C'est l'histoire d'une Américaine à Paris, qui est née à Brooklyn et vit en France depuis son enfance. « Qui suis-je ? », est-ce que c'est : « D'où je viens ? » Bien sûr que non. Mais c'est une façon de raconter le passé, lointain et proche, et le présent. Alors le borscht et les ice-creams, le chewing-gum et le pain perdu, Broadway et Montparnasse, les comédies musicales et les films de Chaplin, sensations et images, mots anglais, mots français, enfance et adolescence, amour et politique, après-guerre et années 60, le monde s'ouvre, se referme, la vie se creuse, se déploie, et l'Amérique est toujours présente, réelle comme le rêve ou le cauchemar, infinie comme la fiction.
Une observation précise des oreilles conduit le narrateur à méditer jusqu'à l'hallucination sur le silence ; du sucre répandu sur une table évoque un monde secret ; l'immobilité d'une jeune fille pendant des heures à une terrasse de café ; les rites funèbres d'un club érotique barcelonais ; un dictateur se décompose physiquement pendant l'audition de la symphonie de Franck ; pourquoi les Japonaises ont la peau blanche ; une nuit dans la maison de Frida Kahlo ; l'art d'un faiseur de bulles ; une nageuse unijambiste, et bien d'autres anecdotes, choses vues ou entendues, rêves, réflexions, redéfinition du réel, etc.
A quelques mois de la retraite, Mohamed n'a aucune envie de quitter l'atelier où il a travaillé presque toute sa vie depuis qu'il est parti du bled. Afin de chasser le malaise diffus qui l'envahit, il s'interroge sur lui-même avec simplicité et humilité. Il pense à son amour profond pour l'islam, dont il n'aime pas les dérives fanatiques ; il se désole de voir ses enfants si éloignés de leurs racines marocaines ; il réalise surtout à quel point la retraite est pour lui le plus grand malheur de son existence.
Un matin, il prend la route de son village natal, décidé à construire une immense maison qui accueillera tous ses enfants.
Un retour 'au pays' qui sera loin de ressembler à ce qu'il imaginait.
Nous sommes en 1942 : l'Europe est à feu et à sang, la Suisse est travaillée de sombres influences. A Payerne, rurale, cossue, ville de charcutiers « confite dans la vanité et le saindoux », le chômage aiguise les rancoeurs et la haine ancestrale du Juif. Autour d'un « gauleiter » local, le garagiste Fernand Ischi, sorti d'une opérette rhénane, et d'un pasteur sans paroisse, proche de la légation nazie à Berne, le pasteur Lugrin, s'organise un complot de revanchards au front bas, d'oisifs que fascine la virilité germanique. Ils veulent du sang. Une victime expiatoire. Ce sera Arthur Bloch, marchand de bestiaux.
A la suite du Vampire de Ropraz, c'est un autre roman, splendide d'exactitude et de description, d'atmosphère et de secret, que Jacques Chessex nous donne. Les assassins sont dans la ville.
Catherine Kitty Genovese n'aurait pas dû sortir seule ce soir de mars 1964 du bar où elle travaillait, une nuit de grand froid, dans le quartier de Queens à New York. Sa mort a été signalée par un entrefilet dans le journal du lendemain : «Une habitante du quartier meurt poignardée devant chez elle.» On arrête peu de temps après Winston Moseley, monstre froid et père de famille. Rien de plus. Une fin anonyme pour cette jeune femme drôle et jolie d'à peine trente ans. Mais savait-on que le martyre de Kitty Genovese a duré plus d'une demi-heure, et surtout, que trente-huit témoins hommes et femmes, bien au chaud derrière leurs fenêtres, ont vu ou entendu la mise à mort ? Aucun n'est intervenu. Qui est le plus coupable ? Le criminel ou l'indifférent ?
A la fois récit saisissant de réalisme et réflexion sur la lâcheté humaine, traversée d'un New York insalubre et résurrection d'une victime, le roman de Didier Decoin se lit dans un frisson.
Une ville-monde où le passé a laissé sa patine sur les façades des vieux palais, où la mémoire fait resurgir les mille histoires de la colonisation britannique, où le passage du temps appelle plus qu'ailleurs la mélancolie : telle apparaît Calcutta pour le narrateur, qui retrouve les lieux où il a vécu dix ans auparavant.
Projetant d'écrire un livre sur les fantômes qui hantent Calcutta, il parcourt la ville, et ses rencontres l'amènent à ressusciter les voix qui se sont tues, mais aussi à se confronter à ses propres spectres.
Dans un texte atypique, où se mêlent fiction et enquête, Sébastien Ortiz dresse le portrait inédit d'une grande cité chargée d'âmes, élevée à la puissance de ses fantômes.
