Les grands masques

Les grands masques
Quaghebeur Marc
Ed. Grand miroir

Que s'est-il passé entre Milena Lilienfeld, intellectuelle roumaine engagée et espionne de haut vol, et le peintre et résistant Ernest De Cormois ? Sa figure, qui hante ce roman comme le coeur de Milena, ne cesse d'échapper, de tramer et de se donner. C'est que, dans ce récit, chacun avance masqué et plonge au pire de l'Histoire du XXe siècle.

Quels intérêts sordides y font courir en Afrique et ailleurs des personnages aux passés troubles ? Quels enjeux se cachent derrière l'assassinat à Houlgate du mari de Milena Lilienfeld ? Qu'a découvert Ernest De Cormois à la fin de sa vie, au seuil de son chef-d'oeuvre pictural, Les Juifs de Vienne ?

Un demi-siècle après les rencontres décisives des principaux protagonistes, Paul et Suzanne se voient subitement projetés sur les traces de Samuel et de Constantin, de Jean et d'Élysée, d'Élisabeth et de Milena. L'histoire inconnue de leurs ascendants est aussi celle du siècle qui les a faits. Ils en sont les héritiers bien au-delà de ce qu'ils croyaient savoir.

Lettres et billets, fax et sms, dialogues et monologues trament ce roman mosaïque dans lequel se perd un couple d'amants. L'Art et la Politique y jouent un pas de deux qu'on leur reconnaît rarement.

Journal particulier. 1935

Journal particulier. 1935
Léautaud Paul
Ed. Mercure de France

Le 1er janvier 1935

Ensuite elle a pris son bain. Je me suis assis à côté de sa baignoire. C'est vrai ce que je lui ai dit des mille nuances de tendresse que me font éprouver certaines de ses façons de me faire plaisir, de se montrer tendre elle-même. Pour la première fois de ma vie, je trouve une femme à qui pouvoir parler de cette sorte. J'ai même fini par tourner cela en plaisanterie, en disant qu'il m'arrivera peut-être, moi qui ai toujours célébré uniquement le derrière, de tomber dans l'amour platonique, en quoi m'aidera la nature un jour en me supprimant tous moyens.

Du Journal particulier de Paul Léautaud, on connaissait l'année 1933, publiée au Mercure de France en 1986. Aujourd'hui, c'est l'année 1935 qui paraît. On y lit des épisodes restés inédits de la relation amoureuse complexe de Léautaud et de Marie Dormoy. Le journal particulier de 1933 était essentiellement érotique. Ici, Léautaud n'est plus occupé uniquement de prouesses sexuelles. S'il reste souvent d'une extrême crudité, l'écrivain avoue connaître l'« amour fou » et y puiser le bonheur d'écrire. Pourtant, désorienté par la passion qui l'a saisi, il accable Marie Dormoy de violentes scènes, innombrables et répétitives, qui forment l'une des trames de ce Journal particulier. Au plaisir de la possession physique de la femme aimée succède toujours la jalousie qui habite l'amoureux qu'il est devenu, à plus de soixante ans...

Recueil général des Caquets de l'accouchée

Recueil général des Caquets de l'accouchée
Anonyme
Ed. Passage du Nord-Ouest

En 1622 paraît ce qui restera comme l’un des bestsellers de son époque, Les Caquets de l’accouchée. Édité sous la forme de fascicules tout au long de cette année du règne de Louis XIII, de nombreuses fois réimprimés, il sera réédité en un seul volume en décembre. Son succès suit le temps sans se démentir jusqu’à l’édition de référence en 1855. En 1991, Hervé Baslé porte cette histoire piquante à l’écran, avant de réaliser un très beau Rabelais avec Michel Aumont.
20 ans plus tard reparaissent Les Caquets de l’accouchée dont l’argument est simple : un homme, « nouvellement relevé d’une grande et pénible maladie, décide de suivre l’avis de son médecin ; ce dernier lui préconise d’assister en secret à l’assemblée des bonnes femmes qui ont pour coutume de se réunir auprès de l’une d’entre elles nouvellement accouchée. Leurs caquets devraient suffisamment le distraire pour le remettre d’aplomb. »

Ouverture. Romans

Ouverture. Romans
Thibaudeau Jean
Ed. De l'incidencce

Thibaudeau publie son premier livre, Une cérémonie royale, en 1960, aux Éditions de Minuit. Il a vingt-cinq ans, et ce début est parfait. Barthes : « J'ai eu le plus grand plaisir à vous lire - plaisir, sans doute et cela se voit, que vous avez eu à l'écrire et cela c'est très important, car rendre fraîche au lecteur la pulsion qui vous fait écrire, c'est vraiment, je crois, un principe capital de la littérature. »

Après quoi, pour dix ans, il s'engage dans ce qu'il a appelé le « roman comme autobiographie », pour s'arrêter aux trois livres repris dans le présent volume.

