«... Le roman et la vie se confondent, ma vie est une Narration tantôt vécue tantôt imaginée et si un journal américain m'a donné le nom de 'collectionneur d'âmes', c'est que je ne cesse de faire mon plein de je innombrables, par tous les pores de ma peau...» Romain Gary, La nuit sera calme, 1974
«Malheureusement, Madame Rosa subissait des modifications, à cause des lois de la nature qui s'attaquait à elle de tous les côtés, les jambes, les yeux, les organes tels que le coeur, le foie, les artères et tout ce qu'on peut trouver chez des personnes très usagées. Et comme elle n'avait pas d'ascenseur, il lui arrivait de tomber en panne entre les étages et on était tous obligés de descendre et de la pousser, même Banania qui commençait à s'éveiller à la vie et à sentir qu'il avait intérêt à défendre son bifteck.» Émile Ajar, La Vie devant soi, 1975
Comprend :
Education européenne
La promesse de l'aube
Chien blanc
Les trésors de la mer Rouge
Les enchanteurs
La vie devant soi
Pseudo
Vie et mort d'Émile Ajar
« Le couteau revient souvent dans mon oeuvre. Peut-être provient-il du théâtre élisabéthain. En tant qu'instrument de mort, il est évident que je le préfère à l'arme à feu. Je crois que rien n'émeut autant le spectateur au théâtre ou au cinéma, le lecteur penché sur un livre, que l'apparition du couteau, lame nue, dans la main du meurtrier, et je crois aussi que dans le cas de l'écrivain devant la feuille blanche la simple pensée du couteau est inspiratrice au plus haut point. C'est ainsi qu'il en va avec moi, en tout cas, tellement que dans le conte bref j'ai du mal à m'en passer et qu'il revient [...] avec une fréquence que l'on peut juger exagérée. Tout écrivain, tout artiste, avouera, s'il ne cache pas son jeu, qu'il cherche à créer une certaine beauté, aussi originale qu'il se pourra. Moi, je suis particulièrement sensible à ce que William Butler Yeats appelle la 'beauté terrible'. C'est cette beauté-là, quand l'occasion s'y prête, que je cherche à faire naître. D'où le petit couteau... Vous vous rappelez, n'est-ce pas, la sublime invention de Poe : le rasoir dans la main de l'orang-outan. »
Comprend :
Dans les années sordides
Soleil des loups
Marbre ou Les mystères d'Italie
Le lis de mer
Feu de braise
Porte dévergondée
Mascarets
Sous la lame
Le deuil des roses
Monsieur Mouton
Pendant longtemps peu encline à parler de son enfance, d'un quotidien pas toujours facile avec André Gide et la Petite Dame, d'Élisabeth Van Rysselberghe et de Pierre Herbart, Catherine Gide a accepté de livrer ses souvenirs, souvent uniques, dans une série d'entretiens qui ont abouti à un DVD encore inédit : André Gide : Un petit air de famille (2006), un film de Jean-Pierre Prévost sur une idée de Peter Schnyder. Quant aux rushes de l'ensemble, ils restaient suffisamment intéressants pour être réunis dans un petit livre.
En voici le résultat : ces Entretiens avec Jean-Pierre Prévost, Jean-Claude Perrier, Jérôme Chenus, Dominique Iseli et Isabelle Bowden invitent le lecteur à retrouver Gide et ses amis, de Roger Martin du Gard à Jean Schlumberger, de la Petite Dame à Marc Allégret, à Pierre Herbart, à Jean Paulhan, à tant d'autres. Aux personnes et à leurs portraits s'ajoutent les évocations de bien des étapes d'une-vie, de Brignoles à Saint-Clair, de Cabris à Bex, de Nice à Paris.
Avec sa modestie coutumière, Catherine Gide parvient à faire revivre tout un monde, toute une époque, ses lieux, ses êtres. Ce passé, relaté avec l'intensité qui la caractérise, fait de ces Entretiens, en dehors de leur portée historique, un document vivant et un témoignage dont la justesse de ton est aussi un bel hommage de la fille au père.
Femmes terrassées par la fortune qui a cessé de leur obéir. Hommes brutalement dépouillés de leurs atouts. Mères abîmées dans le regret du «temps aboli». Fils et filles hantés par la malédiction de l'hérédité. Rarement l'ironie d'Irène Némirovsky aura fait autant de ravages que dans ce volume plein d'«avertissements à distance».
