Si Shakespeare n'a jamais fait ça, Charles Bukowski, lui, le Rabelais des caniveaux de Los Angeles, ne s'en est pas privé. Dans ce carnet de route (où l’auteur prend la liberté de télescoper deux voyages différents), le « vieux dégueulasse » bourlingue en 1978 entre les plateaux d'Apostrophes (où, étouffé par les questions et l’atmosphère, il boit du riesling au goulot sous le regardmédusé de Bernard Pivot et son équipe), l'hôtel de la gare de Nice (une ville « pas à la hauteur »), les cafés et les châteaux d'Heidelberg, les prostituées de Hambourg, les lectures publiques et les rencontres avec ses fans européens, ou encore une visite à son oncle Heinrich à Andernach, où il est né cinquante-huit ans plus tôt. Ce premier voyage en Europe, pour le dernier des misanthropes, n’est pas si facile. Cependant, accompagné par sa future épouse Linda Lee et par ses amis fidèles (le photographe Michael Montfort et, à l’occasion, le traducteur allemand Carl Weisner ou le cinéaste Barbet Schroeder), Hank sera touché de voir ses milliers de lecteurs accourir pour l’entendre lire ses poèmes en sirotant du vin rouge. Ce texte inédit est parsemé de photographies de Buk (par Montfort) entouré et aimé, attentif et curieux, drôle et aimant ; il est complété par quelques poèmes.Un délectable récit de voyage qui nous fait partager le quotidien de Charles Bukowski. Il éreinte avec humour employés de la SNCF ou éditeurs français, se moque en douceur de ce vieux nouveau monde qu’il observe. La sympathie et l’autodérision émanant du livre font de Buk un compagnon de voyage sincère et abordable (comme son livre!). Avis à tous les fans français de Bukowski, l’auteur le plus volé en France et aux États-Unis : ce road-book oublié est enfin en vente dans toutes les bonnes librairies!
Renouant avec son amour pour le Mexique, pays auquel il a consacré de nombreux ouvrages de fiction ou documentaires, Pino Cacucci s'attache à une partie méconnue de la Californie, qui n'a rien à voir avec San Francisco, les plages de Malibu, ou les studios de cinéma d'Hollywood. Il s'agit de la Basse-Californie, la Californie mexicaine : la plus longue péninsule du monde, presque deux kilomètres de terre entre l'Océan Pacifique et la mer de Cortès, dont la population s'est battue pour conserver son intégrité et son indépendance face à l'avancée des troupes américaines au XVIIIe siècle. Pino Cacucci est ainsi retourné dans 'son' Mexique pour le parcourir et le raconter, du Sud au Nord, de La Paz à la frontière de Tijuana. Il en a tiré ce nouvel ouvrage qui, entre road movie et carnet de voyage, mêle descriptions des paysages exceptionnels (criques marines ou étendues désertiques peuplées de cactus aux formes étranges), anecdotes géographiques et historiques improbables et plaidoyer écologique pour cette région qui le fascine. Le long de la Carretera Federal 1, il a ainsi rassemblé des histoires de pirates et de trésors ensevelis, de jésuites et de missions abandonnées, d'Indiens et de voyageurs perdus. Sur les traces de Steinbeck, qui y voyagea dans les années 1940, il a redécouvert les légendes des reines et des perles géantes. Plus encore, son voyage est marqué par la rencontre avec le peuple des baleines qui viennent se reproduire dans ce qu'il appelle leur sanctuaire (et que J.M.G. Le Clezio évoquait dans le beau texte intitulé Pawana). Cacucci décrit avec émotion ces mammifères aussi gigantesques que fragiles, effrayants et pourtant si sociables envers les humains. En témoignent les criques dans lesquelles elles se rassemblent comme par enchantement pour jouer avec les bateaux des pêcheurs, un contact avec l'espèce humaine qui se retrouve peu dans le reste du monde. Les baleines se regroupent en effet par milliers dans ce qui apparaît comme leur dernier refuge. Sans doute parce que le Mexique fut le premier pays, il y a plus de soixante ans, à instaurer des espaces pour protéger ces animaux à l'intelligence mystérieuse. Les baleines le savent, elles ont certainement compris que les hommes sont tous des assassins, mais que dans cette région du monde vit une humanité plus authentique et plus amicale.
