Ce livre examine chez les Anciens, chez les Allemands depuis Kant jusqu’à Husserl, Heidegger et leurs élèves, et aussi chez les Français qui se réclamèrent de la phénoménologie, la manière dont les penseurs interprètent les œuvres poétiques, artistiques et philosophiques qui les interpellent. Cet examen vise à mettre en lumière les enjeux de telle ou telle manière d’interpréter, autrement dit de telle ou telle pratique herméneutique, considérée dans ce qu’elle reprend à son compte, dans ce qu’elle sélectionne, dans ce qu’elle majore et dans ce qu’elle néglige ou rejette.
Il s’avère à l’analyse que ces enjeux ont une charge éthique et politique importante. En effet, le livre montre que, depuis La République de Platon et sa parabole de la Caverne jusqu’au mouvement phénoménologique, l’herméneutique dans son exercice et sa conception est partagée entre deux pôles. Dans l’un, l’interprète s’attribue le privilège d’une vue ultime à laquelle le commun des humains ne peut accéder, dans l’autre l’interprète refuse ce privilège et s’assigne pour tâche de se mettre autant que possible à l’écoute d’autrui.
Par le titre de son ouvrage, l’auteur entend suggérer que cette polarité entre la figure du philosophe-roi et celle du philosophe-citoyen se reproduit sous des guises diverses au fil des siècles.
Qu’est-ce que la sémiotique peut apporter à l’ensemble déjà imposant des lectures, des interprétations et des commentaires que, depuis le début du XVe siècle, l’Icône de la Trinité d’Andrei Roublev — une des œuvres les plus fameuses de l’art byzantin — a suscités ?
À cette question, Jean-Marie Floch (1947-2001) a tenté de répondre en s’attachant à ce « texte visuel » pendant près d’une vingtaine d’années, et en laissant de cette longue fréquentation un épais dossier de notes, de réflexions et d’analyses. Son objectif déclaré était de parvenir à embrasser, dans une perspective à la fois complète et structurée, les diverses lectures suscitées par cette icône, et ce, grâce à la solidité des outils de la sémiotique visuelle dont il était l’un des plus grands spécialistes.
Deux approches souvent négligées par les commentateurs se trouvaient ainsi mises en valeur. L’approche proprement plastique tout d’abord, dégagée de toute figurativité, et par laquelle — déjà — un sens fondamental se fait jour. L’approche énonciative ensuite, faisant du spectateur un « quatrième personnage », directement concerné par le mouvement plastique de l’œuvre, dont l’observation — la contemplation — est alors à envisager comme une « pratique ».
Ce travail, il fallait le publier. C’est l’objet de cet ouvrage, dans lequel Jérôme Collin, après avoir effectué une classification complète des documents disponibles, construit un parcours analytique ordonné, où sont déployées les différentes lectures (plastiques, figuratives, culturelles, iconiques) permettant, sur une base analytique rigoureuse, de voir progressivement émerger les modes de signification de cette icône.
On s’aperçoit alors, une fois le parcours effectué, que la masse de commentaires (esthétiques, théologiques, mystiques…), au lieu de s’éloigner de l’icône ou de l’étouffer, permet au contraire d’en cerner la richesse et la cohérence, et d’expliquer la fascination qu’elle exerce sur nombre de ceux qui la fréquentent.
Cette synthèse s’accompagne de la reconstitution des diverses interventions publiques données par Jean-Marie Floch sur le sujet, ainsi que d’une présentation détaillée du travail d’imprégnation culturelle qu’il avait mené pour affiner et autoriser sa propre lecture de l’image.
Avital Ronell, remarquable philosophe américaine dont l'oeuvre commence à être traduite très largement à l'étranger, s'attache ici à comprendre cette étrange passion humaine : le test. Pourquoi sommes-nous si enclins à nous mettre à l'épreuve, à nous y soumettre, nous et nos proches, dans tous les domaines : à faire de l'épreuve, en somme, une catégorie de l'existence à part entière. Aristote, le premier, a critiqué le basanos (la torture), que les citoyens de la jeune démocratie athénienne exerçaient sur les esclaves pour leur extorquer la vérité. Le rapport entre vérité et épreuve (ou test) s'est poursuivi, dans la pensée chrétienne par l'examen de conscience, puis a été repris par la littérature et la philosophie jusqu'à aujourd'hui avec un succès jamais démenti. Une fois encore, Avital Ronell nous entraîne dans une fantastique aventure philosophique. Ainsi, Test Drive découvre et analyse une nouvelle facette de notre monde contemporain et fait un diagnostic qui met en question notre compulsion à être ou à nous croire en permanence « testés ».
Ce quatrième tome de mon Journal est, comme les précédents, «étrange», en ce sens que je n'y relate pas ce qui m'arrive «au jour le jour», mais seulement ce qui me vient à l'esprit de façon imprévue et non préparée - et qui, la plupart du temps, m'entraîne fort loin de mes occupations du jour. Je vais à l'aventure, accueillant tout, dès lors que j'y trouve quelque trait piquant. C'est le vagabondage de mes pensées. Des observations sur des poètes, des écrivains, des Philosophes (d'Épicure à Clément Rosset) voisinent avec des réflexions sur des problèmes de métaphysique, de morale, d'éthique, de politique avec des échanges épistolaires et les lettres mêmes d'amis ou d'amies (Élodie, Julie, Émilie, Marilyne...). - Il y a toutefois une différence entre ce volume et les précédents. La suite des chapitres n'y est pas gouvernée par le seul hasard des pensées. L'on y trouve, en filigrane, une orientation, et c'est une orientation vers Émilie - qui d'ailleurs donnera son titre au tome V : Émilie. Journal étrange V.