Si fragile que soit le sort d'Anne, Marcelle ou Camille, un fil les relie à la vie. Il court d'un bout à l'autre de ces douze nouvelles, inédites ou introuvables, qui offrent un inattendu raccourci de son talent dans des domaines tels que le scénario ou l'histoire de fantômes.
Interrogeant les caprices du destin à mesure que se joue le sien, l'auteur de Suite française teinte son art d'amertume avant de le retourner contre elle dans «Les vierges», dernier texte publié de son vivant : «Je suis seule comme vous à présent, non pas d'une solitude choisie, recherchée, mais de la pire solitude, humiliée, amère, celle de l'abandon, de la trahison...»
À partir de mars 1947, ayant quitté la prison pour l'hôpital de Copenhague, Céline peut écrire librement. Son activité épistolaire se développe alors considérablement, avec ses anciens amis restés en France et avec de nouveaux venus qui se manifestent à lui. C'est le cas de l'écrivain Albert Paraz (1899-1957) qui entame sa correspondance avec l'exilé en juin 1947.
Elle durera dix ans et compte 353 lettres. Ce qui en fait l'une des plus étendues après celle que Céline entretient avec sa secrétaire Marie Canavaggia depuis 1936. Cependant elle présente un caractère qui la distingue de toutes les autres : Paraz a l'idée, acceptée avec réserves puis contrôlée par son correspondant, de mêler les lettres qu'il reçoit du Danemark à ses écrits autobiographiques, Le Gala des vaches (1948) et Valsez, saucisses (1950) - ce qui fait de lui le premier éditeur d'une correspondance de Céline.
En octobre 1911, Valéry entame une série de petits «cahiers roses», ainsi nommés d'après la couleur de la couverture. Dans ces cahiers (F G H I I'J) s'entrecroisent diverses formes scripturales : une écriture en fragments éventuellement publiables, une recherche thématique abstraite, des proses poétiques. Un index à la fin de chaque cahier relève les notions jugées importantes, ainsi Moi, littérature, points de vue, mystère. Valéry ne procède pas ici à l'estompage du moi individuel, bien au contraire. C'est un moment de grande inquiétude voire d'angoisse et de véritables crises, liées peut-être à l'idée d'un possible retour à la littérature sur le conseil de Gide. Apparaissent des réflexions sur la création, sur le travail d'écriture et la fabrication poétique, sur le rapport auteur-oeuvre-lecteur. Sous «mystère», mot peu représenté, sont indexées de nombreuses notes sur le surnaturel, la religion - le christianisme dans ses dogmes et ses pratiques - et surtout sur la notion de Dieu, et la foi religieuse, débouchant sur une critique du croire. Le futur projet, finalement inabouti, du «Dialogue des choses divines» semble s'y préparer. Une inflexion vers les thèmes philosophiques est sensible : problèmes de la liberté, de la responsabilité, de la relativité du bien et du mal et du fondement de la morale.
À ces Cahiers est joint un carnet de 1913. Carnet de poche, il contient quelques repères de la vie quotidienne ; carnet d'écrivain, il présente un intérêt particulier du point de vue génétique montrant le premier jet du travail alors parallèle du penseur et du poète : bribes d'idées ou d'incipit que développent les Cahiers, bribes de thèmes ou de vers annonçant ce qui deviendra La Jeune Parque.
En 1912 Valéry étend son analyse abstraite au couple Attente/Surprise qui structure le vivant à l'état de veille. Ce chantier, exemplaire en ce sens de la préparation qui préside à l'écriture des Cahiers, est un des rares comportant des brouillons conservés. Ces recherches, à l'inverse de celles sur l'attention et le rêve, ne doivent rien à la psychologie de l'époque. Elles se poursuivent de 1912 à 1915 ; l'ensemble figure dans ce volume. Elles seront reprises ensuite de façon récurrente. La théorie de l'attente et de la surprise figurera plus tard dans l'actif d'un bilan. Importante dans le dessein valéryen d'étudier le fonctionnement total de l'être humain, elle l'est aussi dans la réflexion générale sur le couple continuité / discontinuité. Le grand poème de 1917 montrera comment la recherche abstraite, celle aussi du cahier Somnia, peut se transcrire dans un autre langage, celui de la Poésie.
