Et si les rêves n'étaient que le pâle reflet de la dimension imaginaire qui peuple nos jours, se dérobant à toute interprétation ?
Et si les prophéties, à condition qu'elles ne soient pas fondées sur des décrets fatidiques, ne se limitaient pas aux rapports indicibles entretenus entre la raison et l'extravagance ?
Et si les langues (et particulièrement la langue saxonne) n'aspiraient qu'à une codification illusoire, ne présentant qu'un «exposé de l'univers fait de hiéroglyphes et d'ombres» ?
Et si la rédaction d'un catalogue d'une bibliothèque introuvable fixait plus sûrement que tout discours l'origine de la rumeur ?
Se faire une opinion sur l'originalité des vues de l'auteur dans ces quatre textes traduits de l'anglais par Bernard Hoepffner, seuls peuvent s'y risquer ceux qui décident, à ses côtés, de sonder le mystère de la pluralité des voix intérieures qui l'anime.
Luís Aranha (1901-1987) fut un poète brésilien précoce à la carrière fulgurante. Il commence, en effet, à publier en 1922 et cessera toute activité littéraire après 1924 pour faire des études de droit avant de commencer une carrière diplomatique. Il est immédiatement salué par Sérgio Milliet (qui le traduit en français) et Mário de Andrade. Il participe à la fameuse Semaine d'Art Moderne de février 1922 au Théâtre Municipal de São Paulo, cession inaugurale de la modernité brésilienne. Présent aussi lors de la réception de Cendrars (Aranha est un des dédicataires de ses Feuilles de route). Durant cette courte période d'activité littéraire, il publiera uniquement en revue, notamment dans l'emblématique revue Klaxon. Poète audacieux, volontiers provocateur et hyperbolique, ce qui l'inscrit dans l'histoire d'autres jeunesses tumultueuses de poètes européens (qu'ils soient futuristes, dadaïstes ou surréalistes) ayant aussi eux-mêmes cessé toute activité poétique pour des raisons tragiques le plus souvent. Luís Aranha, lui, s'efface simplement, sans pour autant être oublié par ses amis. Mário de Andrade lui consacrera une étude en 1932. Il a fallu attendre 1984 pour que ses poèmes soient rassemblés par Nelson Ascher et Rui Moreira Leite.
La présente anthologie reprend l'essentiel des poèmes de Luís Aranha. Elle est suivie des études que lui ont consacrées Sérgio Milliet et Mário de Andrade.
Sérgio Milliet (1898-1966) est né à São Paulo. De 1912 à 1920, il vit à Genève. C'est en Suisse que le jeune poète commence à publier, en français. Fin 1920, il retourne au Brésil où il noue des liens avec tous les écrivains brésiliens qui comptent alors (Mário de Andrade, Guilherme de Almeida, etc.). Son bilinguisme lui permet de faire le pont entre le continent sud-américain et l'européen.
Il rapporte des livres français et commence à traduire ses amis brésiliens. Il participe à la fameuse Semaine d'Art Moderne de février 1922 qui se tient au Théâtre Municipal de São Paulo. En 1923, il retourne à Paris où il fréquente Cendrars, Larbaud, Satie, entre autres, et publie, à Anvers, un nouveau recueil écrit en français Oeil-de-Boeuf.
À Paris, il retrouve aussi son compatriote Oswald de Andrade et la peintre Tarsila do Amaral. Il se trouve au Brésil en 1924 pour la venue de Blaise Cendrars (il sera un des dédicataires de ses Feuilles de Route). De fin 1924 à fin 1925, il est à nouveau entre les deux continents ; il écrit en français et en brésilien, collabore à la revue anversoise de Michel Seuphor, Het Overzicht, y publiant ses propres poèmes ou des traductions de ses amis brésiliens.
Cet ouvrage rassemble les textes les plus importants de ces années décisives, textes français ou traduits du portugais. On y découvre un poète, un écrivain à la prose singulière et un critique central, avec Mário de Andrade, pour l'histoire des lettres brésiliennes modernes.
