Hiver 1591, Istanbul est sous la neige. Mais un cadavre, le crâne fracassé, nous parle depuis le puits où il a été jeté.
Il connaît son assassin, de même que les raisons du meurtre dont il a été victime : un complot contre l'Empire ottoman, sa culture, ses traditions et sa peinture. Car les miniaturistes de l'atelier du Sultan, dont il faisait partie, sont chargés d'illustrer un livre à la manière italienne?
Roman polyphonique, Mon nom est rouge tient en haleine jusqu'à la dernière page par son extraordinaire construction : une subtile réflexion sur la confrontation entre l'Occident et l'Orient sous-tend la trame policière (un suspense fascinant), elle-même doublée d'une intrigue amoureuse.
On ne pourrait être plus dépaysé, et pourtant, tout est si proche. Exigeant et profondément original, Orhan Pamuk invite à la lenteur mais il surprend avec puissance.
« Aujourd'hui est mort l'homme que ma mère a aimé. Vieux comme les pierres, solide comme un roc jusque dans la mort.
Il s'est effondré tandis que, penché sur un pupitre, il tournait une page de la partition de la Symphonie en sol mineur de Mozart. Lorsqu'on l'a trouvé, il tenait dans sa main morte un bout de la partition déchirée : ces appels de cor du début du mouvement lent. Il avait dit un jour a ma mère que la Symphonie en sol mineur était le plus beau morceau de musique qu'on eût jamais composé. ?Il lisait depuis toujours des partitions comme d'autres lisent des livres. »
Urs Widmer fait ici le récit d'une vie, celle d'une femme qui n'a cessé d'être amoureuse d'un homme qui ne l'aimait pas. Lui, parti de rien, devient ?un peu grâce à elle -l'home le plus riche de Suisse ; à l'inverse, elle qui faisait partie de la jeunesse dorée se retrouve orpheline et sans le sou, se marie et mène une vie sans histoire.
C'est son propre fils qui raconte cet amour malheureux, véritablement incurable ; il parvient à y mettre un humour mélancolique et parfois même une drôlerie paradoxale qui rend le récit encore plus poignant
« La Hollande doit être le pays de l'infini, puisque les gares y ont deux côtés. »
Des îles d'Aran à Paris, des monastères du Japon aux musées d'Italie, parti de Hollande pour entrer dans « l'?il du cyclone », Cees Nooteboom nous offre ici un livre étonnant sur l'art, la littérature et la vie. Il voyage. Et compose des textes magnifiques habités par l'ailleurs, les amis et la poésie.
Imaginez un livre écrit par, disons, Vladimir Nabokov dans ses périodes les plus espiègles
et revu par Stephen King dans ses humeurs les plus cérébrales, mis en page par les graphistes les plus déjantés et publié par les éditeurs les plus audacieux. Le résultat pourrait bien être quelque chose comme La maison des feuilles.
Le premier roman de Mark Z. Danielewski (il a mis douze ans à l'écrire) n'a, à vrai dire, pas grand chose en commun avec tout objet littéraire identifié.
Au départ : la découverte d'un pseudo-académique manuscrit, le Navidson Record, écrit par un aveugle nommé Zampano, à propos d'un film documentaire inexistant ? qui lui-même parle d'un journaliste qui découvre une maison aux pouvoirs surnaturels (ses dimensions intérieures par exemple sont plus grandes que ses dimensions extérieures). À cet échafaudage de narrateurs-en poupée russe, Danielewski ajoute poèmes, nomenclatures scientifiques, collages, Polaroïds, appendices de fausses correspondances et « notes diverses », et un impressionnant index. On tourne et retourne le livre pour suivre les phrases placées n'importe comment ( ? ) sur les pages ? en haut, en bas, à l'envers, en diagonale -, les parenthèses sans contenus, les passages barrés, encadrés, bleutés, etc? Mais quoi ???
Si l'on en croit Johnny Errand, le jeune homme qui découvre le travail de Zampano, une fois que vous aurez lu le Navidson Record, « vous ne serez plus la personne que vous aviez cru être auparavant. Vous percevrez de lentes et subtiles modifications tout autour de vous, en particulier, d'importants changements en vous. Pire, vous vous apercevrez que les choses ont toujours changé, dans une espèce de miroitement, de vaste miroitement, mais sombre comme une pièce. Et vous ne comprendrez pas pourquoi ni comment. Vous aurez oublié ce qui vous a mis la puce à l'oreille. »
Ici, rien n'est fait pour rassurer le lecteur?
Tasmanie, 1954 : une femme quitte dans la nuit le campement de Butlers Gorge, abandonnant son mari et sa fille de trois ans.
