique, rebelle. Mais aussi farceur, gredin, mystérieux. Parfait pour un récit d’aventures. Et puis Villon, c’est surtout un combat. Des comptes à régler avec le pouvoir, l’injustice, la souffrance humaine. Une épopée de l’esprit et de la lutte pour la liberté. Impossible de cantonner un tel personnage dans un seul lieu, un seul niveau de lecture, une seule intrigue. Enfin, il y a les livres. Autres héros de cette histoire. Et la poésie.
L’invite se transforme vite en défi.
C’est alors que je fais appel à la Confrérie des chasseurs de livres. Constituée d’érudits, de mercenaires, de mécènes, d’agents secrets, elle offre à Villon une mission à la mesure de son génie débridé. Et de son insolence. Mais comme c’est à l’esprit contestataire que mon roman rend hommage, Villon n’obéira pas aveuglément aux consignes et montera son propre coup d’éclat. En franc-tireur.
Ces mêmes chasseurs de livres possèdent un arsenal de manuscrits et éditions dont la diversité abracadabrante me donne toute licence pour inclure en un même volume un conte picaresque, un écrit subversif, un traité de bibliophilie, un roman d’espionnage, un essai de psychologie, quelques poésies et deux canulars. Seule façon de mettre en scène une destinée aussi riche et complexe que celle de Villon sans la priver de sa dimension de légende.
Mon précédent héros s’était mis dans l’idée de Sauver Mozart. Villon, lui, va sauver ce qu’il appelle la Parole. Et par là, tous deux sauvent leur âme, sinon la nôtre. On ne peut sauver la musique qu’en la jouant. Et la parole qu’en parlant. Ou en écrivant. Même des histoires. Surtout des histoires.
Ceci est l’une d’elles. » R.J.
SUR LA PALETIE INFINIE des couleurs, «assurément c'est le gris qui peut donner à la vie de Célestin les reflets d'une existence marquée par l'ennui. Pas le noble gris de son costume dominical, plutôt le gris du ciel quand les jours s'étirent monotones et qu'on oublie qu'il y eut et qu'il y aura un soleil pour nous réchauffer l'âme.
Si un chiffre doit qualifier cet homme, ce ne sont pas les neuf premiers, trop singuliers, trop originaux, trop indispensables dans l'infini des combinaisons; pas plus que le zéro dont la rondeur assure tant de souplesse dans l'articulation des dizaines ... 212 conviendrait mieux, nombre qui n'a pas de sens, sans personnalité.
Identique, qu'on le prenne à l'endroit ou à rebours, il est l'insignifiance même, divisible et sans intérêt. Incognito. »
Célestin ou l'éloge de l'incertitude.
PRIX MEDICIS 2013
Une femme rencontre un homme. Coup de foudre. Il se trouve que l’homme est noir. « C’est quoi, un Noir ? Et d’abord, c’est de quelle couleur ? » La question que pose Jean Genet dans Les Nègres, cette femme va y être confrontée comme par surprise. Et c’est quoi, l’Afrique ? Elle essaie de se renseigner. Elle lit, elle pose des questions. C’est la Solange du précédent roman de Marie Darrieussecq, Clèves, elle a fait du chemin depuis son village natal, dans sa « tribu » à elle, où tout le monde était blanc.
L’homme qu’elle aime est habité par une grande idée : il veut tourner un film adapté d’Au cœur des ténèbres de Conrad, sur place, au Congo. Solange va le suivre dans cette aventure, jusqu’au bout du monde : à la frontière du Cameroun et de la Guinée Équatoriale, au bord du fleuve Ntem, dans une sorte de « je ntem moi non plus ».
Tous les romans de Marie Darrieussecq travaillent les stéréotypes : ce qu’on attend d’une femme, par exemple ou les phrases toutes faites autour du deuil, de la maternité, de la virginité... Dans Il faut beaucoup aimer les hommes cet homme noir et cette femme blanche se débattent dans l’avalanche de clichés qui entoure les couples qu’on dit « mixtes ». Le roman se passe aussi dans les milieux du cinéma, et sur les lieux d’un tournage chaotique, peut-être parce qu’on demande à un homme noir de jouer un certain rôle : d’être noir. Et on demande à une femme de se comporter de telle ou telle façon : d’être une femme.