À quoi ressemblait vraiment la Gaule ? Comment vivaient «nos ancêtres» ? Étaient-ils comme les décrit la légende, de grands blonds, vaguement brutaux et incultes, réellement gros mangeurs et violents batailleurs ?
Cette civilisation qui continue de nous fasciner et de nourrir notre imaginaire était tout aussi mystérieuse pour ses voisins, Grecs et Romains notamment, jusqu'à la conquête de César. Pourtant, au 1er siècle avant J.-C., un voyageur grec s'y est aventuré, le philosophe Poseidonios d'Apamée, dont les observations serviront de base aux écrits de César, Strabon, Diodore et bien d'autres.
C'est à suivre les traces de ce tout premier visiteur que nous invite Jean-Louis Brunaux, dans un guide original de la Gaule. L'archéologue d'aujourd'hui recueille les informations du «touriste» d'antan, et leur échange constitue le meilleur guide de voyage de la civilisation gauloise.
Instable comme un «oiseau migrateur» à la recherche de la belle saison et du grain, immature comme un «enfant», telles sont les images qui viennent à Aristote et Platon pour évoquer le métèque, c'est-à-dire l'étranger qui vit et travaille avec le citoyen à Athènes aux Ve et IVe siècles avant J.-C.
Et pourtant, à l'inverse du discours classique, Saber Mansouri donne à lire une cité athénienne où les métèques vivent, travaillent, font la guerre et expriment leur attachement à la cité. L'auteur déconstruit donc la figure d'un métèque imaginaire ou modernisé, un métèque qui serait uniquement attiré par les gains, versatile, toujours prêt à trahir et devant en conséquence être surveillé de près.
Par cette approche, qui invalide le discours d'idéologues modernes puisant dans l'histoire les sources de la discrimination raciale, juridique et culturelle entre citoyens et étrangers, les métèques, bons ou mauvais, sont rendus à leur polis et à leur temps. Eux aussi sont Athènes. Jamais ils n'ont été confrontés à nos concepts contemporains de tolérance, de racisme ou de xénophobie. Ils participent pleinement à l'équilibre politique et social de la démocratie athénienne. Ils peuvent ainsi dire publiquement, selon les mots d'Aristophane : «Nous voulons habiter avec vous, nous avons envie de vos lois.»
Le XXe siècle s'est arrêté un beau jour de 1989, avec la chute du mur de Berlin. Ce qui jusqu'à la veille palpitait dans le présent a soudainement semblé faire partie de l'histoire. Profondément affectée par cette rupture, l'historiographie a dû remettre en cause ses paradigmes, questionner ses méthodes, redéfinir ses domaines. Les clivages figés de la guerre froide ont laissé place à un monde «liquide», et la nouvelle histoire globale, en lieu et place d'un siècle divisé en blocs, s'est intéressée aux réseaux d'échanges économiques, aux transferts démographiques, aux hybridations culturelles à l'échelle de la planète. L'histoire structurale, axée sur la longue durée, s'est effacée au profit de l'événement, avec ses contingences et ses énigmes. Enfin, la mémoire est devenue un prisme privilégié de perception du passé. Une fois entrée dans l'atelier de l'histoire, elle a redessiné le profil du XXe siècle en un âge de violences et de victimes.
Dans ce livre, Enzo Traverso reconstitue de manière magistrale et critique le tableau d'ensemble des mutations qui sont au coeur des grands débats historiographiques actuels. Il y aborde les grandes catégories interprétatives, tant anciennes (révolution, fascisme) que nouvelles (biopouvoir), pour mettre en lumière à la fois la fécondité et les limites de leurs apports ou de leurs métamorphoses. Il y interroge le comparatisme historique, d'abord en étudiant les usages de la Shoah comme paradigme des génocides, puis en mettant en parallèle l'exil juif et la diaspora noire, deux thèmes majeurs de l'histoire intellectuelle. Il analyse, enfin, les interférences entre histoire et mémoire, entre mise à distance et sensibilité du vécu, qui affectent aujourd'hui toute narration du XXe siècle.
