Souffle en mon coeur un vent de Patagonie

Souffle en mon coeur un vent de Patagonie
Carranza Nacho
Ed. Castor Astral

Ces voyages dans ma mémoire se sont passés à une vitesse proche de l'instantanéité, en une infime fraction de milliseconde. Et je me retrouvé là, dans ma flaque boueuse, abandonné à la délicieuse incertitude du monde. Je songe alors aux passions s'immisçant dans le quotidien de nos labiles existences. A nos faits et gestes se répétant, se dédoublant, se reflétant. Au travail subtil du destin jouant avec les coordonnées de nos vies. A nos rencontres.

Toute vie est un roma, dit-on. Ou une mosaïque d'histoires. Celles de Nacho Carranza composent, entre passion et déraison, entre tendresse et perplexité, le curriculum vitae imaginaire de quelqu'un qui lui ressemble.

 

L'exote

L'exote
Dessertaine Jean-Charles
Ed. Persée

'En racontant les quelques épisodes jalonnant les chemins de l'exote, je me rends compte à quel point il a vécu dans l'hostilité de son milieu et de lui-même, grouillant toute sa vie dans ce qui demandait à jaillir au dehors mais qu'il refusait instinctivement...

...Né dans l'obsession du voyage, il semble qu'il n'ai abouti nulle part. D'ailleurs ses voyages avaient-ils vraiment un but ? Je pense qu'au fond il s'en moquait. C'est l'idée de partir qui l'animait...

...Il cherchait le non-dit, l'implicite, le mot inachevé comme on cherche à connaître la clé du Monde, une sorte de saint Graal qui ouvrirait les portes de ce à quoi il aspirait, et qu'il lui importait moins de connaître que de deviner, moins de découvrir que d'éprouver les sensations de la découverte'.

 

 

Vies potentielles

Vies potentielles
de Toledo Camille
Ed. Seuil/La librairie du XXIe siècle

Ce livre, écrit à l'aube du XXIe siècle, poursuit une seule obsession : excaver le gigantesque édifice de fictions à l'intérieur duquel nous croyons vivre une existence libre et ce, jusqu'à ressentir ou, mieux encore, cerner notre commun vertige. Les Vies potentielles sont les traces de cette excavation, l'instant où le vertige apparaît pour la première fois limpide, détaché des petites chimies préparatoires. Je les vois, ces vies, comme une série de lucarnes où projeter l'état potentiel du monde, ce curieux exil immobile auquel nous sommes aujourd'hui condamnés. C'est un état de fêlure qui transparaît dans ces multiples histoires, une misère qui se prend pour une chance, des rêves qui sont une forme douce, séduisante du cauchemar, des vies qui se refusent, par ambition, mélancolie ou joie, à renoncer aux vitalités de nos conditionnels. Que sont donc ces Vies potentielles ? Des vies qui pourraient être. Infiniment.

Requiem pour le roi. Mémoires de Louis II de Bavière

Requiem pour le roi. Mémoires de Louis II de Bavière
Bergen Véronique
Ed. Le Bord de l'eau

Un roi qui assiste à l'agonie des monarchies.
Un roi qui fait du refuge dans l'imaginaire le seul lieu où vivre.
Ame-soeur de sa cousine Elisabeth d'Autriche, dite « Sissi », protecteur de Wagner, bâtisseur de châteaux où l'onirisme des contes de fées le dispute au kitsch, Louis II de Bavière n'a cessé d'être déchiré entre une impossible incarnation du principe dynastique et des transports érotiques qui l'abîment dans l'angoisse. A travers la mise « échec et mat » d'un monarque qui régna dans le seul but de s'évader de son siècle, c'est la fin d'une époque qui se voit interrogée.
Comment venir à bout du conflit entre la charge d'une fonction royale et l'avidité de corps masculins ? Esthétisme, pacifisme, théâtre et musique ont été les planches de salut de cet ultime roi qui comprit très tôt que la scène de l'Histoire chassait les têtes couronnées, que la Prusse s'apprêtait à faire basculer l'Allemagne dans la musique de l'acier et des bombes, et que le règne de l'argent se verrait intronisé.
Au fil de douze parties d'échecs sur fond de fin des Empires, Véronique Bergen enregistre la déposition et la mise à mort d'un Roi-Lune perdu en ses songes.

