Fini mère

Fini mère
Haller Gérard
Ed. Galilée

Que les mères aussi meurent, chacun le sait, et c'est pour chacun l'inimaginable même. On le pressent, on s'y prépare, on se le répète : elle va mourir, elle va mourir, mais on n'y croit pas. Et cependant ça vient, un jour c'est là, c'est elle maintenant devant nous le dieu qui meurt et part.

De cela, qui laisse sans voix tout d'abord, comment témoigner ? Avec quels mots, assez pauvres pour seulement nous tenir ensemble jusqu'au bord ? Car il faut les mots : il faut dire adieu - et il faut accueillir le nom ainsi confié à la seule garde des vivants. C'est une « scène » encore : cette scène ultime où, depuis l'autre bord du ciel, tout fait retour et finit, se sépare, se partage. Nuit et lumière. Vie et mort. Toi et moi et les mots entre nous qui font le coeur vide de l'amour.
Présentation de l'éditeur

Poésie

Tombe de sommeil

Tombe de sommeil
Nancy Jean-Luc
Ed. Galilée

Le sommeil n'intéresse guère la philosophie que comme une négativité sans emploi, sans autre usage que le repos du corps ou bien la production de signes d'une nuit de l'âme.

« Le sommeil de la raison engendre des monstres » est une sentence des Lumières qu'il ne s'agit pas de mettre en doute. Mais il convient aussi de se demander s'il n'existe pas quelque chose comme une raison du sommeil, une raison à l'oeuvre dans la forme ou dans la modalité du sommeil. C'est-à-dire dans un être-en-soi qui n'est pas un « soi », dans une absence d'égoïté, d'apparaître et d'intention, dans un abandon grâce auquel se creuse un non-lieu partagé par tous.

S'y atteste quelque chose comme une égalité de tous dans le rythme du monde. Avec elle, une victoire toujours renouvelée sur la peur de la nuit. Une confiance dans le retour du jour, dans le retour à soi, à nous - chaque jour différents, imprévus, non doués de significations préalables.

Car c'est de trouver à nouveau le sens qu'il s'agit dans cette supposée perte de sens, de conscience et de contrôle. Non pas retrouver du sens qui serait déjà prêt, comme celui des philosophies, des religions, des progressismes ou des intégrismes (de tous les -ismes, dont la démolition n'est jamais assez farouche), mais ouvrir à nouveau la source qui n'est pas celle d'un sens, mais qui fait la plus propre nature du sens, sa vérité : l'ouverture, le jaillissement, l'infini.

Sommeil comme ressource du commencement, du recommencement. Veille d'un lendemain auquel on ne demande rien que de venir. Confiance sans promesse à travers la nuit que traverse en ce moment la terre difficile aux hommes.

(À l'aube, les bêtes viennent lécher les sueurs, les humeurs ou les pleurs de la nuit.)
Présentation de l'éditeur

La route fantôme

La route fantôme
Cosmeur Frédéric
Ed. Corti

Qui n'a jamais rêvé de partir ? Cette tentation et cette interrogation, qui étaient déjà présentes dans le premier récit de Cosmeur, Jean, sont au centre de La Route fantôme, avec toute l'ambiguïté que recèle cette question. Quête d'absolu ou fuite ?

À la suite du décès de sa mère, Julien accepte de se rendre aux États-Unis à la recherche de la tante Éléonore, disparue depuis vingt ans dans l'Ouest américain, avec le seul secours de quelques cartes postales qu'elle envoyait à ses enfants, les jumeaux Aline et Germain.

Ce qui, au départ, n'était pour Julien qu'une sorte de jeu - retrouver une disparue avec peu d'indices - et de revanche - en finir avec son propre passé américain -, sera en fin de compte une sorte de retour initiatique, l'apprentissage d'une ouverture au monde et aux autres.

Entre immobilité rêveuse et voyage prétexte, se déploie le livre d'un poète.
Présentation de l'éditeur

L'amour, ou juste à côté

L'amour, ou juste à côté
Jane Lee Aurelia
Ed. Luce Wilquin

Parce que tout le monde le cherche. Sans que personne, en somme, ne sache exactement ce que c'est. Parce que souvent on le trouve là où on ne l'attendait pas. Juste à côté. Parce que peut-être que l'amour, c'est ça aussi. Des déceptions qui nous grandissent, des rencontres et des détours imprévus. Des trop tôt, des pas assez longtemps, des je n'aurais jamais cru.

Neuf histoires qui interrogent cette impression de passer à côté de l'amour. Et si on n'avait rien raté? Ou si, du moins, il y avait quelque chose à prendre là aussi, dans ces faux départs, ces romances avortées, ces rêves qui tournent court? Neuf nouvelles qui nous rappellent que l'amour n'a jamais fini de nous surprendre et possède des formes infinies.
Présentation de l'éditeur