Le 21 août 1609, à Venise, Galilée monte les escaliers du campanile de la place Saint-Marc : derrière lui les princes de la ville, de l'Église et de la famille Médicis. La première démonstration officielle de sa lunette astronomique va fasciner toute l'Europe. Bientôt il fait appel aux meilleurs verriers de Murano pour ciseler des lentilles et perfectionner l'invention. Les astronomes du monde entier vont découvrir, tantôt émerveillés, tantôt consternés, le spectacle des satellites de Jupiter, la surface de la Lune et les profondeurs du cosmos, qui mettent à bas l'enseignement d'Aristote au profit du système de Copernic...
Pendant ce temps, à Prague, le mathématicien impérial de Rodolphe II, Johann Kepler, n'a pas attendu la lunette pour révolutionner l'astronomie. Il a déjà découvert les lois mathématiques des mouvements planétaires et les principes de base de l'optique. Lui seul comprend le fonctionnement de la lunette astronomique et peut attester de la réalité des observations de son confrère italien. L'oeil de Galilée, c'est lui, Kepler.
Dans son nouveau roman, Jean-Pierre Luminet conte comment ces deux géants de la science se sont progressivement apprivoisés sans jamais se rencontrer : Kepler, aux prodigieuses capacités mathématiques mais fasciné par les mondes occultes ; Galilée et son génie rationnel de la mécanique, prudent sous le regard menaçant du Saint-Office.
Presque quarante ans après la séparation qui a sonné le glas d'une amitié de jeunesse, un coup de téléphone de Bastien convoque brutalement Simon à un rendez-vous, contraignant ainsi ce dernier à renouer avec le souvenir de cet ami disparu qui, après avoir fait naître chez l'enfant solitaire qu'il était un rêve de beauté, de communauté et d'harmonie, devait, à la fin de l'adolescence, le laisser aux prises avec l'énigme d'un abandon aussi soudain que définitif.
Dans l'espoir d'obtenir enfin l'explication à un événement qui a pris en otage une partie de sa vie, Simon se résout à accepter l'invitation de Bastien à venir le rejoindre sur les lieux de l'enfance et à confronter le démon de l'interprétation aux surprises du réel...
Radiographie de toute relation humaine en ce qu'elle recèle toujours d'insondable mystère, remémoration, écorchée vive, d'une expérience de fascination restituée au fil d'une écriture musicale, ample et précise, cet étonnant roman d'apprentissage à rebours replace magistralement le principe d'incertitude au coeur des préoccupations de la fiction.
Le 31 mai 1906, à Madrid, le peuple en liesse célèbre le mariage d'Alphonse XIII avec une princesse anglaise de dix-neuf ans, Victoire-Eugénie de Battenberg. Le cortège nuptial progresse lentement à travers la ville. Mais le pas paisible des chevaux cache mal ce qui se prépare au bout du parcours, à deux pas du palais royal.
C'est cet événement historique qui a inspiré à Robert Pagani Mon roi mon amour. Séduit par le sort d'une jeune femme devenue reine d'Espagne dans des circonstances aussi dramatiques que violemment romantiques, il s'est glissé dans la peau de Victoire-Eugénie.
Mélange d'innocence et d'érotisme, ce court roman au style très vif est à la fois lyrique, torride et plein d'humour.
Où l'on part à la recherche d'Eugenio Tramonti, le protagoniste du Vol du pigeon voyageur et de La Jubilation des hasards, disparu quelque part en Mongolie. Pour le retrouver il faudra traverser des états de réalité peu ordinaires et accepter de se laisser guider par quelques personnages emblématiques : un Chinois qui présente la particularité de maîtriser ses rêves ; une chamane mongole qui s'absente parfois quelques jours pour voyager dans d'autres mondes dont elle ne se souvient pas ; une Sibérienne qui fréquente assidûment les choses invisibles ; un jeune garçon, apprenti chaman, qui vient interférer dans les rêves du Chinois ; une vieille femme aux identités mouvantes ; une divinité lacustre aux faux airs de renard ; des juments, un aigle et un loup ; sans compter quelques narrateurs, anonymes ou pas, disséminés entre Oulan Bator et Pékin, le lac Baïkal et les hauts sommets de l'ouest de la Mongolie. Les mondes se chevauchent, les histoires se répondent les unes aux autres, les fenêtres de l'imaginaire sont grandes ouvertes, les narrateurs se superposent, et le principe de réalité tremble sur ses bases, à la fois labile, humoristique et fuyant. Et ce faisant c'est une autre réalité qui se trouve posée là - ou tout un réseau de réalités qui s'entrecroisent, car l'instabilité est féconde, et la littérature s'accommode bien de ce flou des frontières.