Un rire réfractaire pour prendre de la hauteur face à la pesanteur sociale, pour s'éloigner du moralisme, pour exprimer l'horreur de la guerre, pour se moquer du poids de l'argent, pour douter du mariage, pour résister à la prétention savante des savants. Roorda publiait des livres recueillant ses chroniques d'humour et d'humeur, distillées dans La Tribune et La Gazette de Lausanne, La Tribune de Genève, ainsi que des pièces de théâtre et des essais décalés. Cet écrivain singulier est célébré ici par un choix de citations, sous la forme d'aphorismes, pensées ébouriffantes, fulgurances, constatations loufoques, axiomes trop logiques pour ne pas être absurdes, réflexions sans génuflexions, méditations, arrière-pensées avant-gardistes, marottes, songes, fantaisies, sentences magnanimes, maximes minimales, points de vue imprenables et autres vues perçantes de l'esprit ...
Hélène et Billy se rencontrent. Elle est d'origine européenne, a une fille, il vient de Martinique, il est noir, a un groupe de reggae, vit en électron libre. Cela se passe simplement, ils s'installent ensemble, ont une fille, Clara. Puis un deuxième enfant, puis trois et quatre. Elle a arrêté de travailler, prend les rênes de l'appartement, s'embarque dans le bouddhisme. Il connaît des hauts et des bas professionnels. Les mois passent, l'entente s'érode, l'air de rien. Les petits les réunissent et les divisent. Parfois il disparaît, plusieurs jours, parfois elle le harcèle, pendant des heures. L'hostilité croissante entre un homme et une femme, la violence quotidienne entre un père et une mère, les manipulations et déchirements qu'éveillent les enfants, d'abord dans des disputes qui dégénèrent et dont ils sont témoins, puis dans un procès dont ils sont l'enjeu : la narratrice restitue ces scènes, tantôt de manière tendre, tantôt implacable. Quand ellemême partage la vie de Billy, elle l'accompagne pour voir les petits pendant les quelques heures de visite obtenues après des mois de lutte. Elle investit son récit avec un souci de véracité et de modernité saisissantes. L'écriture s'impose ici avec une émotion contenue et une clairvoyance remarquable : seul l'amour qui lie deux êtres ou qui s'attache à des enfants peut affronter l'existence, lorsqu'elle est devenue invivable. Il semble que, ces temps-ci, seul soit de mise un discours positif sur la puissance féminine, le côté sombre n'est jamais évoqué et l'utilisation par certaines femmes de leur pouvoir maternel tentaculaire n'est jamais souligné.
« Le clou qui dépasse rencontre souvent le marteau ». Human Tools est une entreprise internationale de services spécialisée dans la mise en place de procédures pour d’autres sociétés. Ou plutôt : Human Tools vend du vent très cher, très côté en Bourse et très discutable. Catherine, Rodolphe, Francis, Sonia, Marc, Laura travaillent pour Human Tools. Ils en sont les clous, ils valent des clous : employés non conformes, allergiques à la cravate ou aux talons hauts, trop intelligents, trop étranges, rêveurs ou aimables, trop eux-mêmes, simplement. Parce qu’ils cherchent à travailler bien, et non à cocher des cases pour statistiques, parce qu’ils souffrent de l’absence de reconnaissance, parce que la qualité totale les a rendus malades, ils sont inscrits par Frédéric, leur grand marteau, à un séminaire de remotivation dont ils ne connaissent pas la finalité réelle. Ils y seront poussés à rationnaliser leur temps, leurs corps, leurs émotions, leur espace du dedans. Ils cesseront peu à peu de penser et sentir, et ne s’en plaindront pas : d’autres attendent pour leur prendre la place et il y a le loyer à payer. Des Clous n’est pas un roman d’anticipation. Human Tools, ses pratiques, ses dirigeants, existent déjà : il n’y a qu’à observer. Jusqu’à quand ? Jusqu’à quand accepter que performances, objectifs, profits qui profitent toujours aux mêmes, puissent détruire ce qu’il y a de plus précieux en chacun ? Où trouver la force de dire : ce n’est pas acceptable ? Nos clous n’ont certes pas la réponse. Mais quelqu’un venu du dehors va les aider à écrire leur histoire, la jouer, la mettre à distance, à retrouver leur langue à eux, qui n’est pas le jargon américanisant de cette société où ils sont entrés sans réfléchir, à genoux, bégayant de gratitude pour le minuscule salaire qui justifierait leurs tâches discutables. Nos clous vont essayer de se redresser, même si le marteau est toujours là, pour la beauté du geste et pour leur survie. Nos clous vont avoir, à un moment, le choix. Liberté vertigineuse : qu’en feront-ils ?
Un gamin de treize ans, atteint d'une maladie rare qui lui donne l'aspect d'un petit vieux, est acheté par le directeur de la cantine d'une prison.
