«Il y a deux sexes !» Ce serait un fait de nature. La biologiste Anne Fausto-Sterling défait cette fausse évidence du sens commun, fût-il scientifique. N'y en aurait-il pas cinq, voire plus ? Ironique, cette proposition n'en est pas moins sérieuse : pour les intersexes, ni tout à fait garçons ni vraiment filles, il en va de leur vie. Va-t-on les faire entrer de force, par la chirurgie, dans l'une ou l'autre catégorie ? Et, quand ils envoient des messages différents, qui, des chromosomes, des hormones, du cerveau ou du squelette, a le dernier mot ?
L'enjeu, ce sont les exceptions mais aussi la règle, à savoir tout le monde ! Le partage entre deux sexes est toujours une opération sociale. C'est bien la société qui tranche dans les variations attestées pour donner un sexe au corps. Et, quand le médecin ou le savant parlent sexe, ou sexualité, c'est encore la société que l'on entend. Loin d'être neutre, la science est donc toujours située : telle est l'une des leçons de cet ouvrage, devenu un classique depuis sa publication aux États-Unis en 2000.
La critique du biologisme par une scientifique du sérail trouble nos oppositions convenues - entre genre (social) et sexe (biologique), entre culture et nature. Ainsi ne pourra-t-on plus dire qu'il faut choisir entre féminisme et science.
Gai savoir que celui offert par ce livre illustré avec humour et érudition : la biologie, c'est bien la politique continuée par d'autres moyens.
Qui aurait cru qu’une poignée de hackers binoclards seraient à l’origine de la plus grande révolution du xxe& siècle ? Le livre culte de Steven Levy, histoire vraie de l’équipe de geeks qui ont changé le monde.
Précision& : un «& hacker& » n’est pas un vulgaire «& pirate informatique& ». Un hacker est un «& bricoleur de code& ». Son truc : plonger dans les entrailles de la machine.
Bill Gates, Steve Jobs, Steve Wozniak, Mark Zuckerberg ont commencé leurs brillantes carrières comme hackers…
La plupart ne paient pas de mine mais tous partagent une même philosophie, une idée simple et élégante comme la logique qui gouverne l’informatique& : l’ouverture, le partage, le refus de l’autorité et la nécessité d’agir par soi-même, quoi qu’il en coûte, pour changer le monde.
C’est ce que Steven Levy appelle l’Éthique des hackers, une morale qui ne s’est pas exprimée dans un pesant manifeste, mais que les hackers authentiques ont mise en pratique dans leur vie quotidienne. Ce sont eux qui ont œuvré, dans l’obscurité, à la mise en marche de la révolution informatique.
Depuis les laboratoires d’intelligence artificielle du MIT dans les années 1950 jusqu’aux gamers des années 1980, en passant par toutes les chambres de bonne où de jeunes surdoués ont consacré leurs nuits blanches à l’informatique, Steven Levy les a presque tous rencontrés. Voici leur histoire.
Nous sommes entrés dans l'âge de l'inséparation. Un mouvement de fond nous a fait passer d'un univers humaniste composé d'entités séparables à un réel inséparé où tous les phénomènes devenus globalisés sont liés, en interrelation et en co-dépendance. Des smartphones au multiculturalisme, des défis de l'écologie à la politique de réinvention des frontières, du politically correct au posthumanisme, notre monde élabore une nouvelle condition d'existence, dont la figure de l'Autre a disparu. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Là n'est pas la question. Cela est. Ce monde enfanté par l'inséparation, la politique, les sciences, les arts et les techniques en ont produit l'architecture - une architecture sans coupure ni soudure. De ce monde ayant aboli la séparation, voici le plan, le code et l'histoire.
Un voyage métaphysique à la fois fascinant et glaçant au cœur du film mythique de Jean Eustache, Une sale histoire.
