La philosophie de Bergson. Repères

La philosophie de Bergson. Repères
Désesquelles Anne-Claire
Ed. Vrin

Réagissant au scientisme de son époque, Bergson rend à la philosophie son identité propre en montrant qu'une grande part de la réalité échappe à l'intelligence et n'est accessible qu'à l'intuition. L'intelligence est une faculté pragmatique qui s'adapte à la matière : sa connaissance ne va pas au-delà. Seule l'intuition peut comprendre ce qu'est l'esprit, saisir dans leur tension les diverses tendances qui constituent l'essence même de la vie, et penser la durée comme une force créatrice. On comprend aisément que, dès son premier ouvrage, Bergson ait considéré la liberté comme le coeur même de sa philosophie.

Mémoires d'un snobé

Mémoires d'un snobé
de Viry Marin
Ed. Pierre Guillaume de Roux

Marin de Viry, travailleur mondain à mi-chemin entre Jacques Chazot et Gérard Lauzier pour l'inspiration et l'esprit est un maître de l'auto-dérision.

Avec un sens de la formule uppercutante et en une suite de chapitres aux titres bien trouvés ('Situation Métaphysique générale' ou 'Maturation brusque') Marin de Viry met l'index dans le sillon germanopratin hanté d'hilarants personnages inspirés par 'des vrais gens ' très attachants d'ailleurs. Cet auteur ,chroniqueur littéraire , est également doué d'une faculté remarquable à composer dialogues vifs et échanges verbaux savoureux dans une langue assaisonnée avec élégance. Un pur régal à déguster avec une coupe pétillante. G.F.

 

 

 

 

56 lettres à un ami

56 lettres à un ami
Perec Georges
Ed. Bleu du ciel

« Au fil de ces lettres voici les humeurs au quotidien du parachutiste Perec – vingt-trois ans, 1959 – exilé à Pau (« la quille, bordel, la quille »). Des jaillissements et des fragments parfois déchiquetés (débuts ou fins de lettres qui manquent, allusions devenues obscures). Et surtout les cheminements en zigzag autour de cette revue demeurée chantier mal échafaudé, horizon d’attente ou de rêverie, « La Ligne Générale ». Le lecteur pourra être déconcerté (peu d’aboutissements, peu de continuités). Ou narquois (la guillotine intellectuelle tranche). Ou sollicité par l’impalpable courant de poésie issu de ces éclats de pensée empapillotés dans des jeux de mots, de ces titres de films diversement vieillis. Ou requis par la lueur de ces flammèches. Par la singulière énergie (le désir d’incendie ?) qui s’en dégage. Quelque chose qui a son prix, sans qu’il faille le mettre derrière une vitrine. Tout cela s’est écrit il y a un demi-siècle. Autant dire jadis. ». Extrait de la préface de Claude Burgelin

Rêves oubliés

Rêves oubliés
de Recondo Léonor
Ed. Sabine Wespieser

Quand il arrive à Irún où il espère rejoindre sa famille, Aïta trouve la maison vide. Le gâteau de riz abandonné révèle un départ précipité. En ce mois d'août 1936, le Pays basque espagnol risque de tomber entre les mains des franquistes. Aïta sait que ses beaux-frères sont des activistes.

Informé par une voisine, il parvient à retrouver les siens à Hendaye. Ama, leurs trois fils, les grands-parents et les oncles ont trouvé refuge dans une maison amie. Aucun d'eux ne sait encore qu'ils ne reviendront pas en Espagne.

Être ensemble, c'est tout ce qui compte : au fil des années, cette simple phrase sera leur raison de vivre. Malgré le danger, la nostalgie et les conditions difficiles - pour nourrir sa famille, Aïta travaille comme ouvrier à l'usine d'armement, lui qui dirigeait une fabrique de céramique.

En 1939, quand les oncles sont arrêtés et internés au camp de Gurs, il faut fuir plus loin encore. Tous se retrouvent alors au coeur de la nature, dans une ferme des Landes. La rumeur du monde plane sur leur vie frugale, rythmée par le labeur quotidien : les Allemands, non loin, surveillent la centrale électrique voisine, et les oncles, libérés, poursuivent leurs activités clandestines.

Écrit comme pour lutter contre la fuite des jours, le carnet où Ama consigne souvenirs, émotions et secrets donne à ce très beau roman une intensité et une profondeur particulières.

Léonor de Récondo, en peu de mots, fait surgir des images fortes pour rendre à cette famille d'exilés un hommage où une pudique retenue exclut le pathos.

Les séparées

Les séparées
Davrichewy Kéthévane
Ed. Sabine Wespieser

Quand s'ouvre le roman, le 10 mai 1981, Alice et Cécile ont seize ans. Trente ans plus tard, celles qui depuis l'enfance ne se quittaient pas se sont perdues.

Alice, installée dans un café, laisse vagabonder son esprit, tentant inlassablement, au fil des réflexions et des souvenirs, de comprendre la raison de cette rupture amicale, que réactivent d'autres chagrins. Plongée dans un semi-coma, Cécile, elle, écrit dans sa tête des lettres imaginaires à Alice.

Tissant en une double trame les décennies écoulées, les voix des deux jeunes femmes déroulent le fil de leur histoire. Depuis leur rencontre, elles ont tout partagé : leurs premiers émois amoureux, leurs familles, leur passion pour la littérature, la bande-son et les grands moments des «années Mitterrand». Elles ont même rêvé à un avenir professionnel commun.

Si, de cette amitié fusionnelle, Kéthévane Davrichewy excelle à évoquer les élans et la joie, si les portraits de ceux qu'Alice et Cécile ont aimés illuminent son livre, elle écrit aussi très subtilement sur la complexité des sentiments. Croisant les points de vue de ses deux narratrices, comme à leur insu, elle laisse affleurer au fil des pages les failles, les malentendus et les secrets dont va se nourrir l'inévitable désamour.

