Le grand paon-de-nuit
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Dans Le grand paon-de-nuit, comme dans les deux titres repris dans ce volume, on peut se demander s'il s'agit bien de prose, et non pas plutôt de poésie.
En lisant ces textes brefs, souvent fulgurants, on se demande même si Marcel Cohen ne nous livre pas des sujets de nouvelles, ou des réflexions, qui ne gagneraient rien à être développés. Chez un auteur qui se contente souvent de rapporter des Faits, comme dans la trilogie du même nom, on touche sans doute là l'essentiel : au fil de ces pages d'un laconisme extrême, ce qui nous captive c'est, finalement, notre rôle de lecteur : peut-être nous revient-il, et à nous seul, d'écrire le volume que nous tenons entre les mains. Le plus important, semble nous dire l'auteur, s'écrit dans le blanc de la page, le lecteur est adulte, et il a toujours raison.
Cela fait maintenant cinquante-six ans que Aïko Toda a connu le coup de foudre pour celui quelle acceptait d'épouser dès leur premier rendez-vous. Aux côtés de cet homme, un cadre dévoué de l'importante compagnie Goshima, elle a été aux premières lignes de la reconstruction économique de son pays dévasté par la guerre. Toujours aussi amoureux, tous deux profitent aujourd'hui de leur retraite. Au fil des jours de pluie et des promenades, Aïko songe à ce demi-siècle passé auprès de Tsuyoshi Toda, son samurai ; un bonheur dont elle prend la mesure alors que remontent aussi à sa mémoire les années qui ont précédé cette rencontre, celles d'un premier mariage raté.
Au plus près de l'intimité de ses personnages, Aki Shimazaki clôt avec cette histoire le cycle romanesque Au coeur du Yamato.
Aden, août 1880. Jules Suel, gérant du Grand Hôtel de l'Univers, a décidé de s'offrir un cliché publicitaire. Il convie quelques fidèles à poser autour de lui. Tous se prêtent au jeu, plutôt de bonne grâce. Seul un employé de la maison Bardey, un être taciturne vêtu comme un ouvrier, se fait prier - et ce personnage n'est autre qu'Arthur Rimbaud.
S'inspirant de la célèbre photo retrouvée par hasard en 2010, Serge Filippini imagine les deux heures qui mènent à la prise de vue. Il entrecroise les vies des six hommes et de la femme bientôt figés dans leur portrait de groupe. Qui sont-ils, ces commerçants et ces explorateurs ? Quelles obsessions, quels rêves les animent ? Quels secrets sont-ils venus cacher dans la chaleur accablante et la poussière d'Arabie ? Et pourquoi Rimbaud refuse-t-il l'amour qui s'offre à lui ?
Un jeune étranger séjourne à l'Istituto d'Arte de Rome dans les années 1930 pour y poursuivre ses recherches en histoire de l'art sur le peintre Poussin. Il fait sa cour à Giulia Falconieri, jeune aristocrate à la pureté sculpturale, tandis que la sensuelle Wanda, d'origine polonaise, le pourchasse. Mais chacun triche déjà dans ce triangle amoureux, comme si le travestissement des sentiments n'était que la répétition générale du camouflage des identités. Lorsqu'il fait la connaissance d'Igor, fils d'une famille de Russes blancs ayant fui la révolution d'Octobre pour se réfugier dans l'Italie mussolinienne, le narrateur rencontre son destin. Par amour pour ce garçon, il va devenir un espion au service du régime communiste.
A Moscou, où nos deux apprentis agents apportent les documents qu'ils sont parvenus à subtiliser à Rome, les mâchoires du piège se referment sur ces idéalistes dont le régime a su faire ses «idiots utiles»...
Quelques grands noms de créateurs (Mozart, Stendhal, Schiele, Joyce...) et de créatures (Eurydice, Oedipe, Rossinante, Jacques le Fataliste...) sont au coeur de ces nouvelles. Le plus souvent, les personnages sont vus de biais, par un parent, une interprète ou une compagne qui, quoique bienveillants, ne sont jamais dupes.
À travers ces approches ludiques et ces regards multiples, Claude Pujade-Renaud éclaire certaines correspondances entre vie et création, soulignant avec un humour complice l'heureuse et nécessaire part de folie qui préside plus ou moins secrètement à la genèse de l'oeuvre.
«Le 29 mai 67, tu as noué dans tes cheveux un foulard à motif jaune et bleu et une mèche de tes cheveux s'est échappée de ce chignon retenu par un foulard.
Le sais-tu, toi, que ce jour-là une mèche blonde a glissé de ce tissu serré jaune et bleu ?
Je découvre et j'admire tout, ce foulard jaune et bleu, un grain de beauté plat et clair sur ta joue gauche, cette manière que tu as de te tenir debout dans un léger déhanchement, l'odeur mentholée de la lotion que tu appliques sur tes jambes après les avoir exposées au soleil. Ces mots 'dégoûtant', 'rigolo' qui étaient si nouveaux et qui ne le sont plus, la première télévision couleur, les premiers cinémas d'art et d'essai, les premières pilules contraceptives, tes jupes beaucoup trop courtes, la chanson 'Summer of Love' que l'on écoutait à la radio, tout cela est toujours présent.
