Wittgenstein

Wittgenstein
Collectif
Ed. Cerf

Philosophe génial et inclassable, Wittgenstein continue aujourd'hui encore à fasciner et, malgré la quantité considérable d'études qui lui ont été consacrées depuis un demi-siècle, son oeuvre et sa pensée conservent une part irréductible de mystère. Celui qui désirait rester dans l'histoire comme l'homme « qui a brûlé la bibliothèque d'Alexandrie » - c'est-à-dire qui a mis un terme à la « grande philosophie occidentale » -, comme il le confiera un jour dans un manuscrit, est d'abord un penseur acharné remettant sur le métier, jour après jour, avec une obstination confinant à l'obsession, les mêmes problèmes. Un philosophe sans concessions, refusant toute facilité et exerçant sur lui-même son impitoyable esprit critique.

Ce volume s'efforce de rendre compte des différentes facettes de son oeuvre en rassemblant des études rédigées à l'origine en différentes langues - pour les unes déjà classiques, pour les autres inédites -, et en laissant la place aux controverses exégétiques qui ont émaillé sa réception, à commencer par celle intervenue ces vingt dernières années entre les tenants du New Wittgenstein et les partisans de la lecture orthodoxe. Les contributeurs montrent l'actualité de Wittgenstein pour la philosophie en général, bien au-delà du cercle de ses disciples et par-delà le clivage, peu pertinent pour appréhender sa pensée, entre philosophie continentale et philosophie analytique.

Au jour le jour

Au jour le jour
Bollack Jean
Ed. PUF

Ces notes brèves, désignées par la lettre la plus énigmatique de l'alphabet, la lettre X, forment un «livre», et comme une somme personnelle. Cohérente et morcelée, elle n'entre pas forcément dans l'un des genres usuels, si ce n'est, d'assez loin, dans celui de l'Encyclopédie, dont les lumières brisées, et parfois rappelées, pourraient l'avoir inspirée. Les regroupements par thèmes conduisent d'un sujet à l'autre, d'«Allemagne» à «Vatican», de l'Antiquité à la modernité, d'Homère à Celan, de Sappho à Mallarmé, de l'herméneutique à la religion.

L'ensemble a l'allure d'un journal. L'auteur s'exprime, rapporte et juge, s'ouvrant à l'actualité et portant témoignage. Le but est de faire voir et de situer les problèmes qui nous occupent dans les domaines les plus éloignés et les plus proches. Il s'agit de prises de position, ou d'étonnements, suscités souvent par des événements ou des rencontres, et toujours accompagnés par un engagement résolu et partisan. Le compte rendu des médias est un aliment privilégié. Rendant compte d'un livre, il est à son tour recensé ; l'opinion se nourrit d'une opinion et prend le relais. L'intérêt se déclare, il reste subjectif. L'herméneutique, ou l'art du déchiffrement, est appliquée à toute la réalité politique et littéraire.

Lettre sur Derrida. Combats au-dessus du vide

Lettre sur Derrida. Combats au-dessus du vide
Faye Jean-Pierre
Ed. Germina

Cette lettre adressée à Benoît Peeters, auteur d'une biographie de Jacques Derrida, narre les étapes, au début des années 80, de la fondation d'un « Collège philosophique international », projet imaginé et lancé par Jean-Pierre Faye. Il deviendra le « Collège international de philosophie ». Il était intéressant de retracer le « timing » exact de ces moments où s'inscrit, comme second venu, le nom de Derrida - puis comme premier, quand il décide de prendre en main la destinée du Collège au cours de l'année 1982.

Cette histoire pourrait n'être que celle d'une soif du pouvoir qui tourne le dos à une amitié. Mais on peut trouver que ce choix du pouvoir entre en résonance avec les étranges et dangereux choix terminologiques et narratifs de l'auteur de la Grammatologie. Jean-Pierre Faye rappelle que la « déconstruction », l'Abbau de Heidegger, est issue d'un contexte où il s'agit de « regagner les expériences originaires de l'Être dans la métaphysique ». Ces expériences, au temps du Reich nazi, jaillissaient, pour Heidegger, de « la pensée de la race »...

Et Derrida a-t-il eu conscience de ce que sa déconstruction du « logocentrisme » empruntait à Ludwig Klages, l'un des plus célèbres fondateurs de la graphologie ? Le combat de ce dernier contre le logos fut chaudement approuvé par le « Docteur Goering », neveu du fameux maréchal, et « führer de la psychothérapie »...