« Il ne faut pas longtemps pour que l’œil humain s’accommode aux ténèbres. »
Chef d’œuvre de Peter Nádas - dix-huit ans d’écriture, plus de cinq ans de traduction, une centaine de personnages, tout à la fois chaos total et structure absolue -, Histoires parallèles faisait scandale en Hongrie avant même sa publication et paraît à présent dans le monde entier.
Balayant soixante ans d’une Europe livrée aux remugles de l’Histoire et aux bouleversements de la société, le livre fait se côtoyer les époques dans un écho sans cesse démultiplié. La barbarie nazie résonne, répercutée à l’infini, d’histoire en histoire, les corps se libèrent parfois, la parole demeure souvent trompeuse, le sexe entravé débonde dans l’ombre, impudique et brut. Mystérieux et complexe, le roman fonctionne comme une chambre d’écho, traversée de stridences et de grondements, Nádas joue de la langue comme d’une flûte à serpents, et le lecteur, tour à tour fasciné, épuisé, révulsé, est toujours irrésistiblement attiré par son chant complexe et puissant. Ambitieux, exigeant, profond et brûlant, le texte de Nádas crée un monde à la fois palpable et insaisissable, apparemment anarchique, mais infiniment structuré, irrémédiablement clos et démesurément libre.
Dans le Shropshire, un frère et une sœur, rivaux et complices de toujours, visitent la tombe de leurs grands-parents et font surgir les fantômes du passé. Lors d’un festival du film d’horreur, sur une plage de la Côte d’Azur, un membre du jury découvre qu’un des films en compétition a été écrit par une de ses anciennes amies, tombée amoureuse de lui, qu’il a brutalement éconduite. Un pianiste de bar new-yorkais, à laquelle une séduisante jeune femme demande où elle peut loger ce soir-là, imagine ce qui se serait passé s’il l'avait invitée à dormir chez lui… Dans un tout autre genre, « Journal d’une obsession » décrit le rôle que joua, tout au long de la vie de Jonathan Coe, « La vie privée de Sherlock Holmes », un film mal aimé de Billy Wilder.
En peu de pages, Coe évoque les tentations, les opportunités manquées, les souvenirs qui hantent et une certaine mélancolie.
Quatre pièces courtes pour rire et rêver, quatre variations sur nos vies incertaines, où rien n’est jamais achevé – pas même le malentendu. Au clavier Jonathan Coe, avec sa petite musique qui nous piège pour mieux nous enchanter.
Dans l'esprit de La Servante écarlate ou du Dernier Homme,
le nouveau roman d'anticipation de Margaret Atwood.
Un tour de force.
On les appelle les « liogneaux », les « porcons », etc. Ce sont des animaux transgéniques créés par l'homme. Dans le monde chaotique et terrifiant qui constitue le cadre du nouveau roman « dystopique » de Margaret Atwood, ces créatures ont pris le pouvoir. La société y est gangrenée par le culte de l'argent et de la marchandise, une absurde division du travail y sévit, ainsi qu'une impitoyable guerre des classes.
Une secte religieuse et écologique, les Jardiniers de Dieu, dont Adam Premier est le chef spirituel, entraîne ses adeptes dans une mission sacrée : favoriser les conditions nécessaires à la survie d'une partie de l'espèce humaine, puis à sa restauration... Pour cela ils s'isolent du « monde exfernal » dans leur Jardin.
Car pour Adam et les Jardiniers de Dieu, l'arrivée du « Déluge des Airs » ne fait aucun doute. Une catastrophe naturelle apocalyptique va châtier les hommes pour les pillages et les destructions infligés par leur espèce à la Terre et à son environnement. C'est seulement une question d'échéance... Et il faut s'y préparer. Mais dans cet univers diabolique, l'entreprise s'annonce pour le moins ardue, voire désespérée...