Explorant une banale histoire de voyeurisme dans les toilettes pour femmes d’un café parisien racontée dans le film de Jean Eustache Une Sale histoire, Laurent de Sutter va découvrir une vérité restée cachée dans les replis des images de cette œuvre cinématographique aussi énigmatique que mythique.
Théorie du trou est la reconstitution minutieuse de ce secret. L’auteur y développe un véritable Discours de la méthode « anti-philosophique », traitant de notre être comme de notre morale, du consensus social auquel nous nous accrochons comme des rêveries esthétiques par lesquelles nous tentons de le sublimer. Rien, dans ce traité philosophique et dans le film d’Eustache, n’est laissé intact : là où nous voyions du Beau ne reste que le Laid, là où nous voyions du Grand, on n’aperçoit que du Petit, et là où nous pensions voir du Vrai, ne se distinguent que le mensonge et la tromperie.
Si les pensées de Laurent de Sutter étaient des images, comme les images de Jean Eustache sont des pensées, elles ne seraient pas à notre avantage, nous entrainant dans un voyage métaphysique fascinant et glaçant.
Spinoza sait qu’une question inquiète l’Europe de son temps : comment les Juifs sont-ils encore possibles ? Publiant, en 1670, le Traité théologico-politique, il met à profit l’occasion pour proposer sa réponse, sous la forme d’un court manifeste, inséré à la fin d’un chapitre.
Les premiers mots situent l’enjeu : « Aujourd’hui les Juifs ».
L’aujourd’hui de Spinoza est devenu un passé. Mais la question demeure. Elle inquiète plus que jamais et bien au-delà de l’Europe. À en croire certains, il y va de la paix et de la guerre pour tous.
Aussi est-il opportun de comprendre ce que dit Spinoza. Car ses propos sont obscurs. À dessein.
Spinoza veut qu’on soit déconcerté, afin qu’on cherche ce qu’il veut vraiment signifier. Il écrit ainsi parce qu’il est persuadé d’avoir à tenir des propos offensants. Offensants pour les Juifs, qu’il connaît bien puisqu’il est né parmi eux, mais surtout offensants pour les honnêtes gens.
Quand la vérité blesse au point qu’elle ne puisse se dire, le seul moyen pour celui qui ne veut pas se taire, c’est de passer par la fausseté. Le manifeste de Spinoza est un tissu de contrevérités. Elles sont destinées à éveiller l’attention. En les relevant et en les rectifiant une à une, le lecteur découvrira ce que doit être, selon Spinoza, la politique à mener à l’égard des Juifs. Il identifiera les événements et les raisons qui éclairent les choix de 1670.
Il mesurera à quel point ces choix anciens déterminent notre présent et notre avenir.
Au cours de mon enquête, j’ai décidé de me taire sur mes propres sentiments. J’admets qu’on puisse être choqué par ce que j’ai mis au jour.
Quelle politique peut-on faire quand on est un idiot ? Loin d'être saugrenue, c'est bien la question qu'on est conduit à se poser inévitablement en lisant l'oeuvre de Gilles Deleuze.
L'«idiot» joue, en effet, un rôle incontournable et essentiel dans la philosophie de Deleuze. Il est le personnage conceptuel qui fait tenir cette philosophie dans sa consistance propre. Il se situe à la charnière de l'image de la pensée - que le philosophe invoque et suppose plus ou moins implicitement - et de la création de concepts qu'il produit explicitement. Aussi, faire de la philosophie, tout comme agir et penser politiquement, c'est toujours une manière de faire l'idiot.
Les conséquences de cette approche sont capitales, du fait des questions posées à la réflexion politique classique centrée sur le Droit et l'État, du fait aussi des problématiques qui se voient invalidées dans ce champ. La place qui revient au contrôle et au bio-pouvoir, aux zones d'indétermination et aux espaces lisses, permet de prendre une saine distance vis-à-vis de la politique «majoritaire» et de faire apparaître, comme déjà de vieux clichés, bon nombre de thèmes et de concepts revendiqués par les organisations alternatives, mondialistes et subversives récentes.
