En débarquant à Constantinople le 13 mai 1506, Michel-Ange sait qu'il brave la puissance et la colère de Jules II, pape guerrier et mauvais payeur, dont il a laissé en chantier l'édification du tombeau, à Rome. Mais comment ne pas répondre à l'invitation du sultan Bajazet qui lui propose - après avoir refusé les plans de Léonard de Vinci - de concevoir un pont sur la Corne d'Or ?
Ainsi commence ce roman, tout en frôlements historiques, qui s'empare d'un fait exact pour déployer les mystères de ce voyage.
Troublant comme la rencontre de l'homme de la Renaissance avec les beautés du monde ottoman, précis et ciselé comme une pièce d'orfèvrerie, ce portrait de l'artiste au travail est aussi une fascinante réflexion sur l'acte de créer et sur le symbole d'un geste inachevé vers l'autre rive de la civilisation.
Car à travers la chronique de ces quelques semaines oubliées de l'Histoire, Mathias Enard esquisse une géographie politique dont les hésitations sont toujours aussi sensibles cinq siècles plus tard.
Les entrées de ce dictionnaire se caractérisent par trois principes : la notoriété de l'injurié, la qualité de celui qui injurie, et le caractère outrancier, humoristique ou d'une absolue mauvaise foi de l'insulte. En voici quelques exemples...
''Tant et tant d'arrivisme pour arriver si peu !'' Salvador Dali, au sujet d'Aragon.
''Qu'il soit devenu, j'allais dire le pape de la psychiatrie, ne m'étonne pas. Il a toujours eu le goût du canular.'' Louis Leprince-Ringuet, à propos de Jacques Lacan.
Né en 1968, Pierre Chalmin dit de son enfance qu'elle fut assommante, et qu'il vécut une adolescence révoltante. A la fin des années 1980, il échoue au concours d'entrée à l'école de la rue d'Ulm qu'il n'a pas préparé, entreprend de vagues études de droit et vit de petits métiers : nègre, sous-titreur, correcteur. Il est aujourd'hui l'auteur de nombreux ouvrages.
Nous sommes au milieu du XVIIIe siècle, pendant la désastreuse guerre de Sept Ans, sous le règne de Louis XV.
Apolline et Ursule sont les héroïnes de ce récit. Elles sont nées à Bordeaux, dans un milieu très religieux. Le père, adepte de la Providence, s'adonne avec délices au bonheur de ne rien faire. La famille s'enfonce dans la misère. Ce dont Apolline s'aperçoit à peine, tandis que son aînée, animée par l'ambition et l'esprit de liberté, n'a qu'une envie : s'enfuir. Les soeurs se perdent de vue. Apolline est mise dans un couvent, puis devient préceptrice dans un château. Elle en sort pour retrouver sa soeur mourante et découvrir, à travers un manuscrit, le récit de ses aventures.
Ursule, rebaptisée Olympe, a réussi à se faire emmener à Paris par le duc de Richelieu, le superbe gouverneur d'Aquitaine. Elle rêve de faire carrière au théâtre, mais Richelieu l'offre à Louis XV, qui l'installe à Versailles dans sa petite maison du Parc-aux-Cerfs. Un brillant destin de favorite s'ouvre à elle...
Comme Les Adieux à la Reine, ce roman est le fruit d'une alchimie entre érudition et fantaisie. On plonge dans une époque, ses couleurs, ses odeurs, ses rites, et dans un monde dominé par l'étrange duo que forment le duc de Richelieu, le plus célèbre libertin de son siècle, et le roi Louis XV, habité par le goût de la mort, le désir des femmes et le sens du péché.
«Quand je l'ai rencontré, il arrêtait pas de me toucher, de me prendre dans ses bras, de m'embrasser le cou, de me réchauffer la nuque... Au début je comprenais pas, j'avais l'impression d'être une bête... Et puis, à force de contact, je m'y suis mise... Ah c'est doux, t'as pas idée... Ce gamin, j'ai même pas l'impression d'avoir dû faire l'amour pour qu'il arrive... C'est juste un cadeau... Et si t'ouvres ton coeur, tu pourras aussi en profiter... C'est ça que je te propose... De combler le vide... Maintenant, si t'as pas envie qu'il y ait plus d'amour dans ta vie, c'est toi que ça regarde... Moi, le bonheur, je saute dessus, et je pense pas à après...»
Cela se passe entre 1941 et 1943, dans les Abruzzes. Non loin du Gran Sasso, cette écrasante montagne qui impose sa force tellurique comme une ombre portée sur le temps. Par une de ces décisions absurdes et nocives dont le fascisme est friand, les Chinois de la péninsule ont tous été internés ici et constituent une étrange communauté, dont le mutisme est peut-être la meilleure protection. Ils sont à un moment cent seize, parfois moins, parfois plus. La vie s'écoule, sans but et sans substance. Un jour, les autorités organisent une grande cérémonie, drolatique et insensée, de conversion au catholicisme. Puis le labeur reprend, aux champs ou ailleurs, dans un mélange d'ennui, de désarroi et de fausse résignation, jusqu'au jour où tout bouge et où le groupe se disperse.