Amoureuse

Amoureuse
Kavian Eva
Ed. Carnets du Dessert de Lune

Eva est amoureuse. Il faudrait se dit-elle mettre amour et toujours dans le même poème, mais elle sait que toujours n'existe que pour les framboises écrasées sur les nappes trop blanches alors elle plonge dans la confiture, comme si l'on pouvait se noyer dans un bocal avec l'amour posé au bord. Et l'amour se penche et attrape la cheville déjà sucrée d'Eva mais glisse lui aussi dans les framboises rouges éclaboussant au passage l'entourage qui prend le jus pour du sang. Dans le fond du bocal Eva trouve l'amour accroché à sa cheville et le prend dans ses bras et lui dit pour toujours mon amour, la vie est un poème où l'on ne peut que se noyer. L'amour n'entend rien, avec la confiture dans ses oreilles mais il est bien, dans les bras d'Eva qui pourtant le lâche et lui tourne autour en quelques brasses jusqu'à la ligne sombre entre ses fesses qu'elle trace de sa langue coquine pour laisser une chance à la rime. Avant de sortir du bocal.
Présentation de l'éditeur

Une enfance d'en bas

Une enfance d'en bas
Griez Jean-Pierre
Ed. Cerisier

C'est toi qui m'en avais parlé la première. Je n'avais pas écouté les nouvelles ce matin-là et j'avais passé la journée à la mairie dans une de ces réunions officielles où quelque mandarin suffisant vient expliquer aux associatifs comment récupérer une poignée de miettes qui tombent de la table. Ces gens-là n'entendent pas les cris de désespoir et personne n'avait donc pipé mot de l'assassinat d'une jeune Nigériane par la police. Je poussais mon caddie quand je t'ai vue au bout du rayon bières déballer des canettes serties dans leur emballage de plastique. Tu as levé les yeux, tu as interrompu ton geste, tu m'as fixé et tu as lancé, dure, comme pour me punir de t'avoir surprise : « Alors, qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? »
Présentation de l'éditeur

Mon coeur à l'étroit

Mon coeur à l'étroit
Ndiaye Marie
Ed. Gallimard/Blanche

Nadia, la narratrice, est institutrice à Bordeaux dans la même école que son mari, Ange. Ils vivent leur profession comme un apostolat et en tirent une authentique félicité.

Mais depuis quelque temps le couple est l'objet d'une vindicte générale, harcelante et inexplicable. Personne ne les regarde plus en face, personne n'accepte d'entendre le son de leurs voix, les enfants ont peur d'eux...

Nadia tente de comprendre la nature du complot qui la broie, tandis qu'un brouillard épais ensevelit Bordeaux. Quelle faute a-t-elle commise, qui justifierait ses malheurs ? Pourquoi son fils s'est-il éloigné d'elle ? Ange est-il vraiment son allié dans l'épreuve ? Et qui est ce voisin qui les accable de propos lénifiants, ce Noget qu'ils avaient toujours méprisé et qui s'impose peu à peu comme leur protecteur tout-puissant ?

Le nouveau roman de Marie NDiaye baigne dans une clarté crépusculaire. L'écriture étonne encore une fois par sa précision, sa retenue, sa profonde singularité. La douceur constante du ton, le caractère familier des épisodes qui se succèdent, l'enchaînement implacable et comme naturel des malheurs qui frappent la narratrice, mais aussi les fréquentes pointes d'humour et la cocasserie des situations plongent le lecteur dans le ravissement inquiet que font naître les contes.
Présentation de l'éditeur

Devant ma mère

Devant ma mère
Pachet Pierre
Ed. Gallimard/L'un et l'autre

Enfant, m'a-t-on dit, je voulais être avec ma mère, ne pas la quitter, qu'elle ne me quitte pas. On me l'a rappelé plus tard, dès la fin de la guerre, avec attendrissement, ou pour se moquer un peu de mes désirs d'indépendance.
A présent, je ne peux plus être avec elle, ni même près ou auprès d'elle. Dans l'état où elle est, ce que je peux espérer en allant la voir et en y passant du temps, c'est qu'elle regardera dans ma direction, sans me reconnaître vraiment, et qu'elle me permettra ainsi d'être devant elle, de lui parler pour réveiller brièvement sa capacité à mimer une conversation, de lui donner à manger. Je la reconnais, je la regarde, je l'écoute. Malgré notre connivence humoristique de toujours, à présent presque totalement détruite, je me sens comme devant une figure très ancienne, une statue faiblement animée mais puissante, monumentale. P.P.

Présentation de l'éditeur

Sur la dune

Sur la dune
Oster Christian
Ed. Minuit

J'étais en route vers la côte landaise, où je devais aider des amis à désensabler leur maison. Plus tard, je m'installerais à Bordeaux, c'était décidé. En attendant, j'avais l'intention de vivre un peu, juste assez pour que ça me laisse des souvenirs. Il y avait peu de chances, toutefois, que quelque chose m'arrive sur la dune déserte, entre deux pelletées. Puis, à l'hôtel, j'ai rencontré Charles Dugain-Liedgester, qui ne dormait plus avec sa femme et qui lisait tard le soir.
Présentation de l'éditeur

Karl et Lola

Karl et Lola
Lamarche Caroline
Ed. Gallimard/Blanche

C'est l'histoire d'un frère et d'une soeur dans une ville dont l'industrie se meurt. Un fleuve, une fabrique, la canicule, deux pommes pourries, deux miroirs...

«Ils marchent sans savoir ce qui les fait marcher, pourquoi ils marchent ensemble ni quel projet les guide sinon l'instinct d'être ce qu'ils sont, c'est-à-dire rien, rien d'utile, rien qui guérisse ou soulage, rien que ce rien dont plus personne ne veut, l'état du monde aidant et filant vers le rien.»
Présentation de l'éditeur

Newsletter