C'est une tout autre idée de la politique, centrée sur les devenirs (et non sur l'avenir, non sur l'état des choses ou l'État), que nous invite à méditer la politique deleuzienne de l'idiot. Elle nous ouvre à d'autres espérances, nouvelles, en lien avec un «peuple absent» qui naîtrait (et mourrait) avec chaque devenir.
L'identité, dans les acceptions que ce terme revêt aujourd'hui, est une véritable énigme lexicale : elle désigne tout autant l'objet de contrôles sécuritaires policiers, un retour à la religion de ses parents, que, dans un guide touristique, la spécificité en voie de disparition d'un quartier.
Reprenons. « Qui suis-je ? », « Qui sommes-nous ? », ce sont là ce qu'on appelle précisément des « questions d'identité ». Nous comprenons spontanément de quoi il retourne parce que nous disposons d'un modèle : connaître l'identité de quelqu'un, c'est savoir comment il s'appelle.
Toutefois, lorsque la question de l'identité est posée à la première personne, mon intention n'est pas d'apprendre quels sont mes nom, prénoms et qualité, comme si je devais passer un « contrôle d'identité ». Que signifie le mot dès lors qu'il est utilisé avec le possessif (« mon identité », « notre identité ») et qu'il ne désigne pas l'énoncé d'un état civil ?
Jadis le mot voulait dire exclusivement qu'il n'y a qu'une seule et même chose là où on aurait pu penser qu'il y en avait deux. Or, depuis quelques dizaines d'années, le mot a revêtu une signification autre, à savoir qu'il y a une chose ou un être qui possèdent la vertu d'être singulièrement eux-mêmes.
Ainsi, que des guerres puissent éclater pour des questions qui ne relèvent pas strictement des intérêts matériels bien compris des antagonistes, nul ne saurait s'en étonner, sinon ceux qui nourrissent une conception utilitariste étriquée de l'être humain. En revanche, pourquoi est-ce le mot « identité » qui se trouve désormais chargé de signifier l'enjeu et l'objet de tels conflits ?
Tel est donc le point précis soulevé par Vincent Descombes : dans tout cela, que vient faire le mot « identité » ? Et que reste-t-il du concept d'identité ?
Les deux dialogues composant ce volume appartiennent à ce moment où, pour les auteurs, l'interrogation philosophique sur le politique croisait les faisceaux de questions mises en avant par la psychanalyse.
À la lumière de l'approche freudienne du phénomène politique, ce sont les conditions de possibilité de l'existence collective qui sont interrogées.
Dès lors qu'a pu être éloignée l'imposition d'une Figure (Dieu, Père, Chef, Peuple), comment et sur quoi étayer un être-ensemble capable d'échapper au délitement et à la panique ?
Si l'homme est bien « l'existant qui présente », alors il lui aura fallu inventer les outils et les formes de cette présentation : le langage, le dialogue, la représentation. Mais quels sont les enchaînements et les limites de ces formes ? Et comment le théâtre, qui les rassemble, peut-il, via l'espacement de la scène, ne pas les trahir ?
Ce sont ces questions qui trament les deux dialogues ici reproduits : Scène, qui fut publié en 1992 dans la Nouvelle revue de Psychanalyse, et Dialogue sur le dialogue, qui date de 2004 et qui en fut le prolongement.
Deux moments de haute intensité du travail en commun mené par les deux philosophes.
Les huit textes qui composent ce livre sont tous consacrés aux animaux.
La surprise et la joie qu'ils existent, les craintes envers une disparition qui semble hélas programmée pour beaucoup d'entre eux, ces motifs s'entremêlent à ceux du regard et du silence. Ce que dit et répète ce livre, c'est que les animaux, qui font rayonner l'existence hors des rets du langage, exercent pourtant envers nous la pression intimante d'un autre accès au sens. C'est ce sens éperdu, confondu au vivant, qui est poursuivi ici.