Tomber sous le charme. Chroniques de l'air du temps

Tomber sous le charme. Chroniques de l'air du temps
A Dominique
Ed. Le mot et le reste

Utiliser son vécu pour écrire, composer, va de soi, mais je me sentirais bien limité si c'était là mon seul carburant, si ma mécanique interne n'était pas alimentée par d'autres combustibles. Il m'a toujours fallu en passer par les disques des autres pour renouveler le débat, éviter de piétiner les mêmes plates-bandes d'un album à l'autre. Les chroniques que j'écris rendent compte, sans la solder, de la dette ainsi contractée et, allons-y pour les grands mots, de ma gratitude envers d'autres artistes. Accessoirement, elles se font aussi l'écho, en parallèle, du work in progress qui préside à chacune de mes tentatives.

Dominique A chroniqueur, reste une facette méconnue de l'artiste. En fin observateur, il saisit, dans ses recensions musicales et littéraires pour Epok, TGV magazine, les Inrocks ou Le Monde des livres, la création de son temps, marquant une nette préférence pour les seconds couteaux. Par ailleurs, le journal de ses tournées et ses autocritiques - un retour sur ses propres albums - montrent combien, avec un regard curieux et amusé, l'écriture est au coeur de son existence.

Cannibale lecteur

Cannibale lecteur
Claro
Ed. Inculte

« On peut juger de la beauté d’un livre, à la vigueur des coups de poing qu’il vous a donnés et à la longueur de temps qu’on met ensuite à en revenir » : cette phrase de Flaubert, qui fait de la lecture une empoignade, dit assez clairement ce dont il s’agit ici : non pas simplement évoquer des livres, mais tenter d’écrire depuis leurs turbulences.

Car les livres – ceux qui « brisent la mer gelée – ne se contentent pas de nous transformer et de résonner en nous. Grâce à eux, nous quittons la langue commune pour apprendre d’instables dialectes et comprenons enfin ce que voulait dire Beckett quand il parlait d’échouer mieux. On croisera anciens et modernes, ogres et paladins, Butor et Tarkos, Claude Simon et Imre Kertész, Chevillard et Volodine, Jérôme Ferrari et André Hardellet, mais aussi Hélène Bessette, Pierre Michon, Thomas Bernhard, Ramón Sender, Jonathan Littell, etc.

Le clavier étant par ailleurs cannibale, le lecteur aura droit également à quelques exercices de dévoration, notre époque n’étant guère avare en nouvelles « têtes molles » : quelques coups de griffe, par-ci par-là, mais pas que pour rire de certains caniches littéraires : pour mieux retourner dans l’ombre des grands fauves – ainsi Faulkner, Céline et William Gass viennent-ils clore ce fiévreux diorama d’une certaine littérature contemporaine.

Comme un karatéka belge qui fait du cinéma

Comme un karatéka belge qui fait du cinéma
Lalumière Jean-Claude
Ed. Dilettante

Rescapé de plusieurs redoutables théâtres d’opérations tels que la bureaucratie diplomatique (Le Front russe) ou le tourisme culturel itinérant (La Campagne de France), Jean-Claude Lalumière se risque là dans un monde mouvant et incertain, celui du «& Paris, à nous deux !& » d’un jeune «& apatride social& » se sentant mal décrassé de sa campagne et avide d’une grande percée en terre parisienne. Alors, moteur ! Le héros, un gars de Macau en Médoc, fils d’un ouvrier viticole, survivant entre un frère apprenti garagiste et une mère cruciverbiste et méritante, décide un beau jour de déserter les chais pour les sunlights, de monter à Paris, riche de ses seuls yeux fiévreux de jeune cinéphile. Là, il remplit la hotte, vendangeant tout ce qui pousse en matière de culture. Mais la ville a « sur [ses] économies l’effet du soleil sur la cire des ailes d’Icare » et la grande percée n’arrive pas. D’où manœuvre de repli dans une galerie d’art contemporain où il devient l’homme à tout faire de Monsieur Henry et le spectateur sceptique des «& événements& » artistiques les plus effervescents. Mais rien n’y fait, pas même son mariage avec la bourgeoise Anne-Sophie, et une permanente mélancolie poisse le quotidien de notre homme. Quand soudain ! un trajet pour le bar du Lutetia prend des allures de chemin de Damas. Il y percute en effet rien de moins que Jean-Claude Van Damme. Barricadé derrière sa bière, il assiste à Van Damme prophète et bonimenteur. Révélation. Un périple romanesque que clôt le pèlerinage aux sources d’un voyage en Médoc entre retrouvailles avec le frère, cendres du père et vaticinations de la mère. Entre roman d’initiation balzacien et film d’une vie rêvée. Dans la vie, le super 8 se gonfle rarement en 35. Chacun son format, telle est la leçon que semble nous souffler, pour son troisième roman, Jean-Claude Lalumière.