Jusqu'à quel point Derrida comprit-il ce qu'avait de terrible et d'impensé sa volonté de « clôturer » la « métaphysique occidentale » ? Savait-il que le tournant qui amène Heidegger à condamner la métaphysique comme un équivalent du « nihilisme », venait de l'attaque portée contre lui par le recteur SS de Heidelberg, Ernst Krieck, lequel l'accusa, en l'an 34, d'être un « métaphysicien nihiliste », c'est-à-dire proche en l'esprit des « littérateurs juifs »...

Est-il permis d'ignorer les terribles contextes où s'enracinent des langages, et leurs effets de mort à travers l'Histoire ? La philosophie, n'est-elle pas, avant toute chose, ce langage qui garde mémoire de ses propres langages, de leurs migrations, de leurs effets sur l'Histoire ?

Le Nécessaire et l'universel. Analyse et critique de leur corrélation

Le Nécessaire et l'universel. Analyse et critique de leur corrélation
Halimi Brice
Ed. Vrin

Toute vérité universelle est-elle nécessaire ? Toute vérité nécessaire est-elle universelle ? De Kant à Tarski, la tradition philosophique a dans son ensemble admis, sans la discuter, l'existence d'une corrélation entre ces deux propriétés. L'objet de ce livre est de remettre en question ce présupposé et de contester que l'universalité et la nécessité soient des propriétés équivalentes de vérités, et même qu'elles soient des propriétés de vérités. Corrélés, l'universel et le nécessaire renvoient chacun à une totalité de possibles dont l'origine est inexpliquée. Pensés séparément, ils peuvent au contraire être compris dans leur genèse. L'universel s'éclaire à la lumière de l'idée de généricité, qui prévaut sur celle de totalité ; le nécessaire se définit, non plus par le fait d'être vrai dans tous les cas possibles, mais en référence à un possible qui apparaît n'être ni totalisable, ni réductible à un seul et même plan.

Sur la pensée passive de Descartes

Sur la pensée passive de Descartes
Marion Jean-Luc
Ed. PUF

Apres avoir parcouru la théorie de la connaissance cartésienne (Sur l'ontologie grise de Descartes, Vrin, 1975), reconstitué sa doctrine métaphysique du fondement (Sur la théologie blanche de Descartes, Puf, 1981) et articulé sa double onto-théo-logie (Sur le prisme métaphysique de Descartes, Puf, 1986), on entreprend ici de réintégrer dans ce développement les questions, encore obscures et souvent laissées à part de l'ensemble, de la morale et des passions. Cette intégration dépend de la découverte du mode passif de la cogitatio, tel qu'il apparaît dès la VIe Méditation, anticipant d'ailleurs sur le concept phénoménologique de chair (Husserl, Henry). C'est à partir de ce « corps mien », « meum corpus » que se déploient en toute cohérence une morale et une union substantielle de l'âme avec le corps qui livrent vraiment les derniers fruits de la métaphysique cartésienne.

Le propre de l'homme. Sur une légitimité menacée

Le propre de l'homme. Sur une légitimité menacée
Brague Rémi
Ed. Flammarion

Armes de destruction massive, pollution, extinction démographique : tout ce qui menace l'homme en tant qu'espèce vivante ne fait plus de doute. Mais il existe des facteurs qui viennent de l'homme lui-même, visant à saper son humanité propre. Ces facteurs ont beau être plus difficiles à saisir, c'est eux que Rémi Brague tâche de repérer à travers une analyse fulgurante et radicale de l'idée d'humanisme.

Car il ne s'agit plus de savoir comment nous pouvons promouvoir la valeur homme et ce qui est humain, en luttant contre toutes les figures de l'inhumain. Il s'agit désormais de savoir s'il faut vraiment promouvoir un tel humanisme. C'est l'humanisme lui-même qui est mis à mal. Ce phénomène récent, Rémi Brague en aperçoit des signes avant-coureurs dans trois oeuvres majeures du XXe siècle, celle du poète russe Alexandre Blok, qui écrivait à l'ère de la révolution d'Octobre, et, plus près de nous, celles des philosophes Michel Foucault et Hans Blumenberg.

Nous ne pouvons plus nous bercer d'illusions. Il est facile de prêcher un humanisme réduit aux règles du vivre-ensemble, mais comment le fonder ? La pensée moderne est à court d'arguments pour justifier l'existence même des hommes. En cherchant à bâtir sur son propre sol, à l'exclusion de tout ce qui transcende l'humain, nature ou Dieu, elle se prive de son point d'Archimède. Est-ce une façon de dire que le projet athée des temps modernes a échoué ? C'est au lecteur d'en juger.

Qu'est-ce qu'un peuple ?

