Mariée depuis six ans à Jean, Marie considère son existence comme heureuse. Et pourtant... le bonheur n'est-il qu'une douce routine baignée d'ennui et de vide ? Marie prend soin de Jean comme si elle était sa mère, Jean lui parle comme à une enfant. Est-elle encore femme ? Oui, elle l'est tout à coup, pour un autre qui enflamme son désir, un tout jeune homme qui lui a demandé « Vous aimez l'aventure ? » et qui lui laisse son numéro de téléphone.
Marie, cette eau qui dort, rêve de tempêtes. Marie la patiente, la silencieuse, ouvre les yeux et se rend disponible au monde.
Histoire d'un voyage introspectif et d'un retour à la lumière, A la recherche de Marie évoque les tourments de l'âme et du coeur avec une sensualité fraîche pleine de pudeur. Dans une langue épurée, légère et précise, Madeleine Bourdouxhe célèbre l'écoute intime et l'émancipation des prisons bâties par la tradition, la famille, l'habitude - et par soi-même.
En 2004, soit trois ans avant son suicide, Édouard Levé rapporte d'un séjour aux États-Unis la série de photos Amérique. Il s'agit, à première vue, de paysages urbains et de portraits, ceux-ci toujours frontaux, inexpressifs, ceux-là étranges en raison de leur banalité même et des noms que portent les villes photographiées : Florence, Berlin, Oxford, Delhi, Bagdad... Or à regarder de plus près cette Amérique-là on s'aperçoit que s'y trouve surtout mise en scène l'obsession prémonitoire de la mort, et qu'il s'agit en réalité d'autoportraits de l'artiste en quelqu'un d'autre, ou en décor, ou en objet, tous figés de quelque manière entre la présence et l'absence, le quelque chose et le rien.
J'ai pris appui sur cent de ces photos. À chacune, dont j'empruntais le titre, j'ai substitué trois énoncés fragmentaires, amputés de leur début comme de leur fin. Textes de la sorte serrés entre deux abîmes, par lesquels j'entendais, rendant hommage à l'oeuvre source, explorer de biais cela qui non plus que le soleil - La Rochefoucauld le dit en ses Maximes - ne se peut regarder fixement.
Bline revient dans la ville de son enfance où son père, un éminent spécialiste de la période seldjoukide a trouvé la mort dans de troublantes circonstances.
Benedikt Centaure-Wattelet dit monsieur Ben mange des saucisses aux lentilles à minuit passé, tout seul dans sa cuisine à Rhode-Saint-Genèse près de Bruxelles. Trafiquant d'art, spécialisé dans la période grecque pré-chrétienne, il prépare sa dernière affaire, l'apothéose de sa carrière.
La jeune fille est loin d'imaginer que son père ait pu être en contact avec monsieur Ben.
Une fois que j'aurai disparu, qui peut attester que ceux-là sur la photo sont mes parents ? Personne. Personne qui le sache de première main. Qui regardera cette photo pourra dire ce qu'il voit et pas davantage : une femme, un homme, deux personnes autour de la quarantaine, des inconnus dans un jardin à qui on peut prêter le destin qu'on veut. Deux êtres vous fixent. Qui sont-ils ? On ne sait pas. Et dans le silence de la photo vous laissez filer votre désir. Ils étaient ceci et cela. Ils vivaient comme ceci et comme cela. Une fois que je ne serai plus là pour attester leur existence, ceux-là basculeront dans l'univers des fictions possibles. Par exemple : l'homme est né à Saint-Pétersbourg, la femme à la frontière de la Pologne. Ils sont soviétiques, astrophysiciens l'un et l'autre. La conception du Spoutnik les a réunis. Ils se sont aimés. L'Union soviétique pesait sur eux, ils ont profité de leur présence à l'expo de Bruxelles pour passer à l'Ouest. C'est pour cette raison que j'écris en français. Voilà un schéma possible, que je pourrais déployer, m'inventant par la même occasion une autre biographie où ma petite enfance s'écoulerait entre Baïkonour et la datcha de la mer noire. Pourquoi pas ? Le récit que j'ai entrepris ne vient-il pas de transformer deux êtres de chair et de sang en personnages de roman ? Et si les vies que je leur ai faites n'étaient en définitive que pure invention ? Et si tout était inventé, qu'est-ce que ça changerait ?
Lisbonne a envoûté Jérôme, pourtant Paris lui manque. Sans quitter Rome, Salvatore s'apprête à bouleverser la vie d'un couple d'Espagnols. À Marseille, le dernier espoir de Manuel, homme d'affaires ruiné, repose sur un courtier londonien...
C'est le début de l'été et la canicule règne sur toute l'Europe. Dans dix villes saturées de lumière et de chaleur, dix histoires n'en formeront bientôt plus qu'une, au gré des lettres, des coups de téléphone, des rencontres et des liens que l'espace ne rompt jamais.
