« Lui, c'était un homme d'excès. Un homme qui n'avait pas peur des outrances, prêt à vivre avec un corps et une mémoire démesurés. Il mangeait trop, dormait en criant, ne passait pas les portes et ne faisait aucun effort pour se lier. » C. D.-M.
Clara Dupont-Monod, avec ce nouveau portrait d'un être des marges, poursuit une œuvre forte et singulière. Nestor est obèse. De cet homme désigné au regard des autres comme un monstre, elle tente, avec une paradoxale économie de mots, de saisir le mystère.
Au fil des pages, et comme à l'insu du lecteur, le gros père prend la dimension d'un être humain riche de son histoire. Celui dont le seul horizon est la photo d'un phare du bout du monde devient sous nos yeux un personnage : argentin, arrivé en France pendant la dictature, il y a retrouvé une jeune femme qu'il a épousée et avec qui la vie était douce. Jusqu'au drame qui inexorablement les a éloignés l'un de l'autre, au point qu'il finisse enfermé dans la rassurante forteresse de sa propre chair.
À force de patience et de tendresse, une jeune femme médecin parviendra peut-être à conjuguer sa propre solitude à celle de ce patient peu ordinaire. La langue riche et précise de Clara Dupont-Monod agit comme un charme puissant pour suggérer l'indéfinissable attachement qui naît entre ces deux-là.
L'écrivain se garde bien de conclure : trois issues s'offrent au lecteur, comme s'il était impossible qu'une histoire aussi improbable et bouleversante finisse mal.
Ça y est ! Après trois mille ans d’attente, le Messie arrive – enfin ! – en ce début du XXIe siècle. Conformément à la promesse de la Bible, c’est un vieil homme à la barbe en broussailles, juché sur un âne fatigué qui vient annoncer l’avènement de la paix universelle, la fin des tragédies humaines. Mais, surprise (pour lui), au lieu d’être accueilli dans la liesse, son message ne rencontre que l’indifférence générale. Pas moyen même d’intéresser un journaliste et de transmettre son message au monde.
En dix étapes, de Buenos Aires à Bonn, d’Odessa (Ohio) à Odessa (Ukraine), Bruxelles ou Venise, le Messie parcourt le monde, désespérant qu’on l’écoute, jusqu’au moment où il arrive à Jérusalem. Et là, …
Sous une apparente légèreté, qui mêle situations burlesques, propos désopilants et une jolie galerie de personnages, sourde un implacable réquisitoire sur le manque d’idéal, la lâcheté des compromissions et l’absence d’éthique de notre société moderne. Le fou rire qui se cogne à l’inquiétude n’est pas sans rappeler le meilleur de la comédie italienne.
C'est d'abord l'histoire d'une rencontre, que seule la littérature rend possible, entre un écrivain magnifique, Karen Blixen, et une petite fille de onze ans qui lit La Ferme africaine sous une tente. Le temps passant, la petite fille solitaire est devenue une jeune femme qui entreprend d'écrire la biographie de celle qui l'accompagne depuis toujours. Plus elle s'enfonce dans son récit et plus elle découvre que la Karen de ses rêves - qui étouffe dans les salons danois, embarque pour l'Afrique avec Bror, son mari, se consume d'amour pour Denys, puis revient, dix-sept ans plus tard, à la maison familiale de Rungstedlund, seule et brisée - la renvoie à sa propre existence et à ses aspirations enfouies.
Commence alors un long chemin intérieur, où le sentiment d'étrangeté au monde, les souvenirs douloureux et les désirs contenus sous les apparences d'une vie rangée sont autant de liens secrets qui réunissent les deux femmes. Karen et moi, ou comment se sauver par l'écriture.
Un secret en forme de lacune entoure les agissements de Norma-Jean, incandescente quinquagénaire glamour en diable. L'étrange relation en miroir avec son mari, autrefois son psychanalyste, et cette fascination pour un ancien élève qu'elle visite chaque jeudi à la prison de Sollicciano, en Toscane, alimentent un mystère qui s'amplifie dans une époustouflante progression dramatique.
Par ce remarquable roman de la folie et des abîmes de l'inconscient, tissé de retournements, dédoublements et manipulations, Ingrid Thobois révèle un art accompli du suspense psychologique. Développant un sens à la fois délectable et cruel du détail, elle nous offre un portrait inoubliable de femme aux prises avec ses transferts, c'est-à-dire avec les périlleuses illusions de l'amour.
À lire ce très cinématographique roman puzzle, on songe aux chefs-d'oeuvre d'Hitchcock et de Mankiewicz.
Encore et encore, on lui demande comment il s'appelle. La première fois, des gens lui avaient psalmodié tous les prénoms commençant par la lettre A. Sans motif, ils s'étaient arrêtés sur Alam. Pour leur faire plaisir, il avait répété après eux les deux syllabes. C'était au tout début, à Paris. On venait de l'attraper sur un quai de gare, à la descente d'un train...
Au fil de cette traque à l'enfant, se dessine l'histoire d'Alam. Celle d'un petit paysan afghan, pris entre la guerre et le trafic d'opium, entre son désir d'apprendre et les intimidations de toute sorte, entre son admiration pour un frère tête brûlée et l'amour éperdu qu'il porte à une trop belle voisine...
Ce magnifique roman à la précipitation dramatique haletante éclaire la folle tragédie des enfants de la guerre. « Qui aura le courage d'adopter le petit taliban ? » semble nous demander avec une causticité tendre l'auteur d'Opium Poppy.
