La Docte Ignorance est un texte majeur. OEuvre d'un penseur profond et doté d'une singulière puissance spéculative, elle représente un moment important de l'histoire de la philosophie en raison de son caractère innovant et de l'influence déterminante qu'elle a exercée.
Nicolas de Cues (1401-1464) est le dernier des médiévaux et le premier des modernes. Dans son introduction, Hervé Pasqua montre ce que son oeuvre doit à la pensée de Maître Eckhart, (1260-1328) dont elle fait passer les thèses dans la modernité.
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«L'homme moderne s'est déjà dépersonnalisé si profondément qu'il n'est plus assez homme pour tenir tête à ses machines. L'homme primitif, faisant fond sur la puissance de la magie, avait confiance en sa capacité de diriger les forces naturelles et de les maîtriser. L'homme posthistorique, disposant des immenses ressources de la science, a si peu confiance en lui qu'il est prêt à accepter son propre remplacement, sa propre extinction, plutôt que d'avoir à arrêter les machines ou même seulement à les faire tourner à moindre régime. En érigeant en absolus les connaissances scientifiques et les inventions techniques, il a transformé la puissance matérielle en impuissance humaine : il préférera commettre un suicide universel en accélérant le cours de l'investigation scientifique plutôt que de sauver l'espèce humaine en le ralentissant, ne serait-ce que temporairement.
Jamais auparavant l'homme n'a été aussi affranchi des contraintes imposées par la nature, mais jamais non plus il n'a été davantage victime de sa propre incapacité à développer dans leur plénitude ses traits spécifiquement humains ; dans une certaine mesure, comme je l'ai déjà suggéré, il a perdu le secret de son humanisation. Le stade extrême du rationalisme posthistorique, nous pouvons le prédire avec certitude, poussera plus loin un paradoxe déjà visible : non seulement la vie elle-même échappe d'autant plus à la maîtrise de l'homme que les moyens de vivre deviennent automatiques, mais encore le produit ultime - l'homme lui-même - deviendra d'autant plus irrationnel que les méthodes de production se rationaliseront.
En bref, le pouvoir et l'ordre, poussés à leur comble, se renversent en leur contraire : désorganisation, violence, aberration mentale, chaos subjectif.»
«L'homme posthistorique»
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Le cours que Michel Foucault prononce en 1983 au Collège de France inaugure une recherche sur la notion de parrêsia. Ce faisant, Michel Foucault poursuit son travail de relecture de la philosophie antique. À travers l'étude de cette notion (le dire-vrai, le franc-parler), Foucault réinterroge la citoyenneté grecque, en montrant comment le courage de la vérité constitue le fondement éthique oublié de la démocratie athénienne. Il décrit encore la manière dont, avec la décadence des cités, le courage de la vérité se transforme et devient une adresse personnelle à l'âme du Prince, donnant de la septième lettre de Platon une lecture neuve. De nombreux topoi de la philosophie antique se trouvent revisités : la figure platonicienne du philosophe-roi, la condamnation de l'écriture, le refus par Socrate de l'engagement.
Dans ce cours, Foucault construit une figure du philosophe, en laquelle il se reconnaît : en relisant les penseurs grecs, c'est sa propre inscription dans la modernité philosophique qu'il assure, c'est sa propre fonction qu'il problématise, c'est son mode de penser et d'être qu'il définit.
«La philosophie moderne, c'est une pratique qui fait, dans son rapport à la politique, l'épreuve de sa réalité. C'est une pratique qui trouve, dans la critique de l'illusion, du leurre, de la tromperie, de la flatterie, sa fonction de vérité. C'est enfin une pratique qui trouve dans la transformation du sujet par lui-même et du sujet par l'autre [son objet d']exercice de sa pratique. La philosophie comme extériorité par rapport à une politique qui en constitue l'épreuve de réalité, la philosophie comme critique par rapport à un domaine d'illusion qui la met au défi de se constituer comme discours vrai, la philosophie comme ascèse, c'est-à-dire comme constitution du sujet par lui-même, c'est cela qui constitue l'être moderne de la philosophie.»
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« Les rapports de la pensée critique et de la réflexion anthropologique seront étudiés dans un ouvrage ultérieur ». C'est sur cette phrase que s'achevait la brève « Notice historique » que Michel Foucault avait placé en tête de l'édition de sa traduction de l'Anthropologie de Kant (Vrin, 1964). La note annonçait sans aucun doute l'ouvrage à venir, d'abord caractérisé, dès 1963, comme « le livre sur les signes », et qui paraîtra en avril 1966 : Les mots et les choses, une archéologie des sciences humaines.