Autour d'Adam, après le passage de l'effroyable désastre annoncé, plusieurs personnages s'aventureront dans le monde exfernal pour tenter de survivre et de retrouver d'éventuels rescapés. Parmi eux, Ren et Amanda, deux jeunes filles que tout aurait dû opposer, réussiront à tisser une belle et solide amitié, sous la protection de Toby, leur aînée, qui par sa grande sagesse deviendra en quelque sorte leur ange tutélaire...
Suite au décès d'une de ses clientes, Dick Caod, notaire de son état, se retrouve dépositaire de deux surprenants manuscrits. Il s'agit moins de deux récits parallèles que d'une plongée dans l'inconscient d'un être obsédé par un secret. La première partie intitulée « Hector » s'ouvre sur l'année 1945 lorsque Iz, une jeune femme au passé énigmatique, arrive à Sibrille, près de la ville de Monument. Elle vient vivre dans le phare du village aux côtés de son époux, Ronnie Shaw. Très peu de temps après leur installation, dont l'origine est entourée de mystères, survient la naissance de son fils Hector. Il est sa seule source de bonheur, alors qu'elle se heurte sans cesse à l'infidélité de son mari. Cependant Hector finit par s'enrôler dans l'armée. Débute alors le second cahier, nommé « Iz ». Il revient sur les années qui ont précédé la rencontre avec Ronnie, et révèle le secret qui a conduit Iz à Monument. La délicatesse de l'écriture, la force des descriptions et un charme nostalgique laissent une impression durable.
A l'instar de ses pareils, hommes de tous âges et de toutes conditions que leur addiction au sexe a conduits devant les tribunaux puis relégués loin des « zones sensibles », le Kid, vingt et un ans, bracelet électronique à la cheville, a pour quartier général le viaduc Claybourne qui relie le centre-ville de Calusa, Floride, à son luxueux front de mer.
Depuis toujours livré à lui-même, n'ayant pour ami qu'un iguane offert par une mère passablement nymphomane, le Kid s'est enivré de sexe virtuel jusqu'au jour où sa naïveté l'a jeté dans un des pièges où la police épingle les putatifs délinquants sexuels.
Stigmatisé par une société devenue, jusqu'à l'hystérie, adepte du « surveiller et punir », ce jeune homme en rupture suscite l'intérêt d'un certain « Professeur », universitaire à la curiosité dévorante, sociologue atypique qui, dans le cadre de ses travaux sur les sans-abri en tous genres, approche le Kid pour s'instruire de son cas et, peu à peu, semble le prendre sous son aile. Mais il apparaît bientôt que le génial Professeur pourrait être un fabuleux menteur, et un expert en identités multiples...
Par cette fiction magistrale, Russell Banks met en scène l'enfer de la « déviance » et le supplice de l'exclusion. Il exhausse à la dimension d'un récit aussi mythique que compassionnel l'aveuglement de nos sociétés saturées d'images et qui semblent avoir fait le choix - comme pour mieux s'oublier - de faire disparaître, jusqu'à la pathologie, leur corps collectif dans le rayonnement des écrans de la nuit sexuelle.
Deux enfants conçoivent un pays imaginaire, la Schwambranie, avec son histoire, sa géographie, ses îles, ses batailles, sa faune de héros et d'ennemis... dont les noms sont choisis dans le ordonnances de leur père, médecin. Nous sommes en Russie, en 1917.
Un jour éclate la Révolution. Le livre alterne alors récits du pays imaginaire et récits des changements apportés à l'école. Nouveaux Don Quichotte et Sancho Pança, Lolia et son frère Osska sont des défenseurs acharnés, à la fois de la république schwambranienne et de la Révolution... tout en confondant les mots au point de ne s'exprimer qu'en mots valises.
Mêlant la vie quotidienne d'une famille russe en 1917 et des extraits délirants des archives schwambraniennes, ce livre culte pour les situationnistes constitue une ode à l'enfance et un classique d'une totale liberté, à ranger entre Gulliver et Alice au pays des merveilles.