En numérique chez Tropismes : Comme un karatéka belge qui fait du cinéma

Malgré Fukushima. Journal japonais

Malgré Fukushima. Journal japonais
Faye Eric
Ed. José Corti

De Wakkanai, la pointe nord enneigée, jusqu'à l'extrémité australe à Iriomote, non loin de Taiwan, pendant quatre mois j'ai tenté de comprendre cette virgule gigantesque entre l'Eurasie et le Pacifique : Nihon. Le Japon. J'ai tenté d'épuiser l'énergie qui me pousse à apprendre et à apprendre dans l'espoir de trouver je ne sais quel repos, et je n'y suis pas parvenu. Le Japon sans cesse place l'esprit en éveil, l'aiguillonne dès qu'il baisse la garde. Le Japon n'étanche jamais la soif de savoir, tant le savoir, là-bas, est enfermé dans des poupées gigognes à l'infini, à moins que ce ne soit dans un labyrinthe de miroirs renvoyant quelque éclat jusqu'au plus profond des ombres.

Ceci est le journal de quatre mois ayant eu comme camp de base, à l'été et à l'automne 2012, la villa Kujoyama, à Kyoto. Prions tous les kamis de toutes les montagnes pour que, sur les hauts de Kujo, cette villa continue d'exister longtemps, pour le bonheur de ceux qui m'y succéderont.  E. F.

Chronique de l'ère mortifère

Chronique de l'ère mortifère
Baal Frédéric
Ed. Différence

Qu'il dénonce les menées des groupes financiers et les manoeuvres des multinationales, la destruction de la nature ou l'épuisement d'un certain art contemporain, ce livre est un cri de révolte contre diverses formes de servitude.

Il ne s'agit pas d'un roman au sens convenu du terme, mais d'une évocation éclatée du monde actuel : au gré de monologues qui se répondent, se chevauchent et s'entrecroisent, de multiples styles métamorphosent de l'information en littérature et concourent à jeter un regard critique sur la gravité des temps.

Cette chronique est un discours incendiaire où la langue classique, les néologismes, les jeux de mots, les perturbations de la syntaxe et autres écarts invitent le lecteur à se détacher des normes et des idées reçues pour en discerner les implications mortifères et les subvertir.

 

Les gouffres

Les gouffres
Choplin Antoine
Ed. Fosse aux ours

Au coeur de paysages singuliers qui pourront évoquer les revers sombres de l'Histoire, des hommes, solitaires ou réunis en une clique fragile, entreprennent un périple.

Aux processus guidant leur épopée, il est ici porté une attention particulière. Tous déploient un arsenal de ruses pour approcher, voire atteindre, leur objectif.

Le ressort de ces progressions emprunte avant tout à des forces d'humanité, de simple et lumineuse intelligence, de fraternité pure.

Des quêtes minuscules, comme autant de fables espérant chacune de cette capacité inouïe de l'homme à se maintenir debout, le regard tendu sans relâche vers un nouvel horizon.