Marie Van Langendonck, cette petite dame charmante, pétillante et pleine de curiosité pour les choses inconnues d'un monde non blanc, la petite dame intrépide et sereinement casse-cou qui, tout en partant à l'assaut des forêts immenses pleines de serpents venimeux, n'oublie pas un instant la façon adéquate de tenir une tasse de thé quand on est en bonne compagnie, la petite dame belge qui a pris l'heureuse initiative d'écrire ses souvenirs d'aventurière du dimanche dans une langue qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau, avec ses tournures gracieuses et ses mots brillants comme des petits ciseaux d'argent, la petite dame que vous allez lire, est en réalité un bon petit soldat.
Le petit soldat tout frais, naïf, presque niais qui combat dans l'armée perpétuelle qu'utilise l'Occident riche dans sa guerre féroce et barbare contre le reste du monde.
« Tu vas mourir, aujourd'hui, et tu ne le sais pas encore. » Dès la première phrase de cette chronique d'une mort annoncée - dès la première minute de cette journée particulière où se reflète la brièveté de toute existence -, un homme fait à la fois figure de héros et de victime. Et c'est lui, inconscient, égo-tiste et jouisseur, que le roman interpelle et tutoie comme s'il tendait à notre insouciante finitude un miroir. Plaisir de se croire si beau, privilège d'aimer, hélas fort mal, une exquise petite marchande de jouets, délice de convoiter une banquière aux yeux de biche, de se couler dans l'hédonisme d'une vie simplifiée. Mais en secret, une vierge froide et un tueur prédestiné trament le scénario de la vengeance familiale. Sur cette inexorable partition qui emprunte son tempo au roman policier, ses arpèges au catalogue de la consommation courante, ses harmoniques à la liberté de parole et son andante aux mirages des satisfactions éphémères, Sébastien Lapaque chante la vie derrière soi et salue, non sans ironie, le passage du temps.
Le 15 mai 2008, celui que dans le livre j'appelle BW perd brutalement l'usage de ses yeux.
Dans l'urgence de parler pour tenir tête au désarroi, BW me livre alors tout ce qu'il a gardé secret durant nos années de vie commune : ses fugues, ses frasques, ses trekkings dans l'Himalaya, sa fulgurante carrière de coureur à pied, les souvenirs obsédants d'un Liban déchiré par la guerre, autant d'expériences, autant de détours qui l'ont conduit, il y a trente ans, à travailler dans l'édition.
Car BW est éditeur, et la littérature, sa vie.
Avec une ironie désenchantée, il me parle, le jour, de ses quinze existences passées, de son métier déraisonnablement aimé et de sa décision, mûrie dans le noir, de tirer sa révérence devant des moeurs éditoriales qui lui sont peu à peu devenues étrangères.
Je compose, la nuit, le texte dont il est le centre, avec le sentiment que son geste de quitter ce que d'autres s'acharnent à rejoindre revêt aujourd'hui un sens qu'il faut, à tout prix, soutenir.
Tous deux nous nous sentons poussés comme jamais par une nécessité impérieuse. Pour lui, celle de dire ou de sombrer. Pour moi, celle d'écrire ces mots-là, et aucun autre.
Ce livre, écrit à vif, est le roman de cette traversée. L. S.
Né à Strasbourg en 1959, Vincent Wackenheim habite à Paris près du lion de Denfert. Il déplore de n'avoir pu prendre part au Déluge, et n'a jamais rencontré Noé. Alors il nous révèle leur véritable histoire. Un récit mordant et jubilatoire. Amis des bêtes et des hommes s'abstenir.
'En gros, pour Noé, il y a les animaux qu'on mange, ceux (et surtout celles) qu'on caresse, ceux qui bossent, ceux dont on fait des manteaux ou des pulls, ou des boîtes à gants en galuchat, à la limite ceux qui sont juste jolis, mais les autres, la grande majorité, les moches, ceux qui ne servent à rien, les pas bons, les tout durs, les piquants, ceux qui sentent mauvais, ceux dont le nom est imprononçable, la mygale de Rameshwaram, par exemple (Poecilotheria hanumavilasumica), ou la musaraigne-éléphant (Rhynchocycon udzungwensis), pourquoi diable les embarquer ? [...] Noé, la biodiversité, ça n'était pas son truc.'