Ce départ pour Saint-Pétersbourg annonce un de ces voyages mystérieux où nous cherchons non pas à changer de pays mais à changer notre vie. Choutov, écrivain et ancien dissident, espère fuir ainsi l'impasse de sa liaison avec Léa, éprouver de nouveau l'incandescence de ses idéaux de jeunesse et surtout retrouver la femme dont il était amoureux trente ans auparavant.
Son évasion le mènera vers une Russie inconnue où, à la fois indigné, abasourdi et condamné à comprendre, il découvrira l'exemple d'un amour qui se révélera la véritable destination de son voyage.
Dans ce livre dense et puissant, Makine fait renaître le destin passionnant de sa patrie, loin des clichés qui accompagnent la douloureuse émergence de la «nouvelle Russie». Ses personnages expriment par leur engagement la justesse de la célèbre parole de Dostoïevski sur la beauté appelée à sauver le monde.
Le héros de Black Bazar est un dandy africain de notre temps, amoureux des cols italiens et des chaussures Weston, qui découvre sa vocation d'écrivain au détour d'un chagrin d'amour. Naviguant entre complainte et dérision, il brosse avec truculence un tableau sans concession de la folie du monde qui l'entoure. Tour à tour burlesque et pathétique, son récit va prêter sa voix à toute une galerie de personnages étonnants, illustrant chacun à leur manière la misère et la grandeur de la condition humaine. Un roman à la verve endiablée, tournant le dos aux convenances et aux idées reçues, par l'une des voix majeures de la littérature francophone actuelle.
comme des accrocs d'abord, par places, comme si au-dessous du tissu de prés de bois de champs parallèles s'étendait un autre ciel, symétrique à celui où vole l'avion, plus foncé toutefois, d'un bleu légèrement violacé
ou gris
miroitant dans le contre-jour comme des glaces de métal à l'éclat terne enchâssées dans l'herbe
reflet citron parfois courant rapidement sur la surface quand le soleil
effet d'optique les sertissant de lumière comme si non pas trous mais ces flaques de mercure répandu faiblement en relief sur la terre assombrie
une qui force à peine à s'écarter la route qui l'effleure puis une autre plus grande (la route obliquant vers le haut s'incurvant revenant sur la gauche en suivant la rive s'incurvant en sens inverse et reprenant ensuite sa trajectoire rectiligne) puis plus rien : seulement les champs les bois les petits rectangles scintillants des toits, puis une autre, juste une mare cette fois, puis une quatrième puis cinq puis dix la terre maintenant constellée se déchiquetant se dépiautant pour ainsi dire
haillon percé de mille déchirures
comme si l'avion survolait une de ces peintures un de ces jeux graphiques où de droite à gauche l'une des couleurs prend peu à peu la place de l'autre l'envahissant par fractions grandissantes chaque élément contraire en quantités égales au centre de la toile puis
l'inverse à présent : lambeaux s'étirant en longs chapelets parallèles (quel formidable glacier tonnes d'années glissant lentement laissant en se retirant...) sombres sur l'étendue scintillante à perte de vue
Présentation de l'éditeur
Ces deux textes en prose poétique, parus dans les revues finlandaises Aland et Finland en 1974, sont inédits en France.
Ça y est, à nouveau il est un enfant. Il veut s'accaparer celui qu'il a été. Cette fois-ci, l'enfance est une décision. Comme si un enfant l'attendait dans une grotte, protégé du monde et du temps depuis toutes ces années. Avec ses trésors et ses naufrages, il est ce voilier qui flotte à tout vent. Armé de souvenirs, de sensations retrouvées qui s'agglutinent, fidèles et infidèles, il sera à jamais cet enfant-là, dorénavant.
À quoi ça sert, l'enfance ? On tombe là-dedans pour y faire quoi ?
Être un enfant, c'est comme être un dinosaure, ça remonte si loin. Il veut devenir ce paléontologue contaminé par son objet d'étude à qui son âge n'interdit pas d'écrire pour de vrai l'autobiographie de celui qui pourrait aussi bien être son fils que son père.
C'est l'histoire de Sliv, agent spécial du CFR (Consortium de Falsification du Réel), qui veut comprendre pour quoi et pour qui il travaille.
C'est l'histoire d'une organisation secrète internationale, qui tente d'influer sur l'histoire des hommes, et dont l'existence est brutalement remise en cause un certain 11 septembre 2001.
