Eva est amoureuse. Il faudrait se dit-elle mettre amour et toujours dans le même poème, mais elle sait que toujours n'existe que pour les framboises écrasées sur les nappes trop blanches alors elle plonge dans la confiture, comme si l'on pouvait se noyer dans un bocal avec l'amour posé au bord. Et l'amour se penche et attrape la cheville déjà sucrée d'Eva mais glisse lui aussi dans les framboises rouges éclaboussant au passage l'entourage qui prend le jus pour du sang. Dans le fond du bocal Eva trouve l'amour accroché à sa cheville et le prend dans ses bras et lui dit pour toujours mon amour, la vie est un poème où l'on ne peut que se noyer. L'amour n'entend rien, avec la confiture dans ses oreilles mais il est bien, dans les bras d'Eva qui pourtant le lâche et lui tourne autour en quelques brasses jusqu'à la ligne sombre entre ses fesses qu'elle trace de sa langue coquine pour laisser une chance à la rime. Avant de sortir du bocal.
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C'est toi qui m'en avais parlé la première. Je n'avais pas écouté les nouvelles ce matin-là et j'avais passé la journée à la mairie dans une de ces réunions officielles où quelque mandarin suffisant vient expliquer aux associatifs comment récupérer une poignée de miettes qui tombent de la table. Ces gens-là n'entendent pas les cris de désespoir et personne n'avait donc pipé mot de l'assassinat d'une jeune Nigériane par la police. Je poussais mon caddie quand je t'ai vue au bout du rayon bières déballer des canettes serties dans leur emballage de plastique. Tu as levé les yeux, tu as interrompu ton geste, tu m'as fixé et tu as lancé, dure, comme pour me punir de t'avoir surprise : « Alors, qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? »
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Nadia, la narratrice, est institutrice à Bordeaux dans la même école que son mari, Ange. Ils vivent leur profession comme un apostolat et en tirent une authentique félicité.
Mais depuis quelque temps le couple est l'objet d'une vindicte générale, harcelante et inexplicable. Personne ne les regarde plus en face, personne n'accepte d'entendre le son de leurs voix, les enfants ont peur d'eux...
Nadia tente de comprendre la nature du complot qui la broie, tandis qu'un brouillard épais ensevelit Bordeaux. Quelle faute a-t-elle commise, qui justifierait ses malheurs ? Pourquoi son fils s'est-il éloigné d'elle ? Ange est-il vraiment son allié dans l'épreuve ? Et qui est ce voisin qui les accable de propos lénifiants, ce Noget qu'ils avaient toujours méprisé et qui s'impose peu à peu comme leur protecteur tout-puissant ?
Le nouveau roman de Marie NDiaye baigne dans une clarté crépusculaire. L'écriture étonne encore une fois par sa précision, sa retenue, sa profonde singularité. La douceur constante du ton, le caractère familier des épisodes qui se succèdent, l'enchaînement implacable et comme naturel des malheurs qui frappent la narratrice, mais aussi les fréquentes pointes d'humour et la cocasserie des situations plongent le lecteur dans le ravissement inquiet que font naître les contes.
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Enfant, m'a-t-on dit, je voulais être avec ma mère, ne pas la quitter, qu'elle ne me quitte pas. On me l'a rappelé plus tard, dès la fin de la guerre, avec attendrissement, ou pour se moquer un peu de mes désirs d'indépendance.
A présent, je ne peux plus être avec elle, ni même près ou auprès d'elle. Dans l'état où elle est, ce que je peux espérer en allant la voir et en y passant du temps, c'est qu'elle regardera dans ma direction, sans me reconnaître vraiment, et qu'elle me permettra ainsi d'être devant elle, de lui parler pour réveiller brièvement sa capacité à mimer une conversation, de lui donner à manger. Je la reconnais, je la regarde, je l'écoute. Malgré notre connivence humoristique de toujours, à présent presque totalement détruite, je me sens comme devant une figure très ancienne, une statue faiblement animée mais puissante, monumentale. P.P.