Est-ce parce qu'ils étaient une masse silencieuse et disciplinée, est-ce parce qu'ils venaient d'ailleurs, de cet Orient lointain, que l'Histoire les a gommés ?
L'auteur, en restituant une page oubliée de l'Italie mussolinienne, offre une métaphore de l'exil, de l'immigration et des menaces de l'intolérance.
Babakar est médecin. Il vit en Guadeloupe, seul avec ses souvenirs et ses rêves de jeunesse. Mais le hasard, ou la providence, place une enfant sur sa route et l'oblige à renouer avec la vie et ses espoirs.
La petite Anaïs n'a que lui. Sa mère, une réfugiée haïtienne, est morte en la mettant au monde. Babakar veut lui offrir un autre avenir. Ils s'envolent pour Haïti, à la recherche de la famille de l'enfant, une tante, des grands-parents peut-être, qui pourraient lui raconter son histoire. Là-bas, ils vont aussi croiser un cuisinier libanais, une femme peintre qui n'a jamais peint un seul tableau de sa vie, et surtout le fantôme d'une Antillaise aux yeux bleus.
Un roman envoûtant, traversé par les destinées de trois personnages, entre l'Afrique, les Antilles et Haïti. Trois hommes en quête d'eux-mêmes, liés par une indéfectible amitié et qui se débattent pour s'affranchir de leur passé.
Un humoriste gai comme une porte de prison.
Un original qui cultive sa laideur, ce qui ne l'empêche pas de plaire aux femmes.
Un collectionneur de miroirs obsessionnel et mégalomane.
Une amoureuse qui confond ses amants entre eux.
Une mythomane géniale.
Un clown métaphysique.
Trois jeunes femmes délurées qui sèment la terreur dans un village.
Un roi, intoxiqué par les sermons de Bossuet, qui s'enfuit de son palais pour devenir mendiant...
Telles sont quelques-unes des figures que l'on croisera dans ces pages où l'ironie côtoie la poésie, et le tragique l'humour débridé.
Soit, au total, soixante dix-huit histoires et portraits, subtils et percutants, ciselés à la pointe fine par l'auteur de De la Connerie et du Petit traité à l'usage de ceux qui veulent toujours avoir raison.
Le détective Achille Dunot souffre d'une étrange forme d'amnésie. Depuis un récent accident, sa mémoire ne forme plus de nouveaux souvenirs, si bien qu'il se réveille chaque matin en ayant tout oublié des événements de la veille.
Quand le chef de la police lui demande d'enquêter sur la disparition d'Émilie Brunet, une des femmes les plus riches du pays, Achille décide de tenir un journal dans lequel il consignera le soir, avant d'aller se coucher, les enseignements de la journée. Lui qui ne jure que par Agatha Christie devient ainsi à son insu le héros et le lecteur d'un drôle de roman policier... dont il est aussi l'auteur.
Très vite, tout accuse Claude Brunet, le mari de la disparue. Il a plusieurs mobiles et aucun alibi. Il se vante à demi-mot d'avoir commis le crime parfait. Mais surtout, il ose critiquer les méthodes d'Hercule Poirot...
« À l'aube du second jour, quand soudain les buildings de Coca montent, perpendiculaires à la surface du fleuve, c'est un autre homme qui sort des bois, c'est un homme hors de lui, c'est un meurtrier en puissance. Le soleil se lève, il ricoche contre les façades de verre et d'acier, irise les nappes d'hydrocarbures moirées arc-en-ciel qui auréolent les eaux, et les plaques de métal taillées en triangle qui festonnent le bordé de la pirogue, rutilant dans la lumière, dessinent une mâchoire ouverte. »
Ce livre part d'une ambition à la fois simple et folle : raconter la construction d'un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire à partir des destins croisés d'une dizaine d'hommes et femmes, tous employés du gigantesque chantier. Un roman-fleuve, « à l'américaine », qui brasse des sensations et des rêves, des paysages et des machines, des plans de carrière et des classes sociales, des corps de métiers et des corps tout court.
Peut-on parler du cancer avec distance et humour tout en l'affrontant ? Peut-on témoigner «en direct» avec force, tendresse, volonté, férocité pour lutter contre la maladie ? Peut-on rendre collectif ce qui, la plupart du temps, est caché, tabou, tu ?
C'est ce que fait Chantal Myttenaere. Lorsqu'elle apprend qu'elle a un cancer, elle recourt, pour le combattre, aux armes qui ont caractérisé toute sa vie : l'écriture et le partage. Son «voyage au pays du cancer» ne se fera pas en solitaire : un véritable réseau, sa «barrière de corail» comme elle l'appelle, se met en place, lui apportant soutien, réconfort, chaleur, et en recevant autant en retour. Des dizaines de mails, sms, messages en tous genres s'échangent, nourrissent son écriture, prouvant que la solidarité organisée et gratuite existe, qu'elle est une arme de combat efficace. Chantal Myttenaere offre ce témoignage aux autres victimes de cette maladie sournoise pour leur dire de ne jamais baisser les bras, de ne pas se laisser enfermer dans le silence, de ne pas se laisser enfermer tout court.
Et, en parlant de la mort, elle écrit un livre sur l'amitié et l'amour...