Elle les aime, mais elle ne reviendra jamais. Trente-cinq ans plus tard Sonja, sa fille, retourne sur les lieux faire la paix avec son passé. Il lui faut retrouver son père qui l'a élevée seul, durement partagé entre culpabilité et amertume, mais aussi remonter le passé de ce couple déraciné, qui a dû fuir dans le désespoir les barbaries d'Europe centrale.
Richard Flanagan nous convie ici à une douloureuse et splendide histoire d'amour filial. À la fois conte sur les origines, quête identitaire d'un peuple d'immigrants victimes de l'Histoire, roman de guerre et de rédemption, c'est aussi un livre d'une poésie très particulière, obsédante et tenace, comme son beau titre : « The Sound of One Hand Clapping »
Il se peut bien que Jonathan Franzen ait réussi un coup de maître : son roman est aussi brillant
que ceux des intellectuels « postmodernes » qu'il admire tant mais infiniment plus accessible. Comme Don DeLillo ou William Gaddis, il éblouit le lecteur de riffs incisifs sur la vie contemporaine, mais plutôt que de livrer sa vision du monde au travers de feux d'artifice rhétoriques un peu froids ou d'intrigues byzantines, il l'intègre à la vie de caractères à l'humanité touchante.
Une telle simplicité pourrait paraître suspecte, mais c'est justement là la grande idée?
Jonathan Franzen donne un nom à l'Amérique : la famille Lambert. Pour un continent entier en train de sombrer dans la folie, il nous offre de vrais personnages que nous pourrons rappeler et citer en exemple.
Le père, Alfred, ingénieur retraité de la Midland Pacific Railroad, glisse doucement vers la démence, alors qu'une de ses propres inventions inspire un géant pharmaceutique dans un développement révolutionnaire du traitement de sa maladie. Sa femme, Enid, dévouée jusqu'à l'obstination, s'enfonce dans le déni, tout comme leurs enfants, chacun à sa façon. Chip, qui a ruiné sa « sinécure » académique en séduisant une étudiante voit sa nouvelle carrière de scénariste s'effilocher. Denise, trente-deux ans, officie comme chef de cuisine dans un nouveau restaurant de luxe de Philadelphie et sa vie sentimentale semble perpétuellement tremper dans l'eau bouillante. Gary, l'aîné, est un banquier installé, « strictement matérialiste » qui se demande si son étouffant mariage n'est pas en train de le rendre complètement fou.
Chacun de ses personnages nous habite tour à tour, jusqu'à leur réunion, obsessionnellement orchestrée par la mère, pour un Noël familial qui se déroulera dans les larmes.
S'étirant depuis le Midwest des années 50 au Wall Street et à l'Europe de l'Est d'aujourd'hui, Les corrections entraîne le monde discret des vertus civiques et des inhibitions sexuelles dans une collision violente avec l'ère de la surveillance domestique, des démissions parentales, des remèdes chimiques instantanés et de la cupidité mondialisée.
Drôle et corrosif à la fois, captivant, puissant, lyrique et profondément émouvant, Les corrections est une performance constante d'une intelligence humaine absolument éclectique et totalement compassionnelle.
David Zimmer a perdu sa femme et ses fils dans un accident d'avion.
Au bord de la dépression, anéanti devant la télévision, son attention est soudain retenue par un acteur du cinéma muet, un certain Hector Mann, disparu depuis 1929. Pour la première fois depuis des mois, David est sous le charme ; ce virtuose du septième art parvient à le faire rire, et, pour ce petit miracle, David décide de se lancer dans la filmographie du personnage. Le livre publié, il s'invente une autre raison de vivre et entreprend la traduction des Mémoires d'outre-tombe. Un soir, une inconnue débarque chez lui et, sous la menace, lui impose un très long voyage. Elle a pour mission de l'amener le plus vite possible au chevet d'Hector Mann qui, mourrant, l'appelle pour lui léguer un étrange héritage. Malgré l'improbabilité de l'histoire, David se laisse entraîner?
Avec Le Livre des illusions, Paul Auster fait un brillant retour romanesque. Dès les premières pages, le lecteur est littéralement emporté par le torrent narratif. Au-delà de l'extraordinaire et mystérieuse histoire d'Hector Mann, l'auteur nous entraîne au c?ur des destins qui s'entrecroisent dans un monde à la hauteur de son incomparable imaginaire. Le livre des illusions ne pourrait s'appeler autrement : cinéma, suspense, enquêtes, meurtres et histoires d'amour, tout est là, magistralement orchestré, pour finalement disparaître dans un nuage de fumée?