Tu me conduis, ce printemps-là, vers la modernité.»
Comment peut-on aimer quand le monde entier vous désire ?
De Paris à Rome à la fin des années 60, une histoire aussi brève que solaire entre «Bri», la plus belle fille du monde, l'une des plus célèbres aussi, et un jeune homme dont elle aura été le professeur d'amour.
«Merveilleusement maquillée, les cheveux constellés de paillettes, les mains rougies au henné avec des motifs berbères jusqu'aux poignets, on dirait que le drame l'a cueillie au beau milieu d'une noce.
Dans ce décor de rêve, tandis que le monde s'éveille à ses propres paradoxes, la Belle au bois dormant a rompu avec les contes.
Elle est là, et c'est tout.
Fascinante et effroyable à la fois.
Telle une offrande sacrificielle...»
Une jeune étudiante est découverte assassinée dans la forêt de Baïnem, près d'Alger. Une femme, Nora Bilal, est chargée de mener l'enquête, loin de se douter que sa droiture est un danger mortel dans un pays livré aux requins en eaux troubles.
Qu'attendent les singes est un voyage à travers l'Algérie d'aujourd'hui où le Mal et le Bien se sentent à l'étroit dans la diablerie naturelle des hommes.
La naissance de l'islam, c'est d'abord l'histoire d'une femme, Khadija. La première épouse du prophète, celle qui l'aimait quand il n'était qu'un jeune caravanier, celle qui avant tous lui a dit : «Moi, je crois.»
Veuve, belle et riche, Khadija doit se remarier pour maintenir sa place dans la société très masculine de La Mecque. Contre toute attente, elle choisit un homme pauvre et illettré, Muhammad ibn 'Abdallâh. En dix ans de bonheur, elle impose Muhammad auprès des puissants clans de La Mecque et forme avec lui un couple exceptionnel, modèle de sagesse et de modération. Mais une série de tragédies s'abat sur le pays. La peste, les inondations et la mort endeuillent la famille. Face à ces coups du destin, Khadija fait preuve d'un courage et d'une force inouïs.
La paix revenue, Muhammad s'isole dans le désert où, un jour, l'ange Gabriel lui transmet les paroles du Dieu Unique. Muhammad croit devenir fou, il a peur. Khadija, elle, pressent qu'il s'agit là d'un grand événement. Se dressant contre tous pour défendre la parole nouvelle de son bien-aimé, elle pose les fondements sur lesquels Muhammad ibn 'Abdallâh bâtira l'une des plus remarquables aventures religieuses du monde.
La nuit de Maritzburg
En 1893, une entreprise indienne propose à Mohandas Karamchand Gandhi, tout jeune avocat, de se rendre en Afrique du Sud pour y défendre ses intérêts. Gandhi accepte. Il ne le sait pas encore, mais c'est le tournant de sa vie.
Il découvre l'apartheid, l'humiliation, et se lance dans un combat acharné contre la discrimination dont sont victimes ses compatriotes indiens. C'est là qu'il expérimentera pour la première fois une arme redoutable : la résistance passive. Jour après jour, le petit avocat timide et si british, va se métamorphoser jusqu'à devenir le Mahatma, la Grande Âme. C'est aussi sur cette terre de violences qu'il rencontre Hermann Kallenbach, un architecte juif allemand, avec lequel s'instaure une relation hors du commun. Une intimité précieuse, intense, forte comme une passion, digne d'un amour... vrai.
Aurore disparaît
Elle se sentait de plus en plus légère depuis qu'elle le connaissait, et plus forte. Elle retrouvait des contours. Quand ils allaient dîner au restaurant, elle se pendait à son bras, elle le respirait, le cri des mouettes et celui des corbeaux se mélangeaient sur les quais de la Seine où les façades de l'île Saint-Louis ressemblaient aux falaises de Normandie, blanches, poreuses et crayeuses, accrochant la lumière. Le ciel était lavé par la pluie. Roland accompagnait le mouvement, très doucement. Il l'encourageait à trouver sa voie.
Quand Mme Damian est sauvagement assassinée dans une villa voisine de la sienne, Aurore est obligée de sortir de la solitude qu'elle s'était choisie et qu'elle avait rendue presque parfaite. Retirée au bord de la mer, où elle se consacre à la peinture, elle vit un grand amour, qu'elle continue de porter en elle et de protéger. Une hésitation au téléphone dans la voix de son mari, le souvenir d'une après-midi vieille de quinze ans chez Maud Nancy, les visites insistantes de sa voisine Irène B. viennent déranger le bel édifice de son intimité avec l'espace et l'infini.
Après La tangente (Éditions Gallimard, 2009), Aurore disparaît est le deuxième roman d'Amina Danton.