Robert Muchembled mène l'enquête sur la corruption policière au XVIIIe siècle. Il suit la piste de l'inspecteur Meusnier, chargé des moeurs dans les années 1750. Espion, faussaire, aventurier, aigrefin, ce policier exceptionnel a vécu mille et une existences et raconté autant de mensonges dans l'impressionnante masse documentaire qu'il a laissée : fictions dans les archives ! Au cours de cette traque, l'historien explore le versant obscur du brillant théâtre des Lumières. Dans ce roman policier plus vrai que nature, escroqueries, attentats, scandales, vus sous un jour nouveau, impliquent des actrices, de grands officiers, des courtisans... et jusqu'à la reine Marie Antoinette elle-même.
Le monde de la Cour et du Tout-Paris, imitant son prince corrompu, despotique, esclave de ses sens et de ses plaisirs, pave la voie de la Révolution dès le milieu du siècle. De nombreux policiers «ripoux» y prennent largement leur part en faisant chanter les puissants. Entre sexe, argent et pouvoir, ces parasites qui infestent le tronc de l'État entraînent sans le vouloir la désacralisation et la ruine de la monarchie, précipitant ainsi les bouleversements de 1789.
Pendant plus de quinze ans, de 1955 à 1971, la France a mené au Cameroun une guerre secrète. Une guerre coloniale, puis néocoloniale, qui a fait des dizaines de milliers de morts, peut-être davantage. Une guerre totalement effacée des histoires officielles. En France, où l'on enseigne toujours que la décolonisation de l'« Afrique française » fut exemplaire et pacifique. Et au Cameroun, où il est encore risqué aujourd'hui d'évoquer ce terrible conflit qui enfanta une redoutable dictature... C'est dire l'importance de ce livre, qui retrace pour la première fois l'histoire de la guerre menée par les autorités françaises contre l'Union des populations du Cameroun (UPC), le parti indépendantiste créé en 1948, et tous ceux pour qui la liberté et la justice s'incarnaient en un mot : « Kamerun ! »
Pendant quatre ans, les auteurs ont enquêté en France et au Cameroun. Ils ont retrouvé de nombreux témoins : militaires français et camerounais, combattants nationalistes, rescapés des massacres... Dans les archives, ils ont consulté des milliers de documents et fait d'étonnantes trouvailles. Ils racontent comment furent assassinés, un à un, les leaders de l'UPC : Ruben Um Nyobè en 1958, Félix Moumié en 1960 et Ernest Ouandié en 1971. Et ils montrent comment l'administration et l'armée françaises, avec leurs exécutants locaux, ont conduit pendant des années une effroyable répression : bombardements des populations, escadrons de la mort, lavage de cerveau, torture généralisée, etc.
Plus de cinquante ans après la pseudo-indépendance accordée au Cameroun le 1er janvier 1960, cette histoire reste d'une brûlante actualité. Car c'est aussi celle de la naissance de la Françafrique, fruit du consensus colonial de la IVe République, puis de la diplomatie secrète de la Ve République. C'est l'histoire, enfin, d'un régime « ami de la France » en guerre perpétuelle contre son propre peuple : après vingt-deux ans de dictature sous Ahmadou Ahidjo et près de trois décennies de déliquescence sous Paul Biya, les Camerounais rêvent toujours d'indépendance et de démocratie.
Avec Indignez-vous !, Stéphane Hessel a marqué l'année 2010. Après une sortie de crise difficile et une période de remise en cause des pouvoirs, cet ouvrage est venu à point nommé catalyser une immense vague de contestation qui a traversé le pays, et dépassé nos frontières.
Dans le présent livre, Stéphane Hessel, au cours des entretiens qu'il a eux avec Gilles Vanderpooten, 25 ans, intensifie encore son exigence morale. Car, dit-il, il ne suffit pas de s'indigner. Chacun, avec sa sensibilité propre, doit savoir s'engager sur tous les fronts dans les combats de son époque : droits de l'homme, défense des sans-papiers et des sans-logis, lutte contre les inégalités, écologie...
Eternel optimiste, il croit la nature 'riche en ruses multiples' et invite les jeunes générations à s'indigner et à résister contre les choses scandaleuses qui les entourent. Un entretien vif, profond et passionnant. Jean Viard.