En réalité, la courte notice historique, de trois pages, en ouverture de la traduction du texte de Kant ne proposait qu'un extrait fort réduit de ce qui avait constitué l'élément principal de la Thèse complémentaire soutenue en Sorbonne le 20 mai 1961 : Introduction à l'anthropologie de Kant, et dont Jean Hyppolite était le rapporteur. Si la thèse complémentaire, intitulée Genèse et structure de l'anthropologie de Kant, était restée inédite (à l'exception de la traduction de Kant), ce n'est pas que Foucault en eût été insatisfait : suivant les conseils des membres du jury, il allait bientôt, dès l'automne 1963, en faire le matériau central de son grand livre à venir.
D'où l'intérêt considérable de la présente édition qui donne pour la première fois l'Introduction complète, Genèse et structure de l'anthropologie de Kant, et qui permet ainsi au lecteur d'entrer dans l'atelier d'un penseur dont l'oeuvre entier aura été nourri par un débat critique avec Kant : qu'est-ce que l'homme ?
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Interventions éparses sur la critique sociale et l'interprétation de l'histoire, agrémentées d'observations sur l'art de lire et d'autres matières, tant curieuses qu'utiles
Les textes ici rassemblés ont été écrits en diverses occasions mais affrontent tous, sous différentes facettes, un même problème : le caractère dogmatique et figé de certaines théorisations, en vigueur dans la critique sociale ou utilisées par celle-ci, joint à une tenace propension à perpétuer des schémas éculés en matière historique. Le choix des auteurs et des écrits commentés est parfois délibéré, parfois circonstanciel ; mais dans tous les cas, la méthode d'analyse et le style de l'argumentation n'ont pas moins d'importance que les sujets traités.
On trouvera donc dans ce volume : I. D'or et de sable : dispute autour d'un chaudron - II. Fantôme, es-tu-là ? (correspondance avec Anselm Jappe) - III. La Mesure de la réalité, ou la Grande Transformation racontée aux golden boys - IV. Magie et mathématiques chez John Dee - V. Longévité d'une imposture : Michel Foucault - VI. «Je veux être une machine» : genèse de la musique industrielle.
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Les postmodernes ont érigé la littérature en une sorte de genre suprême, dont la philosophie et la science ne seraient que des espèces. Chacune des trois disciplines aurait aussi peu de rapport avec la vérité que les autres ; chacune se préoccuperait uniquement d'inventer de bonnes histoires, que nous honorons parfois du titre de «vérités» uniquement pour signifier qu'elles nous aident à résoudre les problèmes que nous avons avec le monde et avec les autres hommes.
Une des conséquences les plus remarquables de cette conception a été de détourner l'attention de la question cruciale : pourquoi avons-nous besoin de la littérature, en plus de la science et de la philosophie, pour nous aider à résoudre certains de nos problèmes ? Et qu'est-ce qui fait exactement la spécificité de la littérature, considérée comme une voie d'accès, qui ne pourrait être remplacée par aucune autre, à la connaissance et à la vérité ?
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Le changement climatique est le principal défi pour le développement humain du XXIe siècle. Notre incapacité à relever ce défi pourrait anéantir les efforts internationaux de lutte contre la pauvreté. Bien qu'ils aient le moins contribué au problème, les pays et les populations les plus pauvres seront les premiers et les plus sérieusement touchés. À plus long terme, aucun pays ne sera épargné, aussi riche et puissant soit-il.
Le Rapport mondial sur le développement humain 2007/2008 montre que le changement climatique n'est pas seulement un scénario futur. L'exposition croissante aux sécheresses, aux inondations et aux tempêtes ruine déjà les perspectives d'avenir de nombreux pays et renforce l'inégalité. En attendant, il est maintenant scientifiquement prouvé que nous nous rapprochons du point auquel une catastrophe écologique irréversible deviendra inévitable. L'indifférence face au changement climatique pointe en effet dans une direction claire : un basculement sans précédent du développement humain pour nous et des risques élevés pour nos enfants et nos petits-enfants.
Nous avons encore la possibilité d'éviter les conséquences les plus catastrophiques du changement climatique, mais plus pour longtemps : le monde a moins de dix ans pour changer de direction. Les mesures que nous allons prendre ou non dans les années qui viennent auront un impact profond sur l'avenir du développement humain. Le monde ne manque ni de ressources financières, ni de capacités technologiques pour agir. Il manque seulement d'un sentiment d'urgence, de solidarité humaine et d'un intérêt commun.
Comme l'explique le Rapport mondial sur le développement humain 2007/2008, le changement climatique représente un défi à plusieurs niveaux. Dans un monde divisé mais écologiquement interdépendant, il nous oblige à réfléchir à la manière de mieux gérer la seule chose que nous ayons tous en commun : la Terre. Il nous oblige à repenser la justice sociale et les droits de l'homme à travers les pays et les générations. Il oblige les responsables politiques et les citoyens des pays riches à reconnaître leur responsabilité historique vis-à-vis du problème et à réduire rapidement et radicalement leurs émissions de gaz à effets de serre. Il oblige enfin et surtout la communauté humaine dans son ensemble à prendre rapidement des mesures collectives efficaces basées sur des valeurs communes et une vision partagée.
