Patients

Patients
Grand corps malade
Ed. Don Quichotte

«J'ai envie de vomir.

J'ai toujours été en galère dans les moyens de transport, quels qu'ils soient. J'ai mal au coeur en bateau, bien sûr, mais aussi en avion, en voiture... Alors là, allongé sur le dos à contresens de la marche, c'est un vrai calvaire.

Nous sommes le 11 août et il doit bien faire 35 degrés dans l'ambulance. Je suis en sueur, mais pas autant que l'ambulancier qui s'affaire au-dessus de moi ; je le vois manipuler des tuyaux, des petites poches et plein d'autres trucs bizarres. Il a de l'eau qui lui glisse sur le visage et qui forme au niveau du menton un petit goutte-à-goutte bien dégueulasse.

Je sors tout juste de l'hôpital où j'étais en réanimation ces dernières semaines. On me conduit aujourd'hui dans un grand centre de rééducation qui regroupe toute la crème du handicap bien lourd : paraplégiques, tétraplégiques, traumatisés crâniens, amputés, grands brûlés...

Bref, je sens qu'on va bien s'amuser.»

À tout juste vingt ans, alors qu'il chahute avec des amis, Fabien heurte le fond d'une piscine et se déplace les vertèbres. Les médecins diagnostiquent une probable paralysie à vie. Il relate ici, dans le style poétique, drôle et incisif qu'on lui connaît, les péripéties truculentes, parfois cocasses, vécues avec ses colocataires d'infortune dans un centre de rééducation pour handicapés. Jonglant entre émotion et dérision, ce récit est aussi celui d'une renaissance.

Théorème vivant

Théorème vivant
Villani Cédric
Ed. Grasset

Théorème vivant est le récit de la genèse d'une avancée mathématique. Nous voici emportés dans le quotidien d'un jeune chercheur de talent : un véritable «road trip», de Kyoto à Princeton et de Lyon à Hyderabad, dont Cédric Villani tient, au jour le jour, le carnet de bord. Entre des échanges de mails enflammés avec son collaborateur et compagnon de route, quelques refrains de chansons fredonnés au fil des équations et les histoires merveilleuses que ce père de famille raconte à ses enfants, on suit la lente et chaotique élaboration d'un nouveau théorème qui lui vaudra la plus prestigieuse distinction du monde des mathématiques.

Aux antipodes de l'ouvrage de vulgarisation scientifique traditionnel, Théorème vivant est un chant passionné qui se lit comme un roman d'aventures, jalonné de portraits de quelques-uns des plus grands noms de l'histoire des mathématiques et parsemé de vertigineuses équations qui exercent sur le lecteur une irrésistible fascination.

Avis à tous ceux qui gardent un souvenir cruel de l'étude des fonctions et de la résolution d'équations à plus d'une inconnue : Théorème vivant vous réconciliera avec cette science dont Cédric Villani sait comme personne, par la grâce de sa passion, transmettre la magie, la beauté et la poésie.

Un repas en hiver

Un repas en hiver
Mingarelli Hubert
Ed. Stock

Ce jour-là, trois hommes prennent la route, avancent péniblement dans la neige sans autre choix que de se prêter à une chasse à l'homme décrétée par leur hiérarchie militaire. Ils débusquent presque malgré eux un Juif caché dans la forêt, et, soucieux de se nourrir et de retarder le retour à la compagnie, procèdent à la laborieuse préparation d'un repas dans une maison abandonnée, avec le peu de vivres dont ils disposent. Les hommes doivent trouver de quoi faire du feu et réussir à porter à ébullition une casserole d'eau. Ils en viennent à brûler les chaises sur lesquelles ils sont assis, ainsi que la porte derrière laquelle ils ont isolé leur proie.

Le tour de force d'Hubert Mingarelli, dans ce roman aussi implacable que vertigineux, consiste à mettre à la même table trois soldats allemands, un jeune Juif et un Polonais dont l'antisémitisme affiché va réveiller chez les soldats un sentiment de fraternité vis-à-vis de leur prisonnier.

La vague

La vague
Mingarelli Hubert
Ed. Chemin de fer

Je ne savais pas si j'espérais que Tjaden sortirait bientôt de la baraque pour que nous rentrions à bord nous coucher, ou bien si je souhaitais rester encore avec le garçon, même sans nous parler. Car j'avais un peu peur. A nos pieds, sous les détritus qui flottaient, je devinais l'eau noire, et les ténèbres profondes et insondables, là où peut-être la tristesse et la mélancolie se cachaient. Mais il me semblait que l'odeur du garçon et sa fragile silhouette avaient le pouvoir, comme si je les connaissais depuis longtemps, de les tenir à distance.

Un bateau fait escale à Haïti. Tous les marins s'apprêtent à profiter des plaisirs qu'offre la terre ferme. Tous, sauf le narrateur et son ami Tjaden, consignés à bord...

Dans cette histoire d'amitié fragile, suspendue entre deux temps, Hubert Mingarelli excelle à faire parler les silences et les non-dits.

Barthélémy Toguo explore la face ombreuse du texte et ses dessins s'immiscent en deçà des mots, tracent avec vigueur l'esquisse d'une humanité tendue et oppressée.