Car c'est tout simplement de la perte et de la fin de l'enfance qu'il s'agit dans ce roman à deux voix qui sonne si juste.

Dieu, ma mère et moi

Dieu, ma mère et moi
Giesbert Franz-Olivier
Ed. Gallimard

« Je n'ai jamais eu à chercher Dieu : je vis avec lui. Avant même que je sois extrait par des spatules du ventre de ma mère où je serais bien resté, si on m'avait demandé mon avis, il était en moi comme je suis en lui. Il m'accompagne tout le temps. Même quand je dors.
C'est ma mère qui m'a inoculé Dieu. Une caricature de sainte mystique qu'un rien exaltait, des pivoines en fleur aussi bien qu'une crotte de son dernier-né, au fond du pot. Je suis sûr qu'elle avait de l'eau bénite en guise de liquide amniotique. Elle exsudait la foi. »

En numérique chez Tropismes : Dieu, ma mère et moi

Le messie du peuple chauve

Le messie du peuple chauve
Guilbert-Billetdoux Augustin
Ed. Gallimard

« Alopécie androgénogénétique aiguë, accompagnée d'un léger effluvium télogène . » Par ces mots, Bastien Bentejac apprend, à vingt-six ans, qu'il est frappé de calvitie. Incapable de relativiser la nouvelle, il se croit atteint d'une maladie mortelle. Plus il est confronté à l'incompréhension de son entourage, plus il sombre. Enfermé chez lui, il se réfugie dans la littérature et sur des forums virtuels, où d'autres jeunes alopéciques épanchent leur souffrance.

Le monde qu'il retrouve deux mois plus tard lui semble métamorphosé. En vérité, lui-même a changé. S'accrochant à son obsession, il est persuadé qu'il doit réaliser quelque chose d'inouï pour donner sens à son chaos : ça y est, il est le Messie du peuple chauve. Reste à trouver comment s'adresser à l'humanité pour appeler son peuple à la révolte. Un providentiel sommet des Nations unies à l'enjeu planétaires lui en donnera peut-être l'occasion...

Portrait d'un insoumis qui va jusqu'au bout de son utopie, ce roman est aussi une réflexion sur la difficulté à discerner la part de folie : celui qui réussit est un génie, celui qui échoue est un fou.

En numérique chez Tropismes : Le messie du peuple chauve

Les raisons de mon crime

Les raisons de mon crime
Kuperman Nathalie
Ed. Gallimard

«Elle n'avait pas eu une vie facile. Elle passait les détails, mais ce qu'il fallait qu'il sache, et puisque ça lui viendrait aux oreilles un jour ou l'autre elle devait le lui dire, c'est que les quatre hommes qu'elle avait aimés depuis son divorce étaient morts. Maurice faillit s'étrangler.

Ils sont morts de quoi ?

De mort naturelle, pardi !

Et ce fut elle qui s'étrangla de rire. Maurice la regardait, de plus en plus fasciné. Cette femme était exactement la femme dont il rêvait.

Bon, maintenant que tu sais, tu restes ?

Tu veux bien de moi ?

Et comment !

Ils se tapèrent dans la main comme pour conclure une bonne affaire (et Maurice n'osait croire qu'il venait de croiser l'amour une seconde fois, de façon si brutale, si forte, si rapide).»

En retrouvant des années plus tard une cousine perdue de vue, la narratrice se trouve plongée dans un univers qui l'effraie et la fascine jusqu'au vertige. Les personnages de ce nouveau roman de Nathalie Kuperman sont impressionnants de brutalité, presque de sauvagerie, et pourtant bouleversants de franchise, d'humanité blessée.

En numérique chez Tropismes : Les raisons de mon crime

Province terminale

Province terminale
Malige Damien
Ed. Gallimard

Fin des années 80, dans une banlieue cossue, quelque part en province.

Une année de terminale particulièrement éprouvante pour le narrateur, fils aîné d'une famille de notables catholiques, qui essaie en vain de trouver des explications à son indifférence aux autres, à son incapacité à ressentir le moindre événement. Cependant, un regard, une musique, ou l'atmosphère de la campagne alentour lui rappelle qu'il y a quelque chose à trouver, là, près de lui, quelque chose de vital, de l'amour peut-être... Seul ou avec sa bande d'amis, il se laisse entraîner dans des situations de plus en plus angoissantes, dévoilant progressivement une réalité insoupçonnée qui réveille le clown de ses cauchemars d'enfant. Cette figure obsédante va le confronter d'une manière d'abord elliptique, puis de plus en plus fatale, aux agissements de son père.

La chienne de Naha

La chienne de Naha
Lamarche Caroline
Ed. Gallimard

« Minuit sonne à l'église. Mes pensées se déposent en espagnol, comme si la langue de mon enfance m'avait recolonisée tout entière, une flaque d'or s'élargissant au fond de moi. Toute la colline fermente contre le ciel, autant d'arbres fraternels, soudés comme les vagues dans la mer, bercée par leur masse en mouvement. Les morts sont autant d'arbres, ils poussent parmi nous, mêlés à nous, être mort est une belle chose, simple et agréable. La nuit est douce, piquetée d'astres, j'imagine les chèvres dans les cimetières goûtant de leur langue rêche la bière répandue sur les tombes.

Une balle tirée d'un point obscur pourrait pénétrer par la fenêtre et m'atteindre à cet instant. C'est une conviction très forte, une évidence en cette nuit des morts : quelqu'un est là, qui me vise le coeur. »

Lire l'article du Monde.fr

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