Quant aux critiques, il y en eut d'hostiles, et même d'enragées, mais aussi d'excellentes.

Foucault (L'Express, 25/04/1966) : « Le présent, dans le roman de Thibaudeau, ce n'est pas ce qui ramasse le temps en un point pour offrir un passé restitué et scintillant ; c'est au contraire ce qui ouvre le temps sur une irréparable dispersion. Comme si cette place vide autour de laquelle tournait Une cérémonie royale était réoccupée maintenant par un 'je' et un 'présent'. Non pas le vieux sujet qui se souvient, mais un 'je' destructeur et rongeant, un présent ruiné, débordant, défait, ineffaçable : coin de nuit enfoncé dans le jour et autour duquel se rameutent et se dispersent lumières, distances, images. »

Autre regard, celui de Ponge, en 1966 : « J'ai pu, hier enfin, d'une traite (ou plutôt de deux, la pause ayant eu lieu page 106) lire Ouverture. Tout de suite, il me faut vous dire mon plaisir, mon ravissement de ce temps de galop, cross-country. Voilà, si je m'y connais, de la bonne, de la fameuse 'toilette intellectuelle' !» - et encore, trois ans plus tard : « J'aime ce qui est paru de vous dans Tel

Quel 38. [...] Voilà les morts, comme c'est beau ! Combien je sens cela, comme je l'admire ! Comme, dans le grave (aussi) vous devenez admirable. »

Fête des vignerons

Fête des vignerons
Ramuz Charles-Ferdinand
Ed. Lérot

Dans l'oeuvre de Ramuz la venue d'un étranger, souvent, perturbe la communauté et la conduit au drame ; ici, le passage du poète redonne le sens du travail et de la fête.

Ce récit poétique et symbolique se veut aussi l'expression des « vieilles traditions vigneronnes et paysannes » dont Ramuz aimait à se dire le descendant.

On comprend alors que cette oeuvre si proche de l'auteur et de son esthétique ait été l'une de ses préférées.

Joseph

Joseph
Limet Yun Sun
Ed. La Différence

«Il s'appelait Joseph. Il avait vingt ans. Je ne savais rien de lui. Je découvrais son existence à travers ce grésillement sur une bande qui passe lentement d'un essieu à l'autre, les deux roues du magnétophone faisant ce trajet immobile vers le passé, et, je l'apprenais, sans comprendre, vers la douleur. Pas un jour sans que je pense à lui, a dit plus tard mon père. Pas un jour. Qui était-il ce fantôme, cet inconnu chantant dans le noir d'un enregistrement sans image ?»

Joseph est l'oncle de Yun Sun Limet, qu'elle n'a pas connu mais qui hante l'histoire familiale. À travers son portrait, elle dessine aussi celui d'un pays, la Belgique, en une page d'histoire intime et collective. Un récit où, à travers un destin brisé et sa douloureuse répétition, se disent nos propres questions face à l'altérité et au passé.

Simon Weber

Simon Weber
Mattern Jean
Ed. Sabine Wespieser

Étudiant en médecine très protégé par un père qui l’a élevé seul, le narrateur de ce roman de formation s’est trouvé précipité dans l’âge adulte par l’annonce de la maladie. Sur un coup de tête – pour fuir un père trop parfait, constamment à ses côtés lors de son traitement ? –, il décide de partir en Israël et d’attendre là les analyses qui lui annonceront une éventuelle rémission.
À Jérusalem, Simon a trouvé en Amir un hôte et un confident. Le jeune Israélien qui lui avait porté secours au parc Montsouris alors qu’il était pris de malaise n’a cessé de l’entourer de sa sollicitude, au point de faciliter son départ de Paris, contre l’avis de tous.
Avec Amir, Simon retrouve une forme de légèreté et d’insouciance. Dans ce pays qu’il découvre, il veut enfin vivre pleinement. Son éducation sentimentale et sexuelle – en compagnie notamment d’une étonnante Rivka, Suédoise convertie par amour et parlant hébreu comme une sabra – se déroule en accéléré. Mais, dans un mouvement inverse, le temps s’étire, le ramenant sans cesse à ses jeunes années, à sa mère tôt disparue et au mystère qu’a toujours été pour lui la vie de son père.
Quand Gabriel, ce père avec qui il n’a jamais échangé que des propos anodins, vient lui rendre visite, les deux hommes se retrouvent à former avec Amir un trio inédit. Les sentiments qui les habitent, comme exacerbés par la peur et l’urgence, se conjuguent alors en une troublante valse.

