Comment expliquer la place ambiguë de la psychanalyse dans notre société ? Avec un regard qui rappelle celui des Persans de Montesquieu, un anthropologue a exploré pendant une dizaine d'années l'univers parisien de la psychanalyse. Il relate non seulement le parcours des patients et des psychanalystes dans un monde qui possède ses propres règles, mais aussi un épisode-clé de l'histoire du mouvement freudien en France (États Généraux de la psychanalyse, Réglementation du titre de psychothérapeute, parution d'un Livre noir de la psychanalyse), dont l'autorité est aujourd'hui contestée au nom de la scientificité et de l'efficacité de psychothérapies modernes...
À travers l'anthropologie d'un lieu commun faussement familier et qui suscite le plus souvent une critique radicale ou un engouement total, l'auteur interroge la rationalité d'une pratique finalement méconnue de la plupart d'entre nous.
Les mots comportent une charge symbolique considérable. Utilisés consciemment ou non à des fins idéologiques, ils peuvent devenir de redoutables armes ou de non moins efficaces étouffoirs d'esprit critique. D'où la nécessité de les décrypter et de les faire dégorger : surgiront ainsi les diverses significations qu'ils charrient le plus souvent à notre insu. A cet égard, l'étymologie, ce salutaire retour aux sources, est une faiseuse de clarté toujours bienvenue.
C'est à cette tâche que l'auteur, attentif à la polysémie de vocables tirés du langage commun, s'est en particulier attelé dans les chroniques recueillies ici et précédemment publiées dans la revue Aide-mémoire.
Hiver 1943. Le botaniste russe Nikolaï Vavilov meurt de faim en prison, victime des purges de Staline. Tragique destin pour un homme visionnaire qui a consacré sa vie à lutter contre la famine.
Au cours de sa vie, Vavilov s'est aventuré dans les régions les plus reculées de la Terre - en des lieux qu'il a identifiés comme les « centres originels » de notre biodiversité alimentaire - pour y récolter des milliers de semences et les mettre à l'abri des destructions et de l'oubli. C'est de Saint-Pétersbourg, où elles dorment en sécurité, que Gary Paul Nabhan est parti sur les traces du grand savant russe.
Récit d'une vie hors du commun, de périples parfois périlleux à travers les déserts, sur les glaciers, au coeur des forêts ou le long des fleuves et des vallées des cinq continents, ce livre mesure également le recul de la biodiversité depuis le passage de Vavilov, il y a moins de cent ans.
Changements climatiques, libéralisation des échanges, perte des savoir-faire traditionnels, ingénierie génétique...
La fabuleuse diversité des semences des champs et des vergers du monde est en péril. C'est pourtant d'elle que dépend la survie alimentaire de l'humanité. Il est urgent, dit Nabhan au fil de ces pages passionnantes et brûlantes d'actualité, que les hommes se souviennent que la sauvegarde de la biodiversité est entre leurs mains.
Au cours des années 1970, une vigoureuse offensive contre le «totalitarisme de gauche» ébranla la vie politique française. Dans leurs livres, leurs articles et à la télévision, les intellectuels «anti-totalitaires» dénonçaient, sur un ton dramatique, une filiation entre les conceptions marxistes et révolutionnaires et le totalitarisme. Issus eux-mêmes de la gauche et ne craignant qu'une faible opposition de ce côté-là, ces intellectuels ont réussi à marginaliser la pensée marxiste et à saper la légitimité de la tradition révolutionnaire, ouvrant ainsi la voie aux solutions politiques modérées, libérales et postmodernes qui allaient dominer les décennies suivantes. Capitale de la gauche européenne après 1945, Paris devenait la «capitale de la réaction européenne».
Cette histoire de la notion de «totalitarisme» depuis la Seconde Guerre mondiale retrace notamment les étapes de son instrumentalisation pour marginaliser le PCF et peser sur les orientations de l'Union de la gauche. Faisant un sort définitif à la légende de la «prise de conscience» qu'aurait provoquée L'Archipel du Goulag d'Alexandre Soljenitsyne en 1974, il révèle la continuité des stratégies permettant la conversion d'intellectuels radicaux en compagnons de route d'un PS sur le chemin du pouvoir. Cet «antitotalitarisme» doit donc bien moins à la découverte d'une tradition libérale à l'anglo-saxonne qu'à la droitisation de la gauche intellectuelle et politique française.
Métropoles, mégalopoles... La vie moderne se confond avec la vie urbaine. En quoi la ville influe-t-elle sur les aspects les plus intimes de l'être humain, des perceptions aux sentiments ? Quels sont les traits dominants de cette existence urbaine et les spécificités des médias liés à ce nouveau mode de vie ? Expérience de l'éphémère, discontinuité, accélération, distraction, identité éclatée, slogans publicitaires, flux continu d'informations... Livrant une analyse passionnante des oeuvres de Simmel, Les grandes villes et la vie de l'esprit, et Benjamin, Le livre des passages, Antonio Rafele nous invite à (re)découvrir ces deux grands penseurs des temps nouveaux, qui n'ont jamais cessé de faire rimer la notion de modernité avec celle d'espace urbain.