Une chemise blanche dans le Vercors

Une chemise blanche dans le Vercors
Bitker Colette
Ed. Michel de Maule

Ils passaient par là, l'Histoire aussi

Juin 1944 : avec sa famille juive parisienne, la petite Colette Bitker est réfugiée dans un hameau du Vercors. Une patrouille allemande débarque dans la maison, procède à une perquisition rapide, puis elle traverse le chemin et, dans la maison d'en face, arrête un homme jeune monté de la ville pour les vacances. La fillette voit s'éloigner, dans l'air délicieux de cette fin d'après-midi, l'homme encadré par les soldats. Il porte une chemise blanche qu'elle suit du regard jusqu'à ce que le groupe disparaisse au tournant de la route. Tout de suite, elle sait que l'homme ne reviendra pas. Des années plus tard, devenue peintre, elle découvre que dans chacune de ses toiles figure une tache blanche.

Un bouquet de coquelicots

Un bouquet de coquelicots
Sluszny Marianne
Ed. Différence

La guerre 14-18, en Belgique. Dans chacune de ces nouvelles, Marianne Sluszny donne une voix à un de ces personnages ordinaires, dont la vie a basculé dès le début des hostilités - soldat inconnu, musicien, jeune mariée, combattant flamand, infirmière, Congolais, pigeon voyageur, tous, le désastre de l'occupation les a broyés.

Dans ces brèves histoires crûment racontées, des visages et des vies se dessinent. Les lieux du drame, Andenne, Namur, Malines, Anvers, Bruxelles, La Panne, Ypres, villes martyres, zones de combat ou zones d'occupation, balisent le territoire où ces destins, éphémères comme des coquelicots, ont été anéantis.

En numérique chez Tropismes : Un bouquet de coquelicots

Inna

Inna
Fourest Caroline
Ed. Grasset

A vingt-trois ans, Inna Shevchenko est célèbre. Qui ne connaît ses yeux verts, ses cheveux blonds couronnés de fleurs, ses seins nus, peints de slogans noirs dénonçant les religions, les dictatures et la prostitution ?

Pourtant, l'icône politique reste une énigme. Qui est vraiment cette élève brillante, éduquée par un père colonel dans l'Ukraine post-soviétique ? Comment a-t-elle découvert l'engagement politique au lycée, au moment de la Révolution orange, avant de se jeter à corps perdu dans le mouvement Femen ? Qui est cette femme battue et arrêtée cent fois, torturée en Biélorussie, fuyant son pays après avoir tronçonné une croix en soutien aux Pussy Riot ?

Caroline Fourest a accompagné Inna dès le premier jour de son exil à Paris. Elle s'est engagée avec elle, parfois contre elle... Lors des combats de rue face à Civitas, pour sauver Amina en Tunisie. Paris serait-elle redevenue la capitale de la révolution ? Bien plus que le portrait d'une héroïne fascinante, ce livre raconte l'odyssée d'une frondeuse tourmentée, tentée par le nihilisme, qui exige en tout la liberté mais s'impose une vie de soldate.

Dans ce récit haletant, tout est vrai : la solitude, la force d'âme, le goût un peu âcre de la vérité. Tour à tour enquêtrice, conseillère, amie, amoureuse et femme libre, Caroline Fourest raconte à la fois ses doutes, leurs combats et leur romance. Et pour la première fois, se livre.

Fantaisie-sarabande

Fantaisie-sarabande
Marienské Héléna
Ed. Flammarion

Peut-on supporter d'un mari avare et volage qu'il vous empoisonne la vie ? Non : on le tue.

Peut-on, lorsqu'on est belle à se damner, supporter de vivre au sein d'une famille de nazillons misérable et malodorante dans les friches de la Lorraine ? Non : on profite de sa beauté pour s'en sortir.

Angèle la meurtrière, Annabelle la prostituée de luxe ont dit non. Elles se rencontrent : coup de foudre. Elles disent alors oui, oui à l'amour, la déraison, la passion. Oui, la femme est clairement l'avenir de la femme.

Si ce n'est qu'un flic enquête sur le meurtre du mari d'Angèle...

Une comédie réjouissante qui mêle fantaisie policière, romance et pornographie débridée.

Newsletter