Peste & choléra

Peste & choléra
Deville Patrick
Ed. Seuil

Parmi les jeunes chercheurs qui ont constitué la première équipe de l’Institut Pasteur créé en 1887, Alexandre Yersin aura mené la vie la plus mouvementée. Très vite il part en Asie, se fait marin, puis explorateur. Découvreur à Hong Kong, en 1894, du bacille de la peste, il s’installe en Indochine, à Nha Trang, loin du brouhaha des guerres, et multiplie les observations scientifiques, développe la culture de l’hévéa et de l’arbre à quinquina. Il meurt en 1943 pendant l’occupation japonaise. Pour raconter cette formidable aventure scientifique et humaine, Patrick Deville a suivi les traces de Yersin autour du monde, et s’est nourri des correspondances et documents déposés aux archives des Instituts Pasteur.

En numérique chez Tropismes : Peste & choléra

Nature morte aux papillons

Nature morte aux papillons
Cecchi Lorenzo
Ed. Castor astral

Coincé entre l’affection de ses parents et le confort un peu étouffant de sa relation avec sa petite amie, Vincent, étudiant en sociologie, éprouve le besoin de respirer. Nous sommes à Bruxelles dans les années 1970. Peu enclin à se lier, il ne fréquente que Nedad, un Yougoslave solitaire qui se destine à la sculpture et partage avec lui de redoutables parties d’échecs. Mais voilà qu’il rencontre Suzanne, une jeune femme libérée qui a l’air de savoir ce qu’elle veut. Lorsqu’il découvre à quel point elle se joue de lui, il la quitte et s’éloigne de Nedad, en qui il a découvert un rival. Une dizaine d’années plus tard, le sculpteur et la séductrice font un retour saisissant dans la vie de Vincent. Assistant en coulisses au dénouement d’un drame passionnel, il va se découvrir plus fragile qu’il ne croyait... Variation amère mais teintée d’humour sur la peur d’aimer, ce roman mêle avec ironie les grandes idées et les petits riens d’une génération désorientée. La thématique sociale constitue l’un des attraits du roman. Les lecteurs qui ont eu vingt ans dans les années 1970 se reconnaîtront dans les portraits de Vincent, Suzanne, Carine et Nedad, ces jeunes Bruxellois pris entre l’idéalisme ambiant et les souffrances de leurs parents prolétaires, petits commerçants, immigrés ou réfugiés. Ils n’adhèrent ni au fanatisme de leurs contemporains, ni aux valeurs traditionnelles, avec lesquelles leurs familles respectives ont d’ailleurs déjà pris quelque distance. Les lecteurs plus jeunes s’étonneront de voir combien ce tableau préfigure étonnamment notre époque.

La théorie de l'information

La théorie de l'information
Bellanger Aurélien
Ed. Gallimard

La théorie de l'information est une épopée économique française. De l'invention du Minitel à l'arrivée des terminaux mobiles, de l'apparition d'Internet au Web 2.0, du triomphe de France Télécom au démantèlement de son monopole, on assistera à l'irruption d'acteurs nouveaux, souvent incontrôlables.
La théorie de l'information est l'histoire de Pascal Ertanger, le plus brillant d'entre eux. Adolescent solitaire épris d'informatique, il verra son existence basculer au contact de certains artefacts technologiques : éditeur de jeux en BASIC, pornographe amateur, pirate récidiviste et investisseur inspiré, il deviendra l'un des hommes les plus riches du monde.
La théorie de l'information raconte aussi comment un article scientifique publié en 1948 a révolutionné l'histoire des télécommunications et fait basculer le monde dans une ère nouvelle, baptisée Age de l'information. Pascal Ertanger s'en voudra le prophète exclusif.
La théorie de l'information évoque enfin le destin d'une planète devenue un jouet entre les mains d'un milliardaire fou.

 

 

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