« - Ton père, il est où ? Il voulait plus de toi ? Des fois, c'est comme ça, ils nous veulent et puis ils nous veulent plus. Même si on n'a pas fait quelque chose. Et alors on est mis ici. On vient nous chercher. Une femme en voiture. Ils disent tu iras en pension. C'est pas vrai, on pense, c'est juste pour dire. Et puis on est ici. C'est comme les baffes. On n'a rien fait et quand même... Moi, ma mère...
Dans les yeux quelque chose d'arrêté, d'à côté, on dirait tu rêves, mais c'est froid, ça ne bouge pas. Même l'attente est partie. Trop loin, trop long, trop tard. Rien ne va arriver. »
Homme marche bras levés au-dessus de la tête, coudes à angle, s'arrête ainsi pour regarder les vitrines, repart, s'arrête de nouveau, attend patiemment au feu vert, toujours les bras levés, comme un qui
Travers Coda clôt la série des Travers, tétralogie qui avec Passage et Échange, auxquels doit s'ajouter un jour le « reader's guide » Lecture (Comment m'ont écrit certains de mes livres), constitue les Églogues, « trilogie en quatre livres et sept volumes ». Au texte proprement dit sont jointes une première ébauche pour un index général et deux églogues oubliées, jadis publiées dans des revues.
Le cérémonial, évoqué dans le titre, préside à la célébration de l'amour par les amants. Il est le fruit longuement préparé, dans le terreau de l'enfance et de l'adolescence, par des expériences aussi occultes qu'essentielles qui résultent elles-mêmes du travail des sens, associé à quelques intuitions que l'on peut dire de l'ordre du coeur. Des arcanes, en quelque sorte, symbolisés dans cette suite de textes par trois images : celle des Gémeaux, celle du Chant, celle de la Fleur.
Les trois récits qui composent l'ouvrage ont été écrits avec un intervalle d'une dizaine d'années entre chacun d'eux : «Gémellies» date de 1990, «Choralies» de 1999 et «Floralies» de 2010.
C. L.-C.
Dans une forme éminemment originale, François Cheng signe là un drame épique où le destin humain, avec toute la complexité des désirs qui l'habitent, se dévoile comme dans les tragédies antiques.
Quand reviennent les âmes errantes, un singulier échange se noue, et toute la vie vécue, extrêmes douleurs et extrêmes joies mêlées, se trouve éclairée d'une lumière autre, revécue dans une résonance infinie.
Plus rien ne subsiste à part le désir
Pur désir inaccompli
Mûr désir inassouvi...
Félicien, historien de l'art et analyste, le héros hasardeux de cette fiction, s'évertue à concilier dans l'idylle la psychanalyse et la psychiatrie lourde. Épris de Barbara que tiraillent deux passions adverses, le miroir et la scène, il s'obstine à lui offrir l'amour cru, ce qui revient à « donner ce qu'on n'a pas à qui n'en veut pas ». De Barbara, de Félicien, lequel des amants est-il le plus comédien ?
Voilà le livre. Mort aux mots.
La rupture entre Claire et François conduit ce dernier à plonger dans son passé et à se livrer à de multiples réflexions sur la vie, la société actuelle, l'amour, le temps, la liberté, la solitude de la douleur, etc. Elle l'emmène dans une folle odyssée de deux jours dans Paris, mêlant ses souvenirs au présent.
Dans cette souffrance obsessionnelle où la femme aimée, absente, fait figure de proue, François est progressivement acculé/amené à la folie. Une folie à la fois bénéfique et fructueuse qui lui ouvrira de nouvelles portes tout en lui renvoyant une image plus riche de lui-même et qu'il n'avait pas soupçonnée.
Ainsi l'histoire de ce drame banal prend peu à peu une forme très personnelle où le protagoniste se transforme en un voyageur qui erre entre les questions et les doutes...