 

Un lac immense et blanc

Un lac immense et blanc
Lesbre Michèle
Ed. Sabine Wespieser

Un lac immense et blanc. Je réinvente ma vie dans le désordre en mélangeant les temps, les lieux, les êtres chers, mais c'est tout de même ma vraie vie. Peut-être que cette journée est un cadeau plutôt qu'un empêchement et un rendez-vous manqué. J'attendais l'Italien, c'est Antoine qui est venu, dans le silence de la ville qui est une autre ville, lointaine et familière à la fois. M.L.

Par un matin de neige, la narratrice attend dans une gare un homme qu'elle ne connaît pas : elle a envie de parler de Ferrare avec cet étranger qui, tous les mercredis matin, dans ce Café lunaire où ils ont leurs habitudes, évoque inlassablement sa ville d'origine. Elle a pris sa journée, mais l'homme n'arrive pas par le train habituel.

Dès lors le temps s'étire, en autant de fondus enchaînés que favorise la blancheur environnante : les grilles du Jardin des Plantes s'estompent, laissant place au « lac immense et blanc », noyé sous la neige de l'Aubrac, où Édith Arnaud vécut ses premières amours et ses premiers combats politiques. Elle n'a jamais revu Antoine, le jeune homme en colère qui, à l'aube des années soixante, voulait changer le monde. Sa silhouette traverse le récit et bientôt se superpose à celle de l'Italien du delta du Pô, dont les brumes hantent le paysage mental de cette femme rompue à l'usage du monde.

Le temps qui passe, la perte des illusions et les rendez-vous manqués ont pourtant éveillé en elle une joyeuse mélancolie. Témoin ses dialogues loufoques avec le corbeau freux du Jardin des Plantes. Dans le silence et la blancheur de cette journée particulière, la solitude a moins que jamais le goût des renoncements.

Entrelaçant fiction et expérience intime, Michèle Lesbre est, dans ce récit lumineux, au plus près d'elle-même.

Le monde sans vous

Le monde sans vous
Germain Sylvie
Ed. Albin Michel

«Chacun recèle dans son imaginaire un atlas amoureux qu'il compulse selon sa fantaisie. Un atlas amoureux est forcément extravagant, illustré de cartes et de planches qui ne respectent pas toujours la bonne échelle. C'est un imprécis de géographie passionnelle.»

Que le voyage soit dans l'espace, la Sibérie en transsibérien jusqu'à Vladivostok, ou dans le temps, le souvenir des êtres chers et disparus, Sylvie Germain, par la puissance et la beauté des images qu'elle évoque, nous en fait partager l'émotion, la force des sentiments, l'aura des légendes qui le nimbe et la fragilité de toute existence.

Une fille occupée

Une fille occupée
Conil Dominique
Ed. Actes Sud

Le père écrivait, beaucoup, des polars qui nourrissaient la famille. La mère ne vivait que pour lire et noircir des blocs Rhodia destinés à la destruction. Autour de la machine à écrire, Ka et son frère grandissaient dans leur banlieue ouest avec l'idée que le réel était une réserve d'expériences à recycler dans les livres.

Occupée comme on le dit d'une zone, aspirant dès lors à une libération, Ka est partie. Dans un village méridional elle a rencontré Manuel, le bègue qui ne lit pas, cambrioleur par passion des objets qui racontent une histoire. Les casses, Ka veut en être, et vivre ainsi les romans policiers que d'autres écrivent...

Volontiers elliptique, heurtée, à la fois tendre et brusque, l'écriture de Dominique Conil suit son héroïne dans ses hésitations et ses ruptures, au fil d'un parcours en forme de fuite vers l'indépendance, vers un certain renoncement aussi. Sur les névroses familiales et les stratégies d'évitement, sur la tentation de la marge et du vide, Une fille occupée est un roman intense et vibrant, porté par l'énergie du désespoir et une ironie féroce.