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J'étais en route vers la côte landaise, où je devais aider des amis à désensabler leur maison. Plus tard, je m'installerais à Bordeaux, c'était décidé. En attendant, j'avais l'intention de vivre un peu, juste assez pour que ça me laisse des souvenirs. Il y avait peu de chances, toutefois, que quelque chose m'arrive sur la dune déserte, entre deux pelletées. Puis, à l'hôtel, j'ai rencontré Charles Dugain-Liedgester, qui ne dormait plus avec sa femme et qui lisait tard le soir.
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C'est l'histoire d'un frère et d'une soeur dans une ville dont l'industrie se meurt. Un fleuve, une fabrique, la canicule, deux pommes pourries, deux miroirs...
«Ils marchent sans savoir ce qui les fait marcher, pourquoi ils marchent ensemble ni quel projet les guide sinon l'instinct d'être ce qu'ils sont, c'est-à-dire rien, rien d'utile, rien qui guérisse ou soulage, rien que ce rien dont plus personne ne veut, l'état du monde aidant et filant vers le rien.»
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Depuis que Louis XIV s'est fait construire une ménagerie non loin de son palais de Versailles, le marquis de Dunan ne dort plus. Et s'il fournissait au Roi une bête féroce, au côté des pélicans et des autruches qu'admirent déjà les courtisans ? Sa gloire et sa fortune seraient faites...
Mais Dunan court en vain les foires du Royaume : les spécimens intéressants sont rares. Il en faudrait plus pour décourager notre homme, qui se lance alors dans une folle aventure où les fauves ne sont pas toujours ceux qu'on croit...
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Dans les années 30 du siècle dernier, un petit Marseillais connaît l'exil jusqu'à la froide et lointaine Bruxelles, où ce cinéphile en herbe trouve cependant de quoi assouvir sa passion dans cent vingt salles obscures que compte alors la capitale belge. Entre deux séances, le minot fait les quatre cents coups en compagnie de ses frères et trouve peu à peu sa place dans l'existence malgré l'absence du père, célèbre joueur de l'Olympique de Marseille, et les profonds troubles du comportement de sa mère.
Une chronique douce-amère, empreinte de pudeur, de nostalgie et d'humour, sous la forme de fragments arrachés à l'oubli qui finissent pas composer un émouvant autoportrait avec 'juste ce qu'il faut pour fondre d'affection pour ce gosse qui joue à être heureux et nous raconte ses premiers émerveillements.' (Adamo)
Sous le nom de Tibet, Gilbert Gascard est devenu une légende de la bande dessinée. Créateur de Chick Bill et de Ric Hochet, son personnage fétiche dont on a récemment fêté le cinquantième anniversaire, il signe ici son premier texte littéraire.
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'Les Landes, la campagne normande ou les îles Fortunées : il fallait bien se poser quelque part. Je n'ai pas choisi la maison dans la forêt. Elle s'est proposée à moi, par défaut, à une époque confuse de mon existence. Choix hâtif auquel je suis lié à jamais.'
Détenu au Liban pendant trois ans, le narrateur choisit après après sa libération de s'installer au coeur de la forêt landaise. Deux maçons taciturnes restaurent la maison. Il campe au milieu du chantier, rééduquant ses cinq sens au contact de la nature. Il va devenir prisonnier de la demeure dans la clairière et prendre de plus en plus de goût à cette dépendance. Dans cette parenthèse qui sépare la fin de l'épreuve du retour un monde des vivants, il écrit ce livre de la délectation où les odeurs, les visions et les rumeurs du monde sont nommées comme au premier jour.
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S'il était donné à l'auteur de former un voeu pour ces pages, ce serait qu'elles rendent un peu de la surprise des vérités vécues, sans autre souci que de concision et d'intensité. J.P. M.
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A signaler : les éditions William Blake & Co. dont Jean-Paul Michel est fondateur et directeur proposent un très intéressant catalogue, de poésie principalement.