Qu'est-ce qu'un concept ? Cette question concerne au premier chef ceux qui ont fait du concept une profession : chercheurs dans les diverses sciences, humaines ou non, et travailleurs intellectuels en général. Plus largement, elle exprime cette curiosité naturelle, non dénuée d'inquiétude, à laquelle toute pensée, commune ou savante, semble exposée et qui nous pousse à souhaiter, sans savoir sans doute exactement ce que nous recherchons par là, une détermination plus exacte de ce que nous entendons par « pensée ». Que veut dire pour la pensée que celle-ci, en un certain sens, passe par la mise en oeuvre de ce que nous appelons « concepts » ? Quelle est la nature exacte de cette discrimination faite alors entre le conceptuel et le non-conceptuel ? Les concepts, étymologiquement, sont censés nous ménager une prise sur quelque chose. Cette chose, est-ce bien la réalité même ? Sommes-nous ainsi capables de penser « les choses telles qu'elles sont » ? Et, si c'est le cas, à quel prix ? Quelles limites faut-il accepter à l'efficacité de nos pensées ? Telles sont les questions recouvertes par leur caractérisation en termes de « concepts », et celles que ce livre, au fil des exemples et mises en situation, s'attache à résoudre.
Essai sur l'histoire des conceptions de l'Univers
Avec Les Somnambules, Arthur Koestler entame l'oeuvre monumentale dans laquelle il analyse la grandeur et les misères de la condition humaine. Les Somnambules, ce sont les hommes de science - Copernic, Kepler, Brahé, Galilée - qui, progressant péniblement parmi les brouillards des thèses erronées, ont ouvert la voie à l'univers newtonien. En suivant les longs détours du savoir en marche, Arthur Koestler retrace l'histoire des conceptions de l'Univers, et démontre comment la scission entre la science et la religion a placé l'humanité devant un tragique dilemme dont elle doit sortir. Le salut se trouve, sans doute, dans une synthèse, car science et religion ne sont pas totalement contradictoires dans leur inspiration profonde. Prenant le contre-pied des idées traditionnelles, Arthur Koestler nous donne une réflexion entièrement novatrice en même temps qu'un historique passionnant.
Durant près de vingt ans, le philosophe Henri Van Lier a rédigé un livre exceptionnel, qui se veut la somme de tous nos savoirs actuels sur l'évolution de l'homme, depuis l'émergence de ses premiers ancêtres aux acquis les plus récents et les plus pointus en art comme en science. L'aboutissement de cet effort sans pareil n'est pas une encyclopédie des connaissances, mais un véritable récit, celui du devenir de l'homme (discipline post-darwinienne que Van Lier nomme Anthropogénie) et de sa découverte progressive du monde qui l'entoure, du niveau le plus élémentaire à celui de l'univers en expansion continue.
Entreprise déraisonnable à l'ère des spécialisations ? Chez Henri Van Lier, grand savant mais aussi grand narrateur, l'aventure humaine s'impose au contraire comme un projet à la fois uni et résolument ouvert. Dans son Anthropogénie, il s'appuie sur un champ de connaissances extrêmement vaste, allant de la paléoanthropologie à la biologie en passant par la neurologie, l'archéologie, la physique, les mathématiques, la philosophie, ou encore la sémiologie.
Un immense enthousiasme accueillit la parution en 1948 d'Aux Confins de la Terre, le chef d'oeuvre classique sur la Terre de Feu qui inspira à Bruce Chatwin l'écriture d'En Patagonie. Cette oeuvre unique, qui relate «plus d'aventures que cent romans», s'est imposée depuis soixante ans comme l'incontournable référence littéraire sur ces régions du bout du Monde et la culture peu connue des Indiens fuégiens.
E. Lucas Bridges naît en 1874 à Ushuaia, en Terre de Feu, à l'extrême Sud de l'Argentine. Une région sauvage, à l'époque grandement inexplorée. Son père, missionnaire anglican, s'y est établi quelques années auparavant avec sa famille. D'immenses étendues de montagnes, forêts et lacs les entourent, qui sont également le terrain de chasse de tribus hostiles et féroces. Lucas grandit parmi les Indiens Yaghans de la côte, apprenant leur langue et leurs usages. Plus tard, jeune homme, il entre en contact avec la tribu redoutée des Onas, devient leur ami et compagnon de chasse et est initié comme guerrier.
La prédiction du critique littéraire du New York Times au moment de la parution de ce livre est à coup sûr encore d'actualité : «Je n'ai aucun doute qu'Aux Confins de la Terre trouvera sa place au panthéon de plusieurs domaines de la littérature : aventure, anthropologie et histoire frontalière».
Que et où suis-je ?
Après avoir revisité un certain nombre de positions classiques sur la nature et le statut du sujet (celle de Descartes notamment) et de réponses possibles à la question de savoir ce que je suis (une personne ? une machine ?), cette enquête développe une théorie originale fondée sur la notion de figures imaginaires.
On y trouvera une façon nouvelle de faire de la philosophie, s'appuyant sur et passant par la fiction. Cette méthode est mise en oeuvre par l'analyse d'une série de figures tirées de la littérature, où sont convoqués des auteurs classiques comme Poe, Maupassant, Nerval, aussi bien que des écrivains de science-fiction comme Wells, Conan Doyle, Stapledon, Ph. K. Dick. S'y ajoutent d'originales fictions imaginées par l'auteur, qui deviennent autant de plans d'expérience philosophique : puis-je, au sens propre, perdre la tête ? être invisible ? intouchable ? habiter un tableau ? être fait de plusieurs morceaux ?
Voici, autour de la question du sujet, un parcours par la fiction d'un pan de la philosophie aussi bien qu'un voyage philosophique à travers la science-fiction.