Un peuple de philosophes. Aux origines de la condition juive

Un peuple de philosophes. Aux origines de la condition juive
Mélèze-Modrzejewski Joseph
Ed. Fayard
Ce livre est l'oeuvre d'un immense érudit et d'un découvreur. Il nous parle de l'identité juive en parcourant le dédale des formes institutionnelles sur près d'un millénaire : entre le IVe siècle avant notre ère, époque de l'expansion grecque par les conquêtes d'Alexandre, et le VIe siècle de notre ère, marqué par la grande codification juridique de l'empereur romain chrétien Justinien, à Byzance.
Cet ouvrage offert à un large public éclaire d'un jour nouveau la formation d'antijudaïsmes successifs depuis l'Antiquité gréco-latine et par-delà l'avènement politique du christianisme. Il ne s'agit pas seulement d'un retour aux sources d'un destin, mais aussi d'une réflexion sur une altercation touchant au fonds civilisationnel gréco-romano-chrétien de l'Occident et structurant le cadre à l'intérieur duquel s'est déployé l'ordre normatif européen.
Historien des écritures juives et du droit romain, instruit des courants philosophiques et théologiques, entraîné à l'exégèse des papyrus comme des textes juridiques savants, Joseph Mélèze Modrzejewski s'adresse aux milieux non spécialisés et tout autant aux chercheurs. Des casuistiques et des controverses antiques fort délicates sont ici rendues vivantes et captivantes par un juriste qui est aussi un narrateur. Ainsi prend forme la remontée aux origines de la condition juive à travers un faisceau de questions constitutives : le statut politique, la circoncision (traitée par la tradition romaine comme une mutilation), le passage de la patrilinéarité à la matrilinéarité dans la filiation, etc.
Dans un champ d'études - l'histoire du droit - longtemps entouré de murailles, le livre de Joseph Mélèze Modrzejewski est la démonstration de ce que l'érudition de pointe associée à la liberté d'esprit peut apporter de plus précieux à la culture contemporaine : conquérir sa propre vérité. Sur cette base seulement peuvent se nouer des dialogues qui ne soient pas de façade.

La fabrication de l'ennemi ou Comment tuer avec sa conscience pour soi

La fabrication de l'ennemi ou Comment tuer avec sa conscience pour soi
Conesa Pierre
Ed. Grasset

«Nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d'ennemi !» avait prédit en 1989 Arbatov, conseiller diplomatique de Gorbatchev. L'ennemi soviétique avait toutes les qualités d'un «bon» ennemi : solide, constant, cohérent. Sa disparition a en effet entamé la cohésion de l'Occident et rendu plus vaine sa puissance.
L'ennemi est-il une nécessité ? Il est très utile en tout cas pour souder une nation, asseoir sa puissance et occuper son secteur militaro-industriel. C'est pourquoi les États, les services de renseignements, les think tanks stratégiques et autres faiseurs d'opinion «fabriquent» consciencieusement de l'ennemi, qu'il soit rival planétaire (Chine), ennemi proche (Inde-Pakistan), ennemi intime (Rwanda), Mal absolu, ennemi conceptuel ou médiatique.
Certains ennemis sont bien réels, d'autres, cependant, analysés avec le recul du temps, se révèlent étonnamment artificiels. Conséquence : si l'ennemi est une construction, pour le vaincre, il faut non pas le battre, mais le déconstruire. Il s'agit moins au final d'une affaire militaire que d'une question politique.

La lecture insistante. Autour de Jean Bollack

La lecture insistante. Autour de Jean Bollack
Colloque de Cerisy
Ed. Albin Michel
Dans un temps où l'avenir de l'objet littéraire est devenu plus incertain que jamais, on est amené à se demander s'il existe des moyens adéquats et justes de traiter la matière écrite qui nous est parvenue.
Les textes rassemblés dans ce volume, fruit d'une rencontre qui n'est ni fortuite ni convenue entre des chercheurs de disciplines diverses, témoignent d'une convergence de méthode. Il s'agit de l'herméneutique critique que Jean Bollack a été l'un des premiers à mettre en oeuvre dans le domaine de la philosophie antique. Contrairement à la lecture contextualiste, qui explique les oeuvres par les références aux réalités historiques, contrairement à une lecture structuraliste, qui n'interprète qu'en fonction d'un système textuel coupé de ses enracinements historiques, l'herméneutique critique cherche à montrer comment les oeuvres sont à la fois sources de sens et témoignages d'une histoire culturelle qu'elles permettent, en retour, de mieux comprendre.
Brisant l'écran des lectures convenues et repoussant les frontières que l'usage a imposées, cette méthode permet au lecteur de revisiter des textes souvent très connus - la Genèse, Homère, le Coran, Pétrarque, Rilke, Rimbaud, notamment - sous un angle qui en rénove la réception.
S'il est vrai que c'est au prix d'une lecture «insistante», transcendant l'immédiateté du sens apparent, que l'on accède aux multiples facettes d'un texte, il n'est pas étonnant que cette exploration s'ouvre aussi bien à la philologie, l'histoire, la psychanalyse, la linguistique qu'à la rhétorique.