Traduit ici pour la première fois en français, le troisième roman de John Berger est le récit d’une journée cruciale dont le cours va changer la vie des protagonistes : celle de William Tracey Corker, 63 ans, directeur d’une agence de placement du sud de Londres, mais aussi celle de sa sœur Irène, d’Alec son jeune employé et de Jackie, la petite amie de ce dernier. Intrigue, rebondissements, satire... ce drame en quatre actes comporte tous les ingrédients du roman classique. Dans ce texte toutefois résolument moderne, l’auteur choisit d’évoquer le mystère de ses personnages en relatant leurs faits et gestes, mais surtout en faisant résonner tout haut leur pensée. Il en ressort un récit à plusieurs voix, humbles ou fortes, haletantes, inquiètes. Toutes donnent à imaginer l’insaisissable existence des êtres, dont le fragile dialogue n’offre qu’un aperçu. Que l’on décide de voir en Corker un « vieux malin » ou un « putain d’idéaliste », ce livre est à lire comme un conte philosophique ironique et incisif sur la liberté.
« Dans la littérature contemporaine anglaise, Berger est sans égal ; aucun écrivain depuis Lawrence n’a été aussi attentif au monde des sens tout en répondant aux impératifs de la conscience. » Susan Sontag
Au début des années 1930, dans le sud de l'Arkansas, à Poplar Creek près de la frontière du Mississipi, Floyd Brown dirige une scierie. En plus des difficultés économiques qui touchent l'ensemble des États-Unis, les Brown sont confrontés à des problèmes domestiques : Floyd boit avec excès, travaille avec imprudence, et son fils cadet meurt accidentellement. Ses autres enfants, Maxine, Jim Ed et Bonnie, témoignent d'un talent musical exceptionnel. Plutôt que de jouer dans les bois, ils ont pris l'habitude de se produire dans les petits concerts et les ' talent shows ' du sud des États-Unis. Le frère et les deux soeurs se font bientôt connaître sous le nom de The Browns. Un impresario escroc, Fabor Robinson, leur fait signer un contrat auquel ils vont rester longtemps enchaînés. Ils connaissent un succès rapide. ' Ils étaient aussi grands qu'Elvis ', à cause du son particulier de leurs voix, cet éclat soyeux et rauque forgé par la fumée provenant du travail des bucherons à proximité de chez eux, et un son qui prendrait le nom de ' Nashville Chrome' ', ou de ' son Brown ' comme le dit Elvis Presley dans le livre. Les années 1955 et 1956 sont glorieuses : ils commencent à gagner de l'argent mais restent proches de leurs racines et de leurs amis d'enfance, parmi lesquels un certain Elvis Presley qui s'est épris de la jolie Bonnie. Le groupe demeure populaire dans les années 1960, mais leur étoile commence à pâlir. En 1962, ils enregistrent une dernière chanson avec leur célèbre producteur, Chet Atkins. Au début des années 1970, les Browns se séparent. Jim Ed se lance alors dans une brillante carrière en solo. Bonnie quitte le trio et Elvis pour épouser un médecin avec qui elle s'installe dans une ferme. Maxine, se marie quant à elle à un avocat, Tommy Russel, qui ne cesse de la tromper. Au fil des années, Maxine ne peut renoncer à l'idée de renouer avec le succès. Elle s'efforce de continuer, affrontant des hauts et des bas, tout en sombrant progressivement dans l'alcool. Rick Bass alterne le récit du parcours brillant du trio Brown, ' le groupe américain préféré des Beatles ', avec ' la vie aujourd'hui ' de Maxine Brown dans les années 2000. Cette dernière est devenue une vieille dame impotente, ne s'est jamais remise du déclin de sa carrière fulgurante et a fini par renoncer à l'alcool ' pour ne rien manquer des derniers mois de sa vie. ' Habitée par la fureur plus que par la nostalgie, elle ne supporte pas d'être oubliée de tous. Aussi ' l'ancienne reine de la country ' dépose-t-elle une annonce dans l'épicerie de son quartier. Elle recherche un cinéaste disposé à filmer ' une célèbre artiste '. Jefferson, un enfant surdoué âgé de douze ans, y répond. Il entreprend patiemment de la filmer ' pour acquérir une connaissance artistique de sa vie '. Lorsqu'il projette le film dans son lycée, Maxine accède finalement à une nouvelle reconnaissance, applaudie par un public de jeunes élèves.