La colère du rhinocéros

La colère du rhinocéros
Ghislain Christophe
Ed. Belfond
J'ai roulé doucement vers la sortie du garage, un peu trop ailleurs pour me concentrer sur ce que je faisais. Il y avait Hélène et la puce, mon père, mes espoirs de môme et mes souvenirs d'adulte, le manque de mille autres souvenirs que j'aurais aimé avoir, des cercueils et la peur de mourir, des glaces qui fondent trop vite, du sable dans les yeux, l'amour à la sauvette, le clapotis de l'eau qui cogne contre le matelas gonflable sur lequel on se laisse bercer, des maisons sous la pluie, des phares tragiques et des falaises étonnantes, des tonnes de poissons, des hydravions et des rhinocéros en veux-tu en voilà qui faisaient la bringue dans mon cerveau.
La Colère du rhinocéros est un roman polyphonique porté par une écriture savoureuse, un western poétique et drôle explorant les méandres de vies tombées en morceaux, un questionnement sur le sens de l'existence édifié autour du rêve en ruine d'un vieux fou absent : le père de Gibraltar.

Millefeuille

Millefeuille
Kaplan Leslie
Ed. POL

Quand je l'ai connu, Jean Pierre Millefeuille habitait déjà depuis longtemps rue Antoine-Bourdelle, une petite rue à côté de la gare Montparnasse. Conversations, échanges. Séduction réciproque. Pas du tout le vieux crispé sur ses acquis de pensée, ses habitudes. Une fois j'allai chez lui avec Zoé, la fille d'une amie. Après Zoé me dit, Je ne sais pas si je l'aime, non vraiment je ne sais pas.

Pourtant elle retourna le voir, et emmena même Léo, un amoureux. C'est là que tout a commencé.

En numérique chez Tropismes : Millefeuille

La blonde et le bunker

La blonde et le bunker
Alikavazovic Jakuta
Ed. L'Olivier

« Gray était amoureux. Anna, non. Gray dormait mal. Il errait dans la maison, contemplait ses verres d'eau ou la surface de son bain dans l'espoir de la voir lentement apparaître, comme une inconnue photographiée émerge peu à peu, affleure dans un bac de développement. Il se découvrit tout un imaginaire, toute une érotique des chambres noires. Anna lui manquait toujours, même lorsqu'elle était là. Il la sentait circuler autour de lui, la nuit ; en lui, même - sous son autre nature, volatile, caressante, chimique. »

Gray est l'amant de la blonde Anna, qui vient de divorcer du célèbre auteur des Narcissiques anonymes, John Volstead. À la mort de ce dernier, une ligne du testament charge implicitement le jeune homme d'une enquête.

Érudit et ludique, La Blonde et le Bunker est aussi un grand roman d'amour.

En numérique chez Tropismes : La blonde et le bunker

Le testament syrien

Le testament syrien
Bonnand Alain
Ed. Ecriture

«L'après-midi est paisible. Un peu de vent déplace un journal publicitaire. Le faux-poivrier, devant mon balcon, a moins belle allure que les années précédentes : fin décembre, il s'est fendu en deux sous le poids de la neige. Le rouge-gorge de 11 h 49 n'y vient plus chanter...

Cinq messieurs devant la mosquée. Jusqu'à cinq personnes, les réunions publiques sont permises en Syrie, tout va bien. Je ne crois pas qu'ils complotent, ou alors spécialement : ils se tiennent par l'épaule et ils s'embrassent. (Tant qu'on n'y interdit pas les associations étroites, sans souci de genre, à deux, voire à trois, un pays reste vivable de mon point de vue.)

Un balayeur vient d'abandonner sa poubelle rouge et vert à deux tonneaux pour aller s'allonger derrière un arbre...» A. B.

Les dames ont été malheureuses en 2011 : Alain Bonnand, qui habitait Damas, qui vivait là, en direct, les débuts de la révolte syrienne, a réservé tout son courrier à son ami le philosophe nihiliste Roland Jaccard.

Quarante-sept lettres, comme autant de chapitres : L'enfumeuse. Le soleil renonce à l'actualité. Prenons Marie, qui n'est pas femme de chambre. Combien de Maud en Syrie ? Valse pour un rachat. L'ambassadeur file au but. Petites poules à la guerre. Ente foutdouli la koul ishi, habibi ? Barouf à Malki. Nizar est connu au cimetière...

Patients

Patients
Grand corps malade
Ed. Don Quichotte

«J'ai envie de vomir.

J'ai toujours été en galère dans les moyens de transport, quels qu'ils soient. J'ai mal au coeur en bateau, bien sûr, mais aussi en avion, en voiture... Alors là, allongé sur le dos à contresens de la marche, c'est un vrai calvaire.

Nous sommes le 11 août et il doit bien faire 35 degrés dans l'ambulance. Je suis en sueur, mais pas autant que l'ambulancier qui s'affaire au-dessus de moi ; je le vois manipuler des tuyaux, des petites poches et plein d'autres trucs bizarres. Il a de l'eau qui lui glisse sur le visage et qui forme au niveau du menton un petit goutte-à-goutte bien dégueulasse.

Je sors tout juste de l'hôpital où j'étais en réanimation ces dernières semaines. On me conduit aujourd'hui dans un grand centre de rééducation qui regroupe toute la crème du handicap bien lourd : paraplégiques, tétraplégiques, traumatisés crâniens, amputés, grands brûlés...

Bref, je sens qu'on va bien s'amuser.»