Une jeune fille, encore lycéenne, est convaincue de la culpabilité de son père, gardien d'un réservoir d'eau, dans la disparition de sa mère.
Une ancienne forgeronne ranime son fourneau pour fabriquer une chaîne de fer qui attachera son fils à un arbre.
Ces trois vies parallèles se déroulent simultanément, dans un même lieu : l'étrangement nommée île de la Noblesse. Un décor gigantesque, digne d'un film de science-fiction, où affluent les déchets et matériels électriques de tout un pays, la Chine moderne, l'atelier du monde.
Ces trois histoires, aux images brutales et fulgurantes, s'imposent par leur force poétique et leur paradoxale liberté.
« Treize heures donc. Treize heures de vol avant d'atteindre Buenos Aires. Ville inconnue, rejointe pour des raisons inexprimées. Je quittais. Mélange d'abandon et de découvertes, ouverture sur le mystère. Je suivais pas à pas l'ADN de cette liberté. Études terminées, métier délaissé, le temps était venu de disparaître. »
Au coeur de l'été argentin, Hôtel Argentina raconte l'itinéraire d'un jeune voyageur dans une famille divisée par les secrets. Rencontre avec un Buenos Aires moderne et envoûtant, le deuxième roman de Pierre Stasse est également un éloge du voyage et du souvenir.
'J'avais ouvert le cockpit, l'air marin montait jusqu'à mes narines, je fermai les yeux. Je voyais les autres, mes compagnons, ceux qui étaient morts avant moi, ceux qui avaient quitté leurs hautes écoles, leurs universités pour ceindre leur front du bandeau du kamikaze. J'entendais leurs voix, leurs rires, et maintenant ce silence. Je les revoyais sur une photographie prise avant leur départ. Casques d'aviateur, lunettes ramenées sur le front, aucun d'eux ne souriait. Ils allaient mourir. Ils le savaient. Certains semblaient farouchement déterminés, d'autres, songeurs, portaient encore sur leur visage la marque de l'enfance. Leurs fantômes me rejoignaient et me demandaient des comptes. Il fallait que je meure.'
Prix Première 2011
De longues missives en billets lapidaires, Frédéric Berthet n'a cessé de déployer son talent d'épistolier. Captivantes et drôles, tendres ou insolites, parfois bouleversantes, ces lettres inédites laissent apparaître les multiples facettes de l'écrivain, mais aussi de l'ami qu'il fut pour Roland Barthes, Philippe Sollers, Michel Déon, Jean Echenoz, Patrick Besson, Pierre Bayard, Éric Neuhoff et bien d'autres. Il s'y révèle tour à tour séducteur enjoué, expert en facéties et, à ses heures favorites, fin pêcheur à la ligne.
Un détective privé dont les affaires ne marcheraient pas très fort : c'est ainsi que Frédéric Berthet présente le héros de Daimler s'en va.
Un héros, ce Raphaël Daimler, dit Raph ? Plutôt un anti-héros. Il tombe amoureux, se fait larguer, consulte Uri Geller qui se propose de tordre une fourchette, un psy qui lui vole les photos de l'aimée. Daimler s'imagine en chien de garde, rêve qu'il est poursuivi par un oeuf au plat géant, se prend pour l'abbé Faria du Comte de Monte-Cristo. Puis il s'en va. Apparaît son ami Bonneval, lecteur du Chasseur français, qui reçoit des nouvelles de Raph : une longue lettre cocasse et posthume. Daimler s'en est allé pour considérer le monde, notre monde, d'un peu plus haut.
« Le livre de Berthet procure un plaisir fou au lecteur. Il fait un gros clin d'oeil à Salinger. Les dialogues pétaradent. C'est brillant, enlevé, français en diable. » Éric Neuhoff.
Quand il est entré dans le supermarché, il s'est dirigé vers les bières. Il a ouvert une canette et l'a bue. À quoi a-t-il pensé en étanchant sa soif, à qui, je ne le sais pas.
Ce dont je suis certain, en revanche, c'est qu'entre le moment de son arrivée et celui où les vigiles l'ont arrêté, personne n'aurait imaginé qu'il n'en sortirait pas.
Cette fiction est librement inspirée d'un fait divers, survenu à Lyon, en décembre 2009.
Un voisin durable, c'est un voisin qui trie ses déchets et me surveille pour que j'en fasse autant. Une amitié durable, c'est une amitié où l'on ne met pas en danger l'avenir de la planète, même en paroles. On évite d'aborder les sujets qui fâchent. On gobe le discours moralisateur avec le sourire. On accepte l'opportunisme marchand en ouvrant son portefeuille. On se garde de penser sans gourou, sans nounou. On se retient.
Ce livre raconte comment je ne me suis pas retenu.