La neige tombe-t-elle sembablement dans toutes les langues ? Peut-être faudrait-il pour cela que les mots aient de l'une à l'autre de celles-ci les mêmes façons de se rencontrer, de s'unir ou de s'éviter, de se faire grands tourbillons ou légères virevoltes, minutes d'agitation suivies d'instants où le ciel paraît immobile, après quoi ce sont de brusques lumières. Et comme ce ne peut être le cas, si variés étant les idiomes qui se partagent la terre, il est vraisemblable que nos diverses cultures n'ont jamais tout à fait les mêmes neiges.
Chaque langue a son idée de la neige. Et je me pose cette question : ces perceptions de la neige qui peuvent donc être différentes et sans doute même en des cas, difficilement compatibles - la neige traversée dans l'Himalaya par un moine tibétain aux pieds presque nus, celle de nos enfants à leurs jeux, bien couverts de grosse laine - s'avoisinent-elles, parfois, ont-elle alors les unes avec les autres la même sorte de rapports qu'ont entre eux - très vifs, on dirait confiants - les flocons que rapproche une ombre de vent dans un instant de lumière ? Penchée chacune au balcon de sa propre langue, se tendent-elles parfois la main ? Y.B.
Troisième livre de poésie de Cole Swensen à paraître chez Corti, Le nôtre conclut ce que l'on pourrait appeler sa trilogie française (après « Si riche heure », 2007, qui traverse notre 15 ème siècle en s'appuyant sur l'iconographie des Très Riches Heures du Duc de Berry, et après « L’Âge de verre », 2010, qui considère l'histoire du verre et de la fenêtre à la lumière de l'oeuvre de Bonnard et de quelques autres).
Le livre évoque la personne, l'œuvre et l'époque d'André Le Nôtre (1613-1700), l'inventeur du jardin à la française. C'est une déambulation attentive parmi les espaces créés de toutes pièces par notre célèbre jardinier dont les services furent très recherchés à la Cour des Grands du 17ème siècle. Et si, curieusement, tous ces espaces furent composés pour le plus grand plaisir d'une classe dominante, ils sont de nos jours presque tous devenus des jardins publics, d'où l'ironie du nom de notre héros et du titre de ce livre.
Revisitant ses principaux jardins (Vaux le Vicomte, Chantilly, Saint-Cloud, Versailles, le Luxembourg etc.) Cole Swensen en profite pour faire coulisser l'histoire et la géométrie, tailler ses vers au cordeau, ouvrir et biaiser les perspectives. Elle y affûte le charme et l'aigu de sa prosodie. Résolument contemporaine, son écriture chevauche rigueur constructive et éclats morcelés, sa tranchante élégance restant en phase avec le Grand Siècle qu'elle traverse. Cole Swensen ne manque pas d'interroger à sa façon les raisons et conséquences de ce qui fut à l'origine de l'invention du paysage, qui reste, aujourd'hui encore, profondément attachée à nos manières de regarder le monde. La fabrication de la perspective, le choix des masses et des couleurs : le monde est ainsi modelé et chacun peut alors se l'approprier comme une création domestique.
Auteur, entre autres, de Frites l’amour, pas la guerre ou de Votez verres, votez alcoolos à septante ans (soixante-dix pour les étrangers), Jean-Pierre Verheggen a estimé qu’il méritait de se voir attribuer le «Prix Nobelge». D’où ce dossier de candidature comprenant le rappel des distinctions qu’il a déjà reçues ; son CV (à ne pas confondre avec son Ridiculum Vitae révélé au public en 2001 dans la collection Poésie/Gallimard) suivi de la liste des nombreux textes inédits qu'il entend soumettre à l’examen des membres du jury et même du nom des concurrents qu’il craint de devoir affronter (sans toutefois les redouter) : Henri Michaux et Marie-Thérèse Philippot en Wallonie, Hergé à Bruxelles mais, en revanche, personne en Flandre, même pas le Flamand de Lady Chatterley.