Après avoir traduit Eugène Onéguine, le chef-d'oeuvre d'Alexandre Pouchkine (1799-1837), André Markowicz a entrepris de rassembler autour de la figure de celui qui reste le plus grand poète russe les poèmes écrits et souvent échangés par ses amis. Bon nombre d'entre eux, emprisonnés et exilés, peu à peu conduits à la mort - comme Pouchkine lui-même - après le complot des décembristes (14 décembre 1825) contre le tsar Nicolas Ier, ont résisté à la tyrannie par la poésie.
Ce volume n'est pas seulement le roman vrai d'une génération, mais une manière nouvelle de faire émerger le continent perdu du romantisme russe. Si différent du romantisme français, il se caractérise précisément par cette lutte du poète contre le pouvoir, lutte qui a commencé de faire luire en Russie ce qu'au XXe siècle le poète Ossip Mandelstam (qui devait lui-même mourir en déportation) appela le 'Soleil d'Alexandre'.
A de très rares exceptions près, les oeuvres de ces poètes sont jusqu'ici restées inconnues et n'ont jamais été traduites en français.
Ce roman relate l'histoire d'une jeune iranienne d'origine juive. Son adolescence et sa jeunesse nous font voyager dans un Iran agité par les soubresauts des années 80. Déchirée entre son attachement à sa famille, l'amour qu'elle porte à «Pejman,» un garçon qui n'appartient pas à sa communauté, son journal intime va être le reflet de ses sentiments contradictoires :
«Pourtant, tu le savais depuis ton enfance que tu ne devais pas t'approcher «d'un homme goy». On t'avait bien dit qu'en commettant cette erreur tu détruirais l'harmonie de ce monde ...
Soudain, une autre pensée a traversé mon esprit :
Mais quel péché ? Quelle harmonie ? S'il appartient à une autre espèce, qu'est-ce qui explique l'envie intense que j'ai eue de le prendre dans mes bras ? Les hirondelles ne sont pas attirées par les corbeaux et les chevaux passent indifférents à côté des gazelles. Or, il m'est impossible de passer devant lui sans que mes yeux plongent dans les siens. Et son odeur m'est tellement familière qu'on dirait qu'elle m'a accompagnée depuis le jour de ma naissance. Il suffit qu'il me tienne la main pour que tout ce qu'on m'a appris depuis des années disparaisse en une seconde...»
Et la question qu'elle se pose sans cesse :
A-t-elle le droit de faire souffrir les autres en faisant ses choix de vie ? Nous découvrons également les préoccupations des jeunes juifs en rapport avec les évènements qui se déroulent en Iran à cette époque. La plupart des épisodes de ce livre se déroulent en Iran, mais ils nous emmènent également en Israël et en Belgique.
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«Les mots s'ajoutaient aux mots. Les dossiers s'entassaient. Les hommes défilaient sans fin. Ils étaient obligés de mentir, de raconter une tout autre histoire que la leur pour tenter l'asile politique. Évidemment on ne croyait presque jamais à leurs histoires. Achetées avec le trajet et le passeport, elles allaient jaunir et tomber en miettes avec tant d'autres histoires accumulées depuis des années.»
Le temps d'une nuit, passée au commissariat pour avoir fracassé une bouteille de vin sur la tête d'un immigré, une jeune femme cherche à comprendre les raisons qui l'ont conduite à une telle fureur. Étrangère elle aussi, elle gagne sa vie comme interprète auprès des demandeurs d'asile, dans les bureaux des zones périphériques de la ville.
Assommons les pauvres !, qui emprunte son titre à un poème de Baudelaire, est l'histoire d'une femme que la violence du monde contamine peu à peu.
«Longtemps je me suis couché de bonne heure» est sans doute l'incipit le plus célèbre de la littérature française ; il ouvre une oeuvre monumentale qui a marqué la littérature en inventant une narration romanesque nouvelle. Nul autant que Proust, dans cet ensemble labyrinthique, n'a su explorer l'âme humaine et ses méandres par de longues phrases parsemées d'incises et de dérivations et questionner la relation subtile entre les souvenirs et les émotions ; avec La Recherche, Marcel Proust a inventé le roman moderne.
Comprend :
Du côté de chez Swann
A l'ombre des jeunes filles en fleurs
Le côté de Guermantes
«Porbus alla chercher palette et pinceaux. Le petit vieillard retroussa ses manches avec un mouvement de brusquerie convulsive, passa son pouce dans la palette diaprée et chargée de tons que Porbus lui tendait ; il lui arracha des mains plutôt qu'il ne les prit une poignée de brosses de toutes dimensions, et sa barbe taillée en pointe se remua par des efforts menaçants qui exprimaient le prurit d'une amoureuse fantaisie. Tout en chargeant son pinceau de couleur, il grommelait entre ses dents : 'Voici des tons bons à jeter par la fenêtre avec celui qui les a composés, ils sont d'une crudité et d'une fausseté révoltantes, comment peindre avec cela ?' Puis il trempait avec une vivacité fébrile la pointe de la brosse dans les différents tas de couleurs dont il parcourait quelquefois la gamme entière plus rapidement qu'un organiste de cathédrale ne parcourt l'étendue de son clavier...»
Le Chef-d'oeuvre inconnu
Réunit
Le médecin de campagne
Le lys dans la vallée
La peau de chagrin
Le chef-d'oeuvre inconnu
Un drame au bord de la mer
L'auberge rouge
L'elixir de longue vie
Lettres choisies