À tout juste vingt ans, alors qu'il chahute avec des amis, Fabien heurte le fond d'une piscine et se déplace les vertèbres. Les médecins diagnostiquent une probable paralysie à vie. Il relate ici, dans le style poétique, drôle et incisif qu'on lui connaît, les péripéties truculentes, parfois cocasses, vécues avec ses colocataires d'infortune dans un centre de rééducation pour handicapés. Jonglant entre émotion et dérision, ce récit est aussi celui d'une renaissance.

Théorème vivant

Théorème vivant
Villani Cédric
Ed. Grasset

Théorème vivant est le récit de la genèse d'une avancée mathématique. Nous voici emportés dans le quotidien d'un jeune chercheur de talent : un véritable «road trip», de Kyoto à Princeton et de Lyon à Hyderabad, dont Cédric Villani tient, au jour le jour, le carnet de bord. Entre des échanges de mails enflammés avec son collaborateur et compagnon de route, quelques refrains de chansons fredonnés au fil des équations et les histoires merveilleuses que ce père de famille raconte à ses enfants, on suit la lente et chaotique élaboration d'un nouveau théorème qui lui vaudra la plus prestigieuse distinction du monde des mathématiques.

Aux antipodes de l'ouvrage de vulgarisation scientifique traditionnel, Théorème vivant est un chant passionné qui se lit comme un roman d'aventures, jalonné de portraits de quelques-uns des plus grands noms de l'histoire des mathématiques et parsemé de vertigineuses équations qui exercent sur le lecteur une irrésistible fascination.

Avis à tous ceux qui gardent un souvenir cruel de l'étude des fonctions et de la résolution d'équations à plus d'une inconnue : Théorème vivant vous réconciliera avec cette science dont Cédric Villani sait comme personne, par la grâce de sa passion, transmettre la magie, la beauté et la poésie.

Un repas en hiver

Un repas en hiver
Mingarelli Hubert
Ed. Stock

Ce jour-là, trois hommes prennent la route, avancent péniblement dans la neige sans autre choix que de se prêter à une chasse à l'homme décrétée par leur hiérarchie militaire. Ils débusquent presque malgré eux un Juif caché dans la forêt, et, soucieux de se nourrir et de retarder le retour à la compagnie, procèdent à la laborieuse préparation d'un repas dans une maison abandonnée, avec le peu de vivres dont ils disposent. Les hommes doivent trouver de quoi faire du feu et réussir à porter à ébullition une casserole d'eau. Ils en viennent à brûler les chaises sur lesquelles ils sont assis, ainsi que la porte derrière laquelle ils ont isolé leur proie.

Le tour de force d'Hubert Mingarelli, dans ce roman aussi implacable que vertigineux, consiste à mettre à la même table trois soldats allemands, un jeune Juif et un Polonais dont l'antisémitisme affiché va réveiller chez les soldats un sentiment de fraternité vis-à-vis de leur prisonnier.

La vague

La vague
Mingarelli Hubert
Ed. Chemin de fer

Je ne savais pas si j'espérais que Tjaden sortirait bientôt de la baraque pour que nous rentrions à bord nous coucher, ou bien si je souhaitais rester encore avec le garçon, même sans nous parler. Car j'avais un peu peur. A nos pieds, sous les détritus qui flottaient, je devinais l'eau noire, et les ténèbres profondes et insondables, là où peut-être la tristesse et la mélancolie se cachaient. Mais il me semblait que l'odeur du garçon et sa fragile silhouette avaient le pouvoir, comme si je les connaissais depuis longtemps, de les tenir à distance.

Un bateau fait escale à Haïti. Tous les marins s'apprêtent à profiter des plaisirs qu'offre la terre ferme. Tous, sauf le narrateur et son ami Tjaden, consignés à bord...

Dans cette histoire d'amitié fragile, suspendue entre deux temps, Hubert Mingarelli excelle à faire parler les silences et les non-dits.

Barthélémy Toguo explore la face ombreuse du texte et ses dessins s'immiscent en deçà des mots, tracent avec vigueur l'esquisse d'une humanité tendue et oppressée.

Album

Album
Lafon Marie-Hélène
Ed. Buchet Chastel

Ma rivière d'enfance a nom Santoire. Elle borna le monde, c'est définitif, elle fut l'été, la plage d'ardoise, et l'immobile après-midi d'août, le temps arrêté dans le babil lumineux de son lit de cailloux. Elle fut de chaque hiver, et des printemps brefs, haute, pressée d'en finir, se hâtant, tournoyant à bout de gris, cinglant les branches nues et penchées. Horizontale, insolente et enfuie.

C'est un abécédaire choisi, où l'on irait de Arbres à Vaches en passant par Chiens, Journal, ou Tracteurs.

Ce serait l'os des choses, leur velours ; et comme une déclaration d'amour répétée vingt-six fois.

Les pays

Les pays
Lafon Marie-Hélène
Ed. Buchet Chastel

À la porte de Gentilly, en venant de la gare, on n'avait pas vu de porte du tout, rien de rien, pas la moindre casemate, quelque chose, une sorte de monument au moins, une borne qui aurait marqué la limite, un peu comme une clôture de piquets et de barbelés entre des prés.

Fille de paysans, Claire monte à Paris pour étudier. Elle n'oublie rien du monde premier et apprend la ville où elle fera sa vie.

Les Pays
raconte ces années de passage.

En numérique chez Tropismes : Les pays

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