L'urgence, qui appelle l'impulsion, la fougue, la vitesse - et la patience, qui requiert la lenteur, la constance et l'effort. Mais elles sont pourtant indispensables l'une et l'autre à l'écriture d'un livre, dans des proportions variables, à des dosages distincts, chaque écrivain composant sa propre alchimie, un des deux caractères pouvant être dominant et l'autre récessif, comme les allèles qui déterminent la couleur des yeux.
À chaque fois que je voyage m'étreint une très légère angoisse au moment du départ, angoisse parfois teintée d'un doux frisson d'exaltation. Car je sais qu'aux voyages s'associe toujours la possibilité de la mort - ou du sexe (éventualités hautement improbables évidemment, mais néanmoins jamais tout à fait à exclure).
L'anecdote réelle se métamorphose ainsi en épisode romanesque, où l'antihéros réfléchit l'image de l'auteur, ses doutes et ses errements. Une pépite de peu de pages, art poétique de l'écrivain en voyage. Antoine de Gaudemar, Libération.
Nouvelle édition augmentée d'une préface et d'un inédit de l'auteur (Le Mans) qui évoque un week-end aux 24 Heures du Mans en compagnie de Jeff Koons.
Vite, j'ôte la seconde godasse, on court bien mieux en chaussettes. Ils tirent toujours, m'obligeant à fournir un suprême effort. Enfin, une grille peinte en noir, avec des pointes acérées pour décourager les intrus. J'escalade, j'accroche mon beau pardessus, une seconde plus tard je décide de le leur laisser en cadeau, lui aussi. Tout, sauf ma peau. De l'autre côté de la grille, le calme, le bonheur, la vie. Moi je suis sauf, oui, mais mes copains ? Je n'en vois pas un seul. Leur disparition m'affole, je suis le responsable de cette équipée insensée. Comment n'ai-je pas vu, pas compris qu'on fonçait tout droit vers le palais royal, aux mains de l'occupant ? Personne n'a rien vu, aucun de nous n'a jamais rien compris à cette histoire.
Avec ces « Modestes mémoires d'un Partisan armé juif », Ignace Lapiower dévoile une face inhabituelle de la Résistance. Loin du mythe héroïque construit au fil du temps, il éclaire le combat de ces jeunes gens, confrontés au jour le jour à une réalité à la fois prosaïque et exceptionnelle, et qui se battaient pour un monde meilleur.
Bruxelles, été 1932. Alors que des mouvements de grève mettent le pays sens dessus dessous, le docteur Fernando Gasparri reçoit les Guareschi, un couple de jeunes exilés originaires de la même région que lui en Italie. Entre le médecin et ses patients, des trajectoires analogues et des souvenirs communs tissent des liens affectifs. Jusqu'au jour où débarque Oreste, le frère cadet de Madame Guareschi, qui a fui l'Italie fasciste dans des circonstances troubles. Dès lors, la destinée du paisible docteur Gasparri s'engage sur des rails aléatoires. Il se trouve amené, bien malgré lui, à sonder sa conscience. Et à agir, à faire des choix. Jusqu'au dernier, essentiel. L'audition du docteur Fernando Gasparri voit s'entremêler les questionnements d'un homme entre deux âges, et ceux d'une époque secouée par la montée de l'extrémisme, les troubles sociaux, la peur de l'altérité. Tous deux, l'homme et son temps, vont être amenés à choisir. Et du choix de l'un dépendra le sort de l'autre.
C’était un journal qui ne ressemblait à aucun autre.
Evidemment, il s’appelait l’Autre Journal.
Un mensuel de 200 pages, conçu par un rédacteur en chef timide et audacieux, Michel Butel.
En couverture du premier numéro, surgi en décembre 1984, une photo de tigre et pas un seul titre.
Pendant douze ans, plus de cent mille lecteurs ont attendu fébrilement chaque parution de ce miracle de papier.
Des textes rares étaient signés : Hervé Guibert, Marguerite Duras, Gilles Deleuze, Paul Virilio, Toni Negri, Christian Bobin, Jean Rolin, Ania Francos, Delfeil de Ton ou Thierry Lévy.
Un journal sans oeillères, qui accueillait pêle-mêle des reportages, des voix, des photos, des chroniques, des partis pris, des poèmes.
A contre courant de toute la presse, l’équipe s’opposa en 1992 à la guerre du Golfe. L’Autre Journal en est mort.
Tous les auteurs et les ayants droit ont répondu 'Banco !' lorsque l’idée de cette anthologie a pris corps.
Un trésor se partage ; un journal ne meurt jamais.
Heureux soient les nouveaux lecteurs de l’Autre Journal...
Le narrateur a eu une relation tourmentée avec Raphaël dont il s'est séparé. Il est tenté de maintenir une amitié intense, abstraite. Il retrouve une amie perdue de vue depuis longtemps. Au cours d'une nuit blanche, elle lui raconte sa vie. Elle a aimé, elle aussi, un Raphaël qui l'a abandonnée. En écoutant ces confidences, l'auteur revoit son propre passé. Hanté par son enfance - d'où se détache le souvenir d'un pont de bois, symbole japonais de la fragilité de tout amour et du danger de le raconter -, il précise sa défiance à l'égard de la fiction, tout en affirmant son goût de l'imaginaire quand il est ancré dans l'expérience.