Qu'est-ce qu'un peuple ?
Collectif
Ed. La Fabrique

Peuple, un mot qui implique la disparition de l'État existant ? Populaire, un adjectif à travers lequel les dominés acceptent les conditions les plus défavorables à leur propre langage ? « Nous, le peuple », un énoncé performatif par lequel se constituent en peuple les corps réunis dans la rue ? Non pas un peuple, mais des peuples coexistants ? Des rapports de force, une histoire de rapports de force ? Et le populisme, une figure construite sur l'alliage d'une capacité - la puissance brute du grand nombre - et d'une incapacité - l'ignorance attribuée à ce même grand nombre ? Alain Badiou, Pierre Bourdieu, Judith Butler, Georges Didi-Huberman, Sadri Khiari et Jacques Rancière éclairent dans ce livre quelques-unes des facettes de peuple. Approches diverses, on s'en doute, mais qui ont un point commun malgré la polysémie du mot et la polyvalence de la notion : situer peuple sans hésiter du côté de l'émancipation.

Robespierre. Une politique de la philosophie

Robespierre. Une politique de la philosophie
Labica Georges
Ed. La Fabrique

Robespierre n'a pas écrit sur la Révolution : il l'a vécue, il a été emporté par son mouvement et lui a sacrifié son existence. Sa pensée politique - c'est là son originalité - est, comme l'explique Labica, pensée de l'inédit, produite au moment où elle se joue. Une politique de la philosophie donc, ou quand les actes sont immédiatement responsables devant les principes, et vice versa. Car Robespierre fut aussi un pragmatique : attentif aux rapports de force, parfois bousculé par les événements, il a cherché, inlassablement, le parti du peuple, de la démocratie et de l'égalité. Préserver et continuer la Révolution envers et contre tout, c'est l'exigence qui maintient la cohérence de son action et de ses prises de position sur la guerre, la mort du roi, la religion... Quand il est question de Robespierre, les jugements passionnels l'emportent souvent sur la rigueur et l'honnêteté. Écrit dans la tourmente du Bicentenaire, ce livre nous rappelle qu'il fut, avant tout, un homme de son temps. Temps révolutionnaire qui exigeait il est vrai «le courage de la pensée». De là la «dignité philosophique» de Maximilien Robespierre, de là aussi l'infirmité de nombre de ses détracteurs, passés et actuels.

Montaigne. La réflexion à l'essai

Montaigne. La réflexion à l'essai
Lobet Bernard
Ed. Ousia

Le rejet des systèmes et l'absence de concept nouveau ne sont pas des raisons suffisantes pour écarter l'auteur des Essais de toute considération philosophique. Michel de Montaigne est indissociablement écrivain et philosophe. Son style épouse les inflexions de sa pensées et capte fidèlement les moindres agitations de son esprit. S'il décide de coucher ses réflexions sur le papier pendant une vingtaine d'années, c'est pour essayer son jugement, le mettre à distance critique, le confronter à ceux des Anciens, mais aussi pour se libérer des préjugés et des dogmes, quelle que soit l'autorité qui les formule. Quant à l'unité de sa pensée, elle réside en lui-même : son corps et son esprit sont les seuls sujets de ses investigations.
L'essai, avant d'être un genre littéraire qui ne doit plus grand-chose à son pionnier, fut une forme idiosyncrasique d'expression réflexice et interrogative. Dans les Essais, Montaigne se tend le miroir de l'écriture dans l'espoir de trouver une sagesse à la mesure des possibilités humaines. Et il nous demande : 'Avez-vous su méditer et manier votre vie ?'

 

L'Etat nous rend-il meilleurs ?

L'Etat nous rend-il meilleurs ?
Ogien Ruwen
Ed. Folio/Gallimard

Essai sur la liberté politique

Comment conjuguer la justice sociale et les libertés individuelles ? La pensée conservatrice et sa vision moraliste des urgences politiques triomphent désormais sans complexe dans tous les camps politiques et dans l'action de l'État, quelle que soit la couleur des gouvernements.

Le problème principal de nos sociétés ne serait pas d'améliorer la condition économique des plus défavorisés, de mieux protéger les droits et les libertés de chacun, de réduire les inégalités de richesse et de pouvoir. Non.

Ce qui préoccupe la pensée conservatrice, c'est l'effondrement d'un certain ordre moral fondé sur le goût de l'effort, le sens de la hiérarchie, le respect de la discipline, le contrôle des désirs, la fidélité aux traditions, l'identification à la communauté nationale et la valorisation de la famille « naturelle » et hétérosexuelle. Philosophe, Ruwen Ogien montre que nous avons des raisons philosophiques de résister à cette pensée et de lui préférer des idéaux politiques égalitaire et libertaire. Car ces idéaux sont plus en harmonie avec la conception de la liberté politique qui paraît la plus juste - ce qu'on appelle en philosophie la liberté négative.

D'après elle, être libre n'est rien d'autre et rien de plus que le fait de ne pas être soumis à la volonté d'autrui.

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