C'est l'histoire de Youssef, tiraillé entre sa foi et son amitié ; de Maga, jeune femme moderne que son mariage précipite dans une famille d'intégristes ; de Lena, dont la rivalité professionnelle avec Sliv cache peut-être des sentiments d'une autre nature.
C'est l'histoire d'une grande nation, l'Amérique, qui trahit ses valeurs quand le monde a le plus besoin d'elle.
C'est, d'une certaine façon, l'histoire du siècle qui vient.
Un dîner, de nos jours, dans la grande bourgeoisie parisienne.
Afin de séduire son invité d'honneur - un puissant homme d'affaires étranger - la maîtresse de maison a convié ses amis les plus remarquables. Mais à la dernière minute, l'un d'entre eux se décommande : il n'y a plus que treize convives...
Comme le dîner doit commencer à tout prix, la nouvelle « invitée » est choisie au mépris de la bienséance Une véritable transgression.
La quatorzième convive dévient alors le grain de sable qui fait déraper la soirée. Pour l'émerveillement des uns, pour le désespoir des autres.
Tout dîner est une aventure.
Cette silhouette fantomatique, aperçue sur le quai d'une gare, est-ce bien celle de François, l'ami de jeunesse rencontré dans une école religieuse de Clermont et disparu depuis vingt ans ? À partir de cette vision fugitive, la mémoire se met en marche. Qui était véritablement François ? Les souvenirs de l'enfance et de l'adolescence affluent, dessinant une personnalité déchirée, contradictoire, fascinante. Était-il ce garçon cruel, machiavélique, qui a poussé ses camarades à commettre un acte dont la barbarie les hante encore ? Était-il cet enfant solitaire élevé par une aïeule paysanne dans une maison noire dont les images l'obsèdent ? Paradis noirs est un roman sur le poids de la mémoire et de la culpabilité, sur les inguérissables blessures de l'enfance.
1973. Le cercueil du maréchal Pétain est arraché à sa sépulture de l'île d'Yeu par un commando de fidèles. Ils projettent de l'ensevelir à Douaumont, parmi les pioupious. Mais Paul Destrem et Salvador Martinez, deux trublions indépendants, interceptent par hasard l'illustre dépouille. Ils vont dès lors veiller sur ce trésor de guerre, ardemment convoité par diverses factions.
Nous voilà ne raconte pas seulement les tribulations d'un Maréchal en rupture de tombe à travers trois décennies. C'est aussi la chronique ravageuse d'une époque et d'une génération parcourues par les répliques du séisme soixante-huitard, de 1973 à 2007. On y croisera quelques brebis échappées du Larzac, des forts en thème et des forts en gueule, une Islandaise aux yeux de banquise et un Argentin désargenté, des apôtres du président Mao devenus champions de l'Occident chrétien, des enfileuses de perles en plastique et des fumeurs de joints, des idéaux en berne et des idées en l'air, des renégats, des missionnaires, quelques gardes mobiles et un garde-barrière, et aussi une femme qui rit. On y rencontre Samuel, enfant perdu, et ses parents Paul et Lena, couple central du roman, qui essaient d'inventer un amour résistant aux maladies du siècle.
« Ce n'était plus la guerre fantomatique à quoi, depuis mon arrivée à Beyrouth, je m'étais habitué et qui ne venait pas ; ce n'était plus du roman devenu vague rêverie au fond de l'ennui ; c'était l'essence même de toute littérature : la guerre, violente, exigeante, dangereuse, enivrante, aussi, car j'y ai retrouvé les gestes qui étaient les miens, enfant, dans les bois de Siom, quand je jouais à la guerre et que je mourais ou tuais avec une ivresse qui me laissait croire que j'étais la proie d'autre chose que de la fièvre du jeu.
Mais à Beyrouth, cette nuit-là, au premier étage du magasin que nous devions tenir, dans le bruit des armes, les éclats, l'odeur de poudre, d'huile et de métal chaud, je sentais les autres miliciens bien plus proches de moi que mes anciens compagnons de jeu.
Tout ça me plaisait dans une dimension inquiétante, voire terrifiante du plaisir : celle qu'on connaît dans les très grandes amours. »
« Je viens du Centre de tir. Quelques bavures pour commencer (fatigue, souffle court), et puis précision. Je ne sais plus quel poète