Le grand Scipion l'Africain, comme tous les Romains, porte la barbe. Un jour, en Sicile, au contact des moeurs grecques, il décide de se faire raser. Aussitôt, tout ce que Rome compte d'hommes jeunes et modernistes suit son exemple. La mode du visage glabre est lancée... Les tapis de Babylone font fureur au temps de Caton : ils s'arrachent 800 000 sesterces pièce quand un poulet, au marché, vaut 2 sesterces... L'esclave Roscius a du charme, et du talent. Son maître décide d'en faire une vedette de théâtre. En quelques années, il devient la coqueluche des Romains, et son nom reste comme celui d'un des plus grands du « star system »...
À Rome, comme le montrent ces quelques exemples, la mode s'immisce autant dans les habitudes de vie - le vêtement, la nourriture, le cadre familier - que dans l'art et la littérature où la notion d'imitation est centrale. Par la suite aussi, Rome demeure l'arbitre des élégances, en devenant un modèle de référence pour la culture et le goût européens.
La clé de la célèbre énigme de l'homme au masque de fer, qui suscita tant de controverses, de romans, d'essais et de films.
Rares sont les mystères à avoir soulevé autant d'intérêt et de passion que celui de l'homme au masque de fer, prisonnier d'Etat, enfermé sur ordre de Louis XIV au donjon de Pignerol, dans la citadelle de Sainte-Marguerite, mort à la Bastille en 1703. Nul n'avait le droit de l'approcher ni de lui parler, hormis son geôlier. Personne ne connaissait ni le motif de sa détention ni son identité. Cette troublante énigme n'a cessé de susciter la curiosité des historiens et des romanciers. De multiples solutions ont été imaginées, la plus célèbre faisant de cet inconnu un frère jumeau du roi, masqué à cause de sa trop frappante ressemblance avec lui.
Après un examen méthodique des documents d'archives, souvent nouveaux ou inédits, l'auteur apporte à cette énigme les explications les plus logiques et les moins contestables, avec un art certain du suspens. Au-delà d'un destin individuel, le livre dévoile tout un pan des mentalités du XVIIe siècle.
Jacques Le Goff est sans conteste l'un des grands historiens médiévistes français. Ses nombreux ouvrages ont trouvé une large audience et ont contribué à renouveler profondément la vision de cette époque charnière.
Dans ce livre d'entretiens initialement publié en 1996, Jacques Le Goff retrace sa «vie pour l'histoire» : son enfance, ses années de formation à l'École normale supérieure, à Prague, à Oxford et à Rome, puis sa carrière d'universitaire qui l'amènera à jouer un rôle décisif à la direction de l'École des hautes études en sciences sociales. On découvrira d'abord l'enthousiasme communicatif de Jacques Le Goff pour cette «nouvelle histoire» qu'il a contribué à forger : une histoire complète, nourrie des autres sciences sociales, dont l'objet est autant de comprendre le passé que d'éclairer le présent. Mais on y trouvera également retracée l'aventure intellectuelle de l'équipe des Annales, et celle de la Ve section de l'École pratique des hautes études (devenue EHESS en 1975), qui a joué et joue toujours un rôle majeur dans le rayonnement international des sciences sociales françaises.
Ce portrait attachant révèle une grande personnalité de notre temps, passionnément attachée à son métier, mais aussi soucieuse des problèmes de la Cité et de construction européenne.
De l'enfant juif traqué par la Gestapo jusqu'à l'académicien français, Pierre Nora a connu une extraordinaire trajectoire qui l'a propulsé sur le devant de la scène française et internationale. Universitaire, éditeur, écrivain, il a profondément marqué le paysage intellectuel, et même moral, des dernières décennies. Pilier de la maison Gallimard, il a inventé, avec des collections comme «Archives», «Témoins», la «Bibliothèque des sciences humaines» et la «Bibliothèque des histoires», une autre façon de concevoir et d'écrire l'histoire, l'anthropologie, la sociologie.
«Les Lieux de mémoire», gigantesque chantier de sept volumes, sont passés dans le langage courant, et la revue Le Débat, qu'il a fondée et continue d'animer, est le creuset des idées nouvelles. On voit dans ce livre passer tous les personnages qui ont compté dans l'intelligentsia, mais on découvre aussi l'homme, son exceptionnelle famille, les drames de sa jeunesse, ses amitiés fortes et diverses, ses engagements courageux sous une apparence parfois mondaine, et cette figure de l'intellectuel passionnément attaché à la France et à la République. Pierre Nora est aujourd'hui une personnalité centrale du monde des idées.