Si je cherche une cohérence, une unité aux cent vies dont on dit qu'elles furent miennes, le divin plongeur - c'est le nom, au musée de Paestum, de la fresque qui ornait le plafond d'une tombe - occupe une place centrale. J'ai plongé en vérité tout au long de ma vie, et pas seulement dans la mer. Les choix décisifs que j'ai été amené à accomplir furent comme des plongeons, des piqués dans le vide. Voilà pourquoi j'ai décidé de donner ce titre, La Tombe du divin plongeur, à des textes écrits à différents âges de ma vie, en des occurrences radicalement étrangères les unes aux autres, et aujourd'hui introuvables, oubliés ou ignorés.
Pendant vingt ans, entre 1950 et 1970, je n'ai vécu que de ma plume, écrivant sous mon nom ou sous des pseudonymes. Mais on ne trouvera pas seulement dans ce livre ce que j'appelle mes écrits alimentaires, portraits d'acteurs, d'écrivains, de chanteurs, de voyous, reportages aussi, mais encore des articles parus dans Les Temps modernes, France-Observateur, Le Monde, consacrés à des événements importants du siècle, des textes politiques, polémiques, quelquefois les mêmes, tout un ensemble aussi qui s'organise autour de Shoah, des préfaces, des oraisons funèbres, des discours.
En les relisant après tant d'années, je leur ai trouvé bien plus qu'un air de famille ; j'étais incapable de déceler entre les uns et les autres l'ombre d'une différence. Plus encore, entre l'écriture de ces textes et celle du Lièvre de Patagonie, la parentèle était plus qu'évidente : c'était la même écriture. C'est alors que j'ai pris la décision de faire paraître ce livre.
Avec La Tombe du divin plongeur, je lutte pied à pied, comme je l'ai toujours fait, contre toutes les morts. Dans ce recueil on pourra lire : « Le temps, pour moi, n'a jamais cessé de ne pas passer. »
Une chambre. Des livres empilés sur le sol entre le lit, le fauteuil, la commode. Elle est assise à un petit bureau. Elle écrit Je pense à vous. Elle écrit ce message-là, cette phrase-là, chaque soir, à la même heure, sur une feuille vierge qu'elle chiffonne aussitôt après et qu'elle jette dans la corbeille à papier. On comprend qu'elle s'apprête, qu'elle se coiffe et se maquille avec soin pour ce rendez-vous du soir. Elle parle de son rituel d'écriture ; elle édifie autour d'elle l'attente cérémoniale de celui qu'elle vouvoie, l'amant encore imaginé, le personnage d'une histoire d'amour qu'elle voudrait vivre. Vivre ou écrire. Parfois, écrit-elle, je m'autorise la majuscule. J'écris Vous. J'écris : Je pense à Vous, comme j'écrirais : je pense à Alexandre, Thomas, Michael... À n'importe qui. Vous serait n'importe qui, mais pas vous. Il n'y a cependant pas de confusion dans mon esprit. Pas de transfert. Celui à qui je pense n'est personne d'autre que vous.
Nous ne connaîtrons jamais le prénom de cette femme, pas plus que ne nous sera dévoilé le portrait de l'homme qu'elle imagine, qu'elle traque, qu'elle poursuit jusqu'à Florence.
Léna est née dans le Grand Nord sibérien, elle aime plus que tout la brume, la neige, l'immobilité et l'attente, qui n'ont ni couleurs ni frontières. Son mari Vassia, pilote dans l'armée de l'air, n'a qu'un rêve, poursuivre la grande épopée soviétique de l'espace dont Gagarine fut le héros et qui reste l'immense fierté du peuple russe.
Comment acclimater leur nature profonde, leurs sentiments et leur vision du monde si différents en ces temps incertains de perestroïka où s'effondre leur univers ?
Un premier roman étonnant où tout est dit de l'âme russe, des paysans dans leurs kolkhozes, des exilés dans la taïga, des citadins entassés dans leurs appartements communautaires, qui tous ont pour horizon l'envol et la conquête spatiale comme un Eldorado collectif.
Derya a servi le café. Ma mère a porté la tasse à ses lèvres et, après la première gorgée, elle a blêmi. Ses ongles s'enfonçaient dans mon bras.
«Derya, tu n'as rien oublié ?
- Non, ma tante.
- Tu es sûre ?
- Tout à fait sûre.
- Mais le sucre... ?
- Il n'y a pas de sucre.»
Sa voix était très basse, mais très ferme. Ma mère s'est tournée vers ma tante.
«Qu'est-ce que ça veut dire, Selma ?
- Tu sais fort bien ce que ça veut dire quand on demande une fille en mariage et qu'elle verse du café sans sucre.»
Evren achève de brillantes études à Cologne. Hébergé chez un oncle turc, ce garçon timide a le coup de foudre pour sa cousine, la belle et sensuelle Derya. Rentré chez lui, en Belgique, Evren annonce aux siens la bonne nouvelle : il va épouser Derya. Une délégation familiale se rend donc en Allemagne pour demander officiellement la main de la jeune fille. Mais les choses ne vont pas tourner comme prévu.
Déroutant jusqu'à la dernière ligne, tour à tour drôle et profond, Loin des mosquées ravira les admirateurs - toujours plus nombreux - de l'oeuvre d'Armel Job.