Noir souci

Noir souci
de Ceccatty René
Ed. Flammarion

Une passion chaste, ainsi peut-on définir le lien qui unit Giacomo Leopardi et Antonio Ranieri dès leur rencontre. Le premier, philosophe et poète, avait à peine plus de trente ans. Mais son génie étouffait dans son environnement familial. Le second, révolutionnaire napolitain en cavale, avait une vingtaine d'années. Ils fuient Florence où pourtant Leopardi est admiré par un cercle d'intellectuels et s'installent ensemble à Naples où les attend le choléra. Le destin du plus grand écrivain romantique italien, mourant dans les bras d'un jeune homme dont, disait-il, « seule la foudre de Jupiter pourrait le séparer », a suivi un cours romanesque. J'ai voulu comprendre cet amour étrange, auquel se mêlent la création poétique, le combat politique et la maladie. Leur histoire est devenue une part de la mienne.

Dieu s'amuse

Dieu s'amuse
Lambert Michel
Ed. Pierre-Guillaume de Roux

Cela peut arriver n'importe où. Dans le froid et la pluie d'hiver. Par une chaude après-midi d'été. En pleine ville. Au bord de la mer. Tout près d'un casino ou encore un jour de carnaval où tous déambulent, parfaitement méconnaissables... Soudain quelqu'un vous bouscule et vous voilà nez à nez avec l'être qui a détruit votre existence : le rival qui vous a pris votre fiancée, le père qui ne vous a pas aimé, la maîtresse que vous avez rejetée. Vous brûlez d'en venir aux mains. Mais non, vous pressentez que tout se jouera autrement. Au-delà de la haine, de l'angoisse et du remords. Autour de vous, la vie continue à suivre son cours : des musiques s'échappent des bars, des voitures accélèrent, des rires résonnent. Et vous pressez l'allure, histoire d'échapper au fantôme du passé qui s'attache à vos pas. Une course-poursuite qui durera toute la nuit. Jusqu'à échanger enfin un regard, une parole de compassion au point du jour.

Neuf nouvelles en forme de déambulations sur le thème des retrouvailles.

 

Le rouge et le noir

Le rouge et le noir
Nom de famille Prénom
Ed. fff

« Comme dans les oeuvres de Paul Bowles, se mêlent à l'itinéraire de cette femme, qui se révèle à elle-même, tension narrative et étrangeté... Captivant et surprenant... » Joyce Carol Oates

Veuve depuis peu, Yvonne, la cinquantaine, accepte l'invitation de ses enfants à une croisière en Méditerranée. Avant de retrouver les siens, elle a décidé de séjourner une semaine seule à Datça, sur la côte turque, où elle avait passé sa lune de miel vingt-huit ans auparavant, pour se replonger dans le souvenir des jours heureux.

Ces souvenirs la perturbent plus qu'ils ne lui apportent de réconfort, et le séjour, avec son cortège de rencontres insolites, ne se déroule pas comme prévu. Il n'y a guère qu'avec Ahmet, petit pêcheur de coquillages qui ne parle pas un mot d'anglais, qu'Yvonne parvient à oublier ses soucis. Jusqu'à ce qu'un tragique accident vienne semer le chaos dans sa vie...

Dans ce livre troublant et sensible, Vendela Vida, l'auteur remarquée de Sans gravité, réussit un très beau portrait de femme. Sa prose détachée et sobre, sa finesse d'observation restituent la grâce et les zones d'ombre des sentiments, et la quête intérieure qu'évoque le voyage.

« Le portrait brillant et convaincant d'une femme qui cherche à soulager une douleur qui ne peut pas vraiment disparaître. » The New York Times

« Un formidable talent pour retracer le parcours de la mémoire et des émotions. Une variation élégante sur la manière dont la mort et la distance resserrent les liens entre les êtres. » Kirkus Reviews

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