Aurore disparaît
Elle se sentait de plus en plus légère depuis qu'elle le connaissait, et plus forte. Elle retrouvait des contours. Quand ils allaient dîner au restaurant, elle se pendait à son bras, elle le respirait, le cri des mouettes et celui des corbeaux se mélangeaient sur les quais de la Seine où les façades de l'île Saint-Louis ressemblaient aux falaises de Normandie, blanches, poreuses et crayeuses, accrochant la lumière. Le ciel était lavé par la pluie. Roland accompagnait le mouvement, très doucement. Il l'encourageait à trouver sa voie.
Quand Mme Damian est sauvagement assassinée dans une villa voisine de la sienne, Aurore est obligée de sortir de la solitude qu'elle s'était choisie et qu'elle avait rendue presque parfaite. Retirée au bord de la mer, où elle se consacre à la peinture, elle vit un grand amour, qu'elle continue de porter en elle et de protéger. Une hésitation au téléphone dans la voix de son mari, le souvenir d'une après-midi vieille de quinze ans chez Maud Nancy, les visites insistantes de sa voisine Irène B. viennent déranger le bel édifice de son intimité avec l'espace et l'infini.
Après La tangente (Éditions Gallimard, 2009), Aurore disparaît est le deuxième roman d'Amina Danton.
Mydriase suivi de Vers les icebergs
Au commencement, les yeux ne voient pas. Ils sont ouverts, entre les rideaux des paupières, mais ils sont noirs. Ils n'ont pas de lumière. Les yeux ne servent pas. Ils ne sont pas faits pour voir. Quand on a appris cela, on n'a plus peur de l'ombre et du vide. Les yeux sont des moteurs pour aller dans l'autre sens, vers le futur, vers les pays inconnus, vers les rêves, les choses de cette nature.
Dans Mydriase, la prose poétique de J.M.G. Le Clézio compose un chant envoûtant qui entraîne le lecteur vers des mondes parallèles et des visions tourbillonnantes, exploration vertigineuse d'un univers qui n'est pas sans relations avec les gouffres qu'explora Henri Michaux.
Ce dernier est d'ailleurs, littéralement, au coeur de Vers les icebergs. Fasciné par la parole de Michaux, J.M.G. Le Clézio file le « poème du poème » de Michaux, Iniji, et laisse naître la parole du poète : plus qu'une simple analyse, un acte de compréhension total.
«Le samedi matin il venait nous chercher vers dix heures. Je me souviens de ces quelques minutes, ma mère ouvrait la porte-fenêtre. Posant le pied sur le gravier, je découvrais mon père de l'autre côté de la grille en métal orange. Je voyais son visage dans le rétroviseur. Juste à ce moment-là, notre famille existait à nouveau, je voulais faire durer cet instant pour me rappeler qu'à un moment nous avions été le fruit d'une union. Puis le moteur de la voiture se mettait en route. Une sorte de boule envahissait mon ventre, elle ne me quitterait plus. Pour moi les week-ends avec mon père n'étaient rien d'autre que de longs dimanches soir.»
S'il est un sujet qui passionne Samuel Doux, c'est bien la famille. Dans ce nouveau roman d'une justesse implacable, on retrouve toute l'originalité de ton et d'écriture d'un auteur dont l'univers singulier mêle toujours humour distancié et sensibilité exacerbée.
'Pauline avait un grand principe dans la vie : l'amour sert à construire une véritable amitié. Maxime et moi en sommes la démonstration vivante. Nous aurions pu nous contenter d'aimer la même femme, d'être des rivaux compréhensifs... Mais non. Maxime, pour appliquer le principe de Pauline, a voulu devenir mon protecteur. Et c'est ainsi qu'un voyou à la générosité catastrophique a pris en main le destin d'un romancier dépressif.'
Haletant, poignant, irrésistible de drôlerie, le nouveau roman de Didier van Cauwelaert nous plonge dans la tourmente d'une amitié encore plus ravageuse que la passion.
A Téhéran, dans les années 1980, une petite fille de six ans, contrainte de porter le voile, se révolte en se dénudant. Se soumettre aux exigences des «barbus» et autres «corbeaux» lui paraît absurde. Son père l'approuve et, afin de fuir brimades et contraintes, la famille va s'exiler à Paris. Abnousse Shalmani découvre alors que la liberté n'est pas celle qu'elle aurait souhaitée. Sa révolte n'est donc pas finie. Mais cette fois, c'est la littérature française qui va lui fournir des armes. La petite fille, devenue femme, va faire de Sade, de Victor Hugo et de Colette (entre autres) des appuis précieux dans son combat contre l'oppression en général et celle du corps féminin en particulier.