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Le biopouvoir que Michel Foucault s'est si puissamment attaché à décrire n'est plus ce qui trame notre époque : l'enjeu est désormais le psychopouvoir, où il s'agit moins d'«utiliser la population» pour la production que de la constituer en marchés pour la consommation.
Foucault décrit la genèse de l'État s'acheminant vers la révolution industrielle avec la conquête du pouvoir par la bourgeoisie et les conditions de formation du capitalisme typique du XIXe siècle, tel que l'aura analysé Marx, où la première préoccupation est la production. Or, la seconde moitié du XXe siècle rencontre de tout autres questions : il s'agit d'organiser la révolution des modes d'existence humains, voire leur liquidation, comme modes de consommation éliminant les savoir-vivre dans ce qui devient une économie industrielle de services dont les industries de programmes sont la base. La science de cette nouvelle mobilisation totale est moins la cybernétique, comme le croyait Heidegger, que le marketing.
Le psychopouvoir apparaît de nos jours pour ce qu'il est : ce qui fait des enfants les prescripteurs de leurs parents, et de ces parents, de grands enfants - le marketing détruisant ainsi tout système de soin et, en particulier, les circuits intergénérationnels. Il en résulte une destruction systématique de l'appareil psychique juvénile.
Les psychotechnologies monopolisées par le psychopouvoir sont des cas de ce que Platon, critiquant l'usage de l'écriture par les sophistes, appelait un pharmakon : un poison qui peut aussi être un remède. Au début du XXIe siècle, la reconstitution d'un système de soin exige de renverser la logique du psychopouvoir pour mettre en oeuvre une politique de l'esprit. Cela requiert l'élaboration d'une pharmacologie qui analyse les caractéristiques des psychotechnologies contemporaines et d'une thérapeutique qui les mette au service d'un nouveau système de soin.
C'est grâce à Jean Beaufret que j'ai pu entendre. Sans lui, je n'aurais sans doute pas été capable de porter attention au propos de Heidegger : il est au premier abord presque inaudible, tant ce qui y est dit demande qu'on ouvre grand les oreilles. Le renom du philosophe ne vient pas faciliter les choses. La gloire elle aussi est faite de malentendus.
Dissiper les malentendus est une entreprise fastidieuse : rien n'est plus obtus qu'un homme qui ne veut rien entendre. Le présent livre ne se propose donc pas ce but. Il lui suffit amplement de mettre autant que possible les lecteurs au contact de ce que montre Heidegger, cette contrée si proche, mais que nous avons les plus grandes peines du monde à percevoir, et où tant de richesses dorment à notre insu.
Les textes ici rassemblés, dont la moitié sont inédits, ont été écrits de 1983 à 2007.
Mon souhait le plus cher est que ce livre puisse donner envie d'écouter : un peu comme lors de ces instants d'attente joyeuse - quand, une fois le la donné à l'orchestre, chaque instrument se met pour lui-même à s'accorder dans sa tessiture, au milieu d'un brouhaha croissant, jusqu'à ce que s'installe soudain le silence où le concert peut commencer. François Fédier, décembre 2007
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Sous le pouvoir à peine conquis des Abbassides, Bagdad, entre le VIIIe et le Xe siècle, est le lieu d'un formidable éveil de la pensée philosophique et scientifique. Cet essor de la vie intellectuelle s'accompagne d'un vaste mouvement de traduction des textes grecs anciens. Que traduit-on ? Toutes les disciplines scientifiques - de l'astrologie, de la médecine, de l'astronomie, des mathématiques... et même des manuels d'art militaire -, puis de la philosophie, notamment Aristote. Tout un corpus se constitue - de traductions, fidèles ou paraphrastiques, en commentaires, de compilations en oeuvres propres -, qui deviendra la base de la pensée arabe classique et une source capitale de notre accès à l'Antiquité grecque.
L'originalité de Dimitri Gutas est d'analyser les facteurs sociopolitiques et surtout idéologiques qui ont permis ce grand mouvement culturel ; il corrige l'idée selon laquelle ces traductions auraient été faites en vertu d'une sorte de goût altruiste pour la culture. Il montre qu'elles émanent en réalité de la demande de l'État et plus généralement de la société, puisque leurs commanditaires sont les califes et aussi des marchands, des propriétaires terriens, des Arabes et des non-Arabes, des musulmans et des non-musulmans... Enfin, Dimitri Gutas décrit l'influence de cette grande entreprise de traduction sur cet autre renouveau intellectuel qu'on a appelé le «premier humanisme byzantin».
Salué, lors de sa parution en langue anglaise en 1998, par une critique unanime, ce livre est un classique des études sur les rapports entre l'Antiquité grecque et le monde arabe.