« Je suis une ligne simple, je l'ai déjà dit : si je n'invente pas l'histoire, elle n'existe pas. J'applique cependant ce précepte au seul passé, celui qui est dûment avéré et consigné. L'invention du passé est plus intéressante que celle du futur qui n'est que trop prévisible. »
Les dix-neuf nouvelles qui composent ce recueil sont toutes mauvaises. La pire est incontestablement, à l’instar de son titre, Victoire du nazisme : trop longue, larmoyante, nombriliste, décousue et contrefactuelle. Les autres sont heureusement plus courtes.
Un journaliste, mélancolique, désoeuvré, accablé par un deuil, mène l'enquête auprès de ceux qui ont connu Anaïs, jeune fille assassinée. Sur son chemin, il croise des personnages atypiques : Petit Louis, le grand Mao, Toto Beauze, le Légionnaire... Au prétexte d'un meurtre, Lionel-Édouard Martin, auteur d'une vingtaine d'ouvrages, né dans la Vienne en 1956, détourne la notion d'enquête et transgresse toutes les règles du roman policier. Si du genre il conserve la tension caractéristique, c'est pour mieux dire les incertitudes de l'existence et dresser le portrait d'hommes et de femmes aussi singuliers qu'ordinaires.
Des barres d'HLM ponctuent ce large bout de plaine. La géographie locale est comme de la parole qui décroît en force et en signification : les phrases se développent du coeur de la ville, haut juché, bourgeois, vers les berges du Clain ; puis ça remonte, sec et prolétaire, affaibli, vers des coteaux, avant de s'éluder, tout à voix mal audibles, fluettes, vers le pourtour, qui est de plat pierreux. C'est à Poitiers, et ça pourrait bien être ailleurs, avec un autre nom, quelque part en province, un autre cours d'eau, mais la même histoire, les mêmes colline (...)
Tout commence avec l'innocente Marie Granville, servante d'une riche ferme du Cotentin. L'admirable portrait de cette ingénue ouvre un roman gigogne qui se déploie de chapitre en chapitre. C'est ainsi qu'on découvre les Vuillard et les Lamaury, le procureur Darban, l'avocat Laribière et ses réceptions tristes sous l'Occupation.
Au gré des folies de l'adolescence, du jeu sans fin des fiançailles, des petits et grands désastres du mariage bourgeois, on ressort bouleversé par les figures de femmes qui habitent ce roman limpide, construit par bonds et retours fulgurants, comme pour tout saisir de l'appel désespéré du désir, tandis que le bonheur se dérobe comme un rêve d'enfance.
Fresque aux abords feutrés, soudain déchirante, Mai en automne restitue avec une incroyable acuité romanesque l'éclat brut des passions, cette pure énergie qui ébranle les êtres jusque-là suspendus au simple égarement de la vie qui passe.
Un premier roman magistral.
Enfance bruxelloise. L'école où, catatonique d'ennui, je regardais par la fenêtre la pluie tomber. Week-ends à Ostende avec l'ombre d'Ensor toute proche. Ma grand-mère était folle. Hystérique façon Charcot. Mon Tonton, lui, donnait plutôt dans le légèrement psychopathique. Et mon père était prêt à partir n'importe où : Argentine, Amérique... N'importe où, du moment que c'était loin... Foutons le camp, qu'il disait... Tout ce petit monde n'allait pas très bien. Notre médecin de famille était psychiatre, c'est dire... Alors moi, à force, je suis d'abord devenu névrosé, et ensuite, bien plus tard, analyste... Et entre-temps, à l'adolescence fraîche et joyeuse comme la guerre du même nom, j'ai tenté de rejoindre les Tupamaros en Uruguay. J'ai fini sous une tente, dans la montagne, du côté de Briançon...
Enfin, pour faire injure au temps qui passe, et vaincre mes obsessionnelles inhibitions, après mon analyse et grâce à elle, je me suis forcé à écrire. À écrire malgré tout.
Un roman ? Un roman oui, si l'on veut... Mais un roman dont seule la psychanalyse serait alors l'héroïne et la profonde trame.