L'espace, le lieu, le territoire, la ville, le paysage ne sont pas des sujets étudiés prioritairement par les philosophes contemporains, alors même que l'urbanisation représente dorénavant un phénomène planétaire. Pourtant certains les considèrent avec sérieux : qu'ils reviennent au topos ou à la khorâ des philosophes grecs, qu'ils discutent de l'apport des éthologues et autres naturalistes sur les processus de territorialisation propres à la faune et à la flore, qu'ils explorent le cyberespace, arpentent les réseaux télécommunicationnels ou errent dans les mégapoles et banlieues des villes plus ou moins hospitalières, ils nous aident à penser le devenir urbain de l'être.
Cet ouvrage original et pionnier offre au lecteur un éventail des théories qui accordent au territoire spécifique à l'existence humaine une place essentielle. Ainsi, vingt philosophes du XXe siècle - Simmel, James, Bergson, Heidegger, Weil, Bachelard, Merleau-Ponty, Arendt, Jonas, Wittgenstein, mais aussi Lefebvre, Derrida, de Certeau, Levinas, Foucault, Deleuze et Guattari, Maldiney, Nancy, Sloterdijk - se trouvent présentés par de jeunes philosophes et de plus anciens, tous confirmés.
À l'heure des migrations - forcées ou non -, du défi environnemental, de la «crise» des banlieues, du mal-être croissant dans des formes indignes d'habitation, de la discontinuité des géographies intimes, il est grand temps de s'interroger sur les liens que les humains entretiennent avec les lieux et la terre.
Gathering 120 entries written by 101 internationally renowned experts in their fields, the Handbook of Whiteheadian Process Thought has several aims : to interpret Whitehead on his own terms, to canvass the current state of knowledge in Whiteheadian scholarship, and to identify promising directions for future investigations, both through (internal) cross-examination and through (external) interdisciplinary and cross-disciplinary research.
'I do not expect a good reception from professional philosophers' wrote Whitehead in 1929, immediately after the publication of Process and Reality. Indeed, it took nearly thirty yeras before scholars seriously started to try to decipher the book taken as a whole. And there remains today 'professional' Whiteheadians who claim that this work can, or even should, be bracketed by anyone whishing to get a clear picture of Whitehead's true speculative agenda. Creativity and its Discontents aims to provide evidence of the conditions for this state of affairs by gathering and contextualizing all the major reviews (translated where need be) of Process and Reality: its original 1929 edition, its various translations (some of them still ongoing) and its 1978 corrected edition. It is designed as the ideal tool to accompany the recently published Handbook of Whiteheadian Process Thought.
L'idéal philosophique incarné par la vie et l'oeuvre d'Alfred North Whitehead (1861-1947) est, plus que jamais, d'une actualité brûlante. Il requiert que la philosophie soit une discipline vécue afin qu'elle puisse demeurer une discipline vivante. Quelle posture socio-politique suggère-t-il ? Le concept d'anarchie permet de nommer à la fois l'état présent du monde globalisé (le «chaos constructif» voulu par le néolibéralisme) et la réponse qui s'impose : le communautarisme libertaire, c'est-à-dire la redynamisation de la démocratie participative. Or, le monde de l'éducation se situe précisément en ce point de bifurcation : ou bien il succombe aux assauts du marché et nous nous dirigeons vers la barbarie ; ou bien il résiste et la Vie reprend ses droits.
site de l'éditeur : www.chromatika.org
Pourquoi la crise actuelle du capitalisme s'est-elle produite et comment en sortir ?
Selon Karl Marx, la recherche incessante du profit et de la valorisation du capital incite à produire toujours plus alors que la consommation reste limitée. Lorsque la surproduction apparaît, il faut réduire la production et donc imposer le chômage partiel et des licenciements. Des entreprises font faillite, les actions chutent en bourse, le chômage explose et la surproduction s'étend. Les plans de relance et les aides de l'État ne font que limiter la casse car les crises résultent des contradictions inhérentes au capitalisme.
Comment devient-on un anthropologue moderne au temps de la dictature fasciste, puis du combat démocratique pour la reconstruction italienne ? La trajectoire d'Ernesto De Martino (1908-1965) - le Lévi-Strauss italien - est ici reconstituée en interrogeant les silences ou les raccourcis de l'historiographie italienne. Aux méthodes de l'enquête ethnographique, aux entretiens avec de nombreux témoins, s'ajoutent les questions d'une anthropologie de l'écriture pour orienter la rencontre avec plusieurs fonds d'archives ethnographiques et historiques, la relecture d'une grande variété d'écrits de l'auteur et d'intellectuels qui ont croisé ses intérêts et ses engagements.
C'est ici toute l'histoire culturelle des années trente aux années cinquante qui se trouve revisitée pour caractériser ce moment néoréaliste de l'anthropologie italienne.