Album

Album
Lafon Marie-Hélène
Ed. Buchet Chastel

Ma rivière d'enfance a nom Santoire. Elle borna le monde, c'est définitif, elle fut l'été, la plage d'ardoise, et l'immobile après-midi d'août, le temps arrêté dans le babil lumineux de son lit de cailloux. Elle fut de chaque hiver, et des printemps brefs, haute, pressée d'en finir, se hâtant, tournoyant à bout de gris, cinglant les branches nues et penchées. Horizontale, insolente et enfuie.

C'est un abécédaire choisi, où l'on irait de Arbres à Vaches en passant par Chiens, Journal, ou Tracteurs.

Ce serait l'os des choses, leur velours ; et comme une déclaration d'amour répétée vingt-six fois.

Les pays

Les pays
Lafon Marie-Hélène
Ed. Buchet Chastel

À la porte de Gentilly, en venant de la gare, on n'avait pas vu de porte du tout, rien de rien, pas la moindre casemate, quelque chose, une sorte de monument au moins, une borne qui aurait marqué la limite, un peu comme une clôture de piquets et de barbelés entre des prés.

Fille de paysans, Claire monte à Paris pour étudier. Elle n'oublie rien du monde premier et apprend la ville où elle fera sa vie.

Les Pays
raconte ces années de passage.

En numérique chez Tropismes : Les pays

Gordana

Gordana
Lafon Marie-Hélène
Ed. Chemin de fer

Gordana n'a pas trente ans. Son corps sue l'adversité et la fatigue ancienne. Le monde lui résiste ; rien ne lui fut donné, ni à elle ni à celles et ceux qui l'ont précédée, l'ont fabriquée et jetée là, en caisse 4, au Franprix du numéro 93 de la rue du Rendez-Vous dans le 12e arrondissement de Paris. Le corps de Gordana, sa voix, son accent, son prénom, son maintien, viennent de loin, des frontières refusées, des exils forcés, des saccages de l'histoire qui écrase les vies à grands coups de traités plus ou moins hâtivement ficelés.

Petite table, sois mise !

Petite table, sois mise !
Serre Anne
Ed. Verdier

Dans une série de scènes érotiques où la joie le dispute à l'énormité des situations et des propos tenus, Anne Serre se livre à un jeu de débordements qui, loin de déconcerter le lecteur, lui offrent un véritable enchantement.

Dans une scène originelle, «la table au disque luisant» fonctionne comme objet érotique mais aussi comme objet de divination, objet fascinant chargé de messages que la narratrice sera plus tard amenée à décrypter lorsqu'elle aura quitté l'enfance.

Elle rencontre aussi sur son chemin nombre de personnages qui seront pour elle autant de signes qui participeront secrètement à la construction de soi.

Au terme d'une errance à la fois dramatique et confiante, elle pourra enfin énoncer la formule magique du conte de Grimm : Petite table, sois mise !

Jane Austen disait que «les narrateurs doivent raconter un mystère». C'est bien un parcours énigmatique que trace ce récit qui a le charme et la résonance profonde d'un conte.

En numérique chez Tropismes : Petite table, sois mise !

L'assassin à la pomme verte

L'assassin à la pomme verte
Carlier Christophe
Ed. Serge Safran

« J'éprouvais pour Elena une tendre reconnaissance. J'avais toujours voulu tuer quelqu'un. Pour y parvenir, il me manquait simplement de l'avoir rencontrée » songe Craig, fraîchement débarqué des États-Unis comme Elena d'Italie. Tous deux se trouvent pour une semaine au Paradise : un palace, vrai monde en soi, où l'on croise parfois au bar d'étranges clients. Par exemple cet homme de Parme, mari volage et volubile, découvert assassiné au lendemain de leur arrivée. Entre Craig et Elena naît un sentiment obsédant, fait d'agacement et d'attirance, sous l'oeil impitoyable de Sébastien, le réceptionniste, auquel rien n'échappe. Ou presque.

Dans cette envoûtante et spirituelle fiction à plusieurs voix, chacun prenant à son tour la parole, chacun observant l'autre, épiant son voisin, amour et meurtre tendent à se confondre. En émule d'Agatha Christie et de Marivaux, Christophe Carlier prouve avec maestria que l'accidentel, dans le shaker du grand hôtel, a partie liée avec l'imaginaire. Et qu'un assassin peut être aussi discret que l'homme à chapeau melon de Magritte, au visage dissimulé à jamais derrière une pomme verte.

Zénith-Hôtel

Zénith-Hôtel
Coop-Phane Oscar
Ed. Finitude

«Je suis une pute de rue. Pas une call-girl ou quelque chose comme ça ; non, une vraie pute de trottoir, à talons hauts et cigarettes mentholées.»

Elle est directe, Nanou, pas le genre à faire des manières, non, pas le genre à se voiler la face, à se faire des illusions sur sa vie ou sur celle de ses clients. Elle est juste là pour donner un peu d'amour, et eux sont là pour en recevoir.

Dominique, Emmanuel, Victor, Luc, Jipé ou Robert, ils ne demandent que ça, un peu de tendresse, histoire de se fuir un instant, histoire de vivre un peu.

Une galerie de portraits attachants, sincères, de petites gens aux prises avec un monde trop grand pour eux. Et elle est belle jusque dans ses faiblesses, cette humanité-là.

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