Joyeux pamphlet, ce récit alterne les anecdotes intimes et les événements socio-politiques avec humour et enthousiasme.
Qui mieux que Gougaud l'anarchiste pourrait évoquer l'extraordinaire parcours de l'indomptable Louise Michel, figure emblématique de la Commune ? Dans ce portrait flamboyant de la «Vierge rouge», le romancier se glisse dans la peau de Louise pour faire revivre tour à tour la petite bâtarde sans le sou passionnée de littérature, la jeune institutrice, l'insurgée bravant la mitraille des Versaillais, la bannie de Nouvelle-Calédonie éblouie par les splendeurs de l'île, enseignant le français aux Canaques... Mais toujours attachée au drapeau rouge, jamais lassée d'appeler à la Révolution.
Henri Gougaud sait nous faire aimer cette femme sauvage et téméraire, éprise d'indépendance et d'absolu, dont l'extra-ordinaire personnalité dépasse tous les clivages. Ne cachant rien de son personnage - son esprit intransigeant, son courage presque fou, sa curiosité d'esprit, sa bonté, son dévouement à la cause des démunis -, il trouve les mots justes et le souffle qui donnent à son récit une force incomparable. Jamais Louise Michel n'a été aussi vivante, jamais vous ne l'aurez tant aimée !
« L'amour relève-t-il d'un processus chimique ou d'un miracle spirituel ? Existe-t-il un moyen infaillible pour déclencher la passion, comme l'élixir qui jadis unit Tristan et Iseult ? Est-on, au contraire, totalement libre d'aimer ? »
Anciens amants, Adam et Louise vivent désormais à des milliers de kilomètres l'un de l'autre, lui à Paris, elle à Montréal. Par lettres, tout en évoquant les blessures du passé et en s'avouant leurs nouvelles aventures, ils se lancent un défi : provoquer l'amour. Mais ce jeu ne cache-t-il pas un piège ?
Observateur pertinent des caprices du coeur, Eric-Emmanuel Schmitt explore le mystère des attirances et des sentiments.
Camille a 16 ans lorsqu'elle rencontre Stanislas. Peu à peu, il la transforme en femme séductrice et cruelle. A 25 ans, elle décide de retrouver son premier amour. Celui-ci est devenu le plus jeune manager de la cinquième banque de Wall Street. Amoureux fous, ils s'installent à Londres, s'amusent et dépensent sans compter. Mais ils s'ennuient, alors ils partent pour une traversée des Etats-Unis.
Voici quelques années, nous avons quitté la capitale. Au grand dam de la famille et des amis, nous sommes venus nous installer Ici. Non pas au Costa Rica, à Málaga, ou à Las Palmas, mais Ici, tout en bas de la carte de la Belgique, juste en dessous de la grande forêt d'Ardenne.
« Ici : un lieu qui appelle à partir, à aller voir ailleurs, un ailleurs qu'on quittera avec plaisir, heureux de revenir Ici. »
dilettante n. (mot ital.). Personne qui s'adonne à une occupation, à un art en amateur, pour son seul plaisir. Personne qui ne se fie qu'aux impulsions de ses goûts.
(Le Petit Larousse.)
Fille de bateliers, Christine Van Acker a gardé de son enfance une certaine mise à distance, d'où son regard singulier sur les petits riens de l'existence.
Elle réside en Gaume, en Lorraine belge, dans un village qui convient à sa démesure et à son manque de sérieux. Avant que ses livres ne soient mis à l'index, elle se dépêche de propager leur nécessaire impertinence.
« Christine Van Acker conduit le lecteur avec le plus grand naturel dans ces replis liminaux de la conscience, exercice narratif qui requiert des dispositions de chaman, de barde ou de poète, l'aptitude à remonter le fleuve Léthé ; l'humour en sourdine rajeunit les archétypes, l'enchantement guette au passage. »
Michel Ots
Instantanés II
Poursuivant la galerie de portraits qu'il avait inaugurée avec un premier volume d'Instantanés, l'auteur évoque ses souvenirs à propos de Gaston Bachelard, Hector Bianciotti, Roger Caillois, Louis Guilloux, J.-B. Pontalis et quelques autres. Il témoigne de son admiration et de son amitié.
Un ultime chapitre, pour rire, traite des belles fréquentations du chien Ulysse qui, partageant une vie d'éditeur, a entretenu des relations cordiales avec Aragon, René Char, Massin, Claude Roy, Marguerite Yourcenar, Kundera, Ionesco, Dominique Aury, Raymond Queneau, Claude Chabrol, Romain Gary...