« J'ai peur de vous revoir. Peut-être aurait-il mieux valu en rester là, comme nous l'avons fait depuis six ans, conformément à je ne sais quel accord tacite passé entre nous : ne pas nous revoir, jamais, garder au creux de nous cette longue nuit irréelle comme un secret qui n'appartient qu'à nous. Peut-être, au fond, l'accident est-il celui de notre rencontre, pas du silence qui s'ensuivit. Les vies sont si fragiles, si incertaines. On croit parfois leurs fondations solides, on s'émerveille du chemin parcouru, puis, comme ça, soudainement, pour un éblouissement, elles volent en éclats, se fracassent contre un rêve. Qui peut se prémunir de ça ? Qui peut se croire assez fort pour ne jamais chuter, pour ne pas désirer céder à ce qui un instant l'a fait défaillir ? J'ai peur de vous revoir, mais comme j'en suis heureuse. »
La Courlande, pays de nulle part ? Longtemps occupée par les Soviétiques, interdite d'accès jusqu'en 1991, cette contrée des confins bordée par la mer Baltique surgit aujourd'hui intacte avec ses ciels infinis, ses forêts, ses plages désertes et ses châteaux en ruine détenus naguère par les barons baltes, descendants des chevaliers Teutoniques. Poursuivant une très ancienne histoire d'amour, Jean-Paul Kauffmann a succombé à l'attraction de cet ailleurs, dernière écluse entre le monde slave et le monde germanique. Ce récit de voyage est aussi une enquête sur la disparition : il s'agit de retrouver la trace d'une jeune Courlandaise, d'un chercheur de tombes, d'un monarque français... Retrouver aussi un pays, autrefois une anomalie historique, aujourd'hui à la recherche de son âme.
Un minuscule bloc de corail perdu dans l'océan Indien. Cerné par les déferlantes, harcelé par les ouragans. C'est là qu'échouent, en 1761, les rescapés du naufrage de L'Utile, un navire français qui transportait une cargaison clandestine d'esclaves.
Les Blancs de l'équipage et les Noirs de la cale vont devoir cohabiter, trouver de l'eau, de la nourriture, de quoi faire un feu, survivre. Ensemble, ils construisent un bateau pour s'enfuir.
Faute de place, on n'embarque pas les esclaves, mais on jure solennellement de revenir les chercher.
Quinze ans plus tard, on retrouvera huit survivants : sept femmes et un bébé. Que s'est-il passé sur l'île ? À quel point cette histoire a-t-elle ébranlé les consciences ? Ému et révolté par ce drame, Condorcet entreprendra son combat pour l'abolition de l'esclavage.
Après Le Nabab, Devi et Au Royaume des Femmes, Irène Frain s'est plongée dans cette extraordinaire aventure et l'a restituée dans un roman vrai d'une bouleversante humanité.
Martial et Odette viennent d'emménager dans une résidence paradisiaque du sud de la France, loin de leur grise vie de banlieue. Les Conviviales offrent un atout majeur : protection absolue et sécurité garantie - pour seniors uniquement. Assez vite, les défaillances du gardiennage s'ajoutent à l'ennui de l'isolement. Les premiers voisins s'installent enfin. Le huis clos devient alors un shaker explosif : troubles obsessionnels, blessures secrètes, menaces fantasmées du monde extérieur. Jusqu'à ce que la lune, une nuit plus terrible que les autres, se reflète dans l'œil du gardien... Avec beaucoup d'humour et de finesse, malgré la noirceur du sujet, Pascal Garnier brosse le portrait d'une génération à qui l'on vend le bonheur comme une marchandise supplémentaire. Une fin de vie à l'épreuve d'un redoutable piège à rêves.
De 1992 à 2007, j'ai rendu régulièrement visite à Julien Gracq en Anjou, à Saint-Florent-le-Vieil, dans la maison des bords de Loire où il s'était retiré. Toutes ces années, dans la quiétude de son ermitage, nous avons évoqué ses livres mais aussi les oeuvres de ceux qu'il admirait, ses fidélités et ses fascinations, les grandes rencontres et tout particulièrement celle de Breton, le monde littéraire, les paysages de la France, l'histoire, au gré de conversations qui n'ont jamais été enregistrées et n'ont de trace que dans le souvenir. De ces échanges, j'ai tiré la matière d'un premier récit, Le déjeuner des bords de Loire, publié en 2002.
C'est la même intention - et le même esprit- qui a présidé au rassemblement de ces textes racontant les dernières visites, dont l'ultime en octobre 2007, à un moment où l'horizon de la vie se rétrécit dans l'ermitage des bords de Loire, mais où la curiosité et la vivacité intellectuelle sont restées intactes. Le dernier veilleur de Bretagne est comme la suite du Déjeuner des bords de Loire, un hommage respectueux et ardent à l'auteur de Liberté grande et de Carnets du grand chemin, une marque d'admiration et d'affection pour un homme que j'ai connu, dont j'ai goûté la réserve et l'intelligence, et qui demeure pour moi le dernier des très grands. Philippe Le Guillou