Du Degré Zorro de l'écriture paru dans les années soixante-dix aux Éditions Christian Bourgois, dans la collection TXT, à L'Oral et Hardi, un choix de ses textes qui a valu à son metteur en scène et interprète Jacques Bonnaffé un Molière en 2009, Jean-Pierre Verheggen, comme l'écrit André Velter, «n'a cessé de mener à bride abattue l'une des plus toniques chevauchées verbales. En liberté dans les fourrés et les coups fourrés du langage, Verheggen donne une œuvre qui est à percevoir dans la résonance de sa voix, avec sa verve de grande déferlante, son swing de boxeur des lettres, sa fantaisie féroce et irrésistible».
Je te fais signe à travers les flammes.
Le Pôle Nord a changé de place.
La Destinée Manifeste n’est plus manifeste.
La civilisation s’autodétruit.
Némésis frappe à la porte.
À quoi bon des poètes dans une pareille époque?
À quoi sert la poésie ?
L’imprimerie a rendu la poésie silencieuse, elle y a perdu son chant. Fais-la chanter de nouveau !
Si tu te veux poète, crée des oeuvres capables de relever les défis d’une apocalypse, et s’il le faut, prends des accents apocalyptiques.
Tu es Whitman, tu es Poe, tu es Mark Twain, tu es Emily Dickinson et Edna St Vincent Millay, tu es Neruda et Maïakovski et Pasolini, Américain(e) ou non, tu peux conquérir les conquérants avec des mots.
Si tu te veux poète, écris des journaux vivants. Sois reporter dans l’espace, envoie tes dépêches au suprême rédacteur en chef qui veut la vérité, rien que la vérité, et pas de blabla...
Recueil inédit en français… qui a déjà vendu plus de 10.000 ex aux USA! A 93 ans, le grand auteur et éditeur de la Beat Generation ressent le besoin d’une adresse aux jeunes poètes dans un monde au bord d’un grand renouveau… C’est ainsi qu’il insuffle joie, esprit de combat, avec un maître-mot : Insurrection comme synonyme d’art poétique et d’art de vivre ! Dans ce livre, se retrouve aussi un work in progress historique : le texte «What is poetry?» une énumération – définition/anti-définition de la poésie…
Ma seule baïonnette était le regard furtif de la lune entre les nuages. Voilà peut-être pourquoi je n'ai jamais écrit de vers aussi irrévocables que des intestins renversés Aris Alexandrou
L'histoire politique de la Grèce depuis 1830, date de son indépendance officielle, jusqu'en 1974, chute de la Junte des Colonels, a été particulièrement instable. Dictatures et coups d'état se sont succédés. C'est néanmoins sous un régime d'apparence démocratique que le camp de Makronissos fut fondé.
Par le nombre des déportés autant que par l'amplitude et l'intensité des moyens de persécution, individuels et collectifs, physiques et psychiques, mis en place ; par le rôle central qu'il occupait dans la propagande de l'État ; par la «production littéraire» qu'il a engendrée, Makronissos représente l'apogée d'un système politique et législatif établi tout au long d'un siècle d'histoire grecque mouvementée. Pascal Neveu
Les éditions Ypsilon continuent la publication des oeuvres d'Alejandra Pizarnik
«Il n'y eut plus ni dehors ni dedans». Il n'y a que des jeux de miroirs : «Tu te désires autre. L'autre que tu es se désire autre». L'écriture cherche à extraire ce qui n'existe pas sinon par elle, le poème, un corps qui saurait parler le silence. «Je parle du lieu où se font les corps poétiques». Alejandra Pizarnik défend et illustre son «métier», écrivain. Écrire est sa seule manière de vivre et de pouvoir mourir sans fin.
Extraction de la pierre de folie, titre repris de l'un des plus connus et enigmatiques tableaux de Jérôme Bosch, parut à Buenos Aires en 1968, en 4e de couverture figurait un petit texte d'André Pieyre de Mandiargues : «Je relis fréquemment tes poèmes, je les donne à lire à d'autres et je les aime. Ce sont de beaux animaux un peu cruels, un peu neurasthéniques et tendres [...]. J'aime tes poèmes, je voudrais que tu en fasses beaucoup et que tes poèmes diffusent de partout l'amour et la terreur.»
Présentation de l'éditeur