Perspectives démocratiques

Perspectives démocratiques
Whitman Walt
Ed. Belin
Walt Whitman (1819-1892) est le premier de la lignée des poètes qui ont tenté de donner à l'Amérique son épopée, avec Feuilles d'herbe, poème de l'individu libre s'identifiant à l'espace ouvert du pays, et fier d'appartenir à une communauté conquérante. Dans le même temps, il plaidait, de façon argumentée, pour les idéaux dont il estimait porteurs les États-Unis.
Le texte des Perspectives démocratiques a été rédigé après l'assassinat de Lincoln, dans les années de la Reconstruction, et publié en 1876, sous sa forme définitive.
Whitman voit la démocratie américaine non comme une donnée, mais comme un processus à faire entrer dans les faits : « Démocratie est un mot dont l'essentiel de la réalité est encore en sommeil... ». Comment concilier la nécessaire liberté de l'individu-citoyen avec son appartenance à la nation ? Comment former les corps et les esprits de façon que l'idéal démocratique devienne la référence du monde ? Comment suivre les modèles « féodaux » de l'Ancien Monde sans en reproduire la copie servile ? Le poète se fait idéologue ; en montrant la voie pour la formation de l'avenir, il est amené à esquisser le profil du « Lettré » qu'il appelle de ses voeux.

Ethica sexualis. Spinoza et l'amour

Ethica sexualis. Spinoza et l'amour
Pautrat Bernard
Ed. Payot

Qu'est-ce que l'amour ? qu'est-ce que faire l'amour ? est-ce bon ou est-ce mauvais ? pourquoi ? Comment régler sa sexualité ? Existe-t-il un bon objet d'amour ? si oui, lequel ? pourquoi ? À ces questions, qui s'imposent à toute réflexion éthique, le présent ouvrage cherche des réponses dans la monumentale Éthique de Spinoza. On y apprend, guidé par les « mathématiques sévères », ce que sont libido et coït, et en quoi consiste une histoire d'amour. La raison en démontre les risques, et enseigne comment passer de l'amour ordinaire au seul qui vaille vraiment, l'amour envers Dieu autrement dit la Nature. Et, chemin faisant, on comprend que la raison et Spinoza n'enseignent pas seulement à en finir avec les passions tristes, ce à quoi chacun applaudit, mais également et peut-être surtout, avec les passions joyeuses, avec toutes ces amours téméraires qui nourrissent nos existences et les illuminent d'une joie douteuse. Tout à la fois « géométrie de l'Amour » et « roman d'amour », ce livre n'est, en somme, que l'union légitime de l'Éthique et du courrier du coeur.

Description de l'homme

Description de l'homme
Blumenberg Hans
Ed. Cerf
Inlassablement Blumenberg explore la genèse de la phénoménologie, sa progression et sa consolidation. Ce travail est mis au service des acquis de la phénoménologie, pour l'enrichir et la rendre fructueuse. Même ses apories sont exploitées à son profit, mais jamais au profit de «cette forme dégradée de la phénoménologie qui se nomme 'ontologie fondamentale'». Le but de ces analyses est de montrer que l'interdit d'anthropologie qu'a édicté Husserl va à l'encontre même de son projet. C'est une contingence primordiale qui nécessite la recherche d'une anthropologie : l'absence de rapport entre l'eidos Moi avec l'eidos Homo sapiens. Il faut que soit pris en compte l'homme qui souffre, qui se cherche, s'interroge, se cultive, édifie des systèmes philosophiques et invente les sciences exactes, qui veut réussir sa vie et qui peut la rater ; l'homme qui a besoin de consolation, même si ce besoin est impossible à combler. C'est là comme un lieu vide qu'il revient à l'anthropologie d'investir. Ne subsiste alors que cette reformulation de la question de Kant : «Comment l'homme est-il seulement capable d'exister ?» Il l'est parce qu'il voit et, ce faisant, sait qu'il peut être vu. Voilà toute la dignité de la théorie. Pour autant, l'homme n'est jamais transparent, ni à lui-même ni aux autres. Avec la «description de l'homme», la phénoménologie s'est pleinement approprié les conditions de sa propre possibilité. «Ce qui allait de soi ne va plus autant de soi qu'avant.» D. T.

L'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine et autres questions de philosophie morale expérimentale

L'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine et autres questions de philosophie morale expérimentale
Ogien Ruwen
Ed. Grasset
Vous trouverez dans ce livre des histoires de criminels invisibles, de canots de sauvetage  qui risquent de couler si on ne sacrifie pas un passager, des machines à donner du plaisir que personne n'a envie d'utiliser, de tramways fous qu'il faut arrêter par n'importe quel moyen, y compris en jetant un gros homme sur la voie.
Vous y lirez des récits d'expériences montrant qu'il faut peu de choses pour se comporter comme un monstre, et d'autres expériences prouvant qu'il faut encore moins de choses pour se comporter quasiment comme un saint : une pièce de monnaie qu'on trouve dans la rue par hasard, une bonne odeur de croissants chauds qu'on respire en passant.
Vous y serez confrontés à des casse-tête moraux. Est-il cohérent de dire : 'ma vie est digne d'être vécue, mais j'aurais préféré de ne pas naître' ? Est-il acceptable de laisser mourir une personne pour transplanter ses organes sur cinq malades qui en ont un besoin vital ? Vaut-il mieux vivre la vie brève et médiocre d'un poulet d'élevage industriel ou ne pas vivre du tout ?
Cependant, le but de ce livre n'est pas de montrer qu'il est difficile de savoir ce qui est bien ou mal, juste ou injuste. Il est de proposer une sorte de boîte à outils intellectuels pour affronter le débat moral sans se laisser intimider par les grands mots ('Dignité', 'vertu', 'Devoir', etc.), et les grandes déclarations de principe ('Il ne faut jamais traiter une personne comme un simple moyen', etc.).
C'est une invitation à faire de la philosophie morale autrement, à penser l'éthique librement.

La Société contre l'Etat

La Société contre l'Etat
Clastres Pierre
Ed. Minuit/Reprise

« Quand, dans la société primitive, l'économique se laisse repérer comme champ autonome et défini, quand l'activité de production devient travail aliéné, comptabilisé et imposé par ceux qui vont jouir des fruits de ce travail, c'est que la société n'est plus primitive, c'est qu'elle est devenue une société divisée en dominants et dominés, en maîtres et sujets, c'est qu'elle a cessé d'exorciser ce qui est destiné à la tuer : le pouvoir et le respect du pouvoir. La division majeure de la société, celle qui fonde toutes les autres, y compris sans doute la division du travail, c'est la nouvelle disposition verticale entre la base et le sommet, c'est la grande coupure politique entre détenteurs de la force, qu'elle soit guerrière ou religieuse, et assujettis à cette force. La relation politique de pouvoir précède et fonde la relation économique d'exploitation. Avant d'être économique, l'aliénation est politique, le pouvoir est avant le travail, l'économique est une dérive du politique, l'émergence de l'État détermine l'apparition des classes. »
P.C.

Autour d'Alain Badiou

Autour d'Alain Badiou
Collectif
Ed. Germina

Ce livre présente les contributions aux « Journées Alain Badiou » qui se sont déroulées à Paris les 22, 23 et 24 octobre 2010. L'événement a permis la rencontre des paroles et des types de discours les plus divers autour d'Alain Badiou et de son oeuvre. Celle-ci fut analysée et discutée du point de vue de ses dimensions philosophique, logique, mathématique, politique, romanesque, théâtrale, poétique, linguistique, biographique... Le philosophe y prononça sa belle conférence « La relation énigmatique entre philosophie et politique ».

Le savoir grec. Dictionnaire critique

Le savoir grec. Dictionnaire critique
Collectif
Ed. Flammarion

L'immense aventure du savoir grec est encore aujourd'hui la source essentielle à laquelle puise et revient sans cesse notre civilisation. L'ambition de ce livre, élaboré par les plus éminents spécialistes de l'Antiquité et traduit en plusieurs langues depuis sa parution initiale, est de mesurer ce que les Grecs savaient, ce qu'ils croyaient savoir, ce qu'ils ont inventé ; d'analyser le regard qu'ils ont porté sur leur civilisation et sur leurs propres entreprises intellectuelles. Il y est ainsi moins question de leur histoire que de leurs historiens, de leur poésie que de leur poétique, de leur musique que de leur harmonique, car l'originalité des Grecs n'est pas tant d'avoir su beaucoup de choses que d'avoir exigé d'eux-mêmes de savoir ce qu'ils savaient, ce qu'ils disaient, ce qu'ils faisaient, ce qu'ils voulaient...

Revue et augmentée, cette nouvelle édition comprend :

* plusieurs dizaines de contributions, réalisées par une équipe internationale de chercheurs ;
* des articles inédits sur les mathématiques hellénistiques, les commentateurs grecs de Platon et d'Aristote, la lecture des textes grecs par les Arabes ou encore la relation privilégiée entre la Grèce et Rome...
* des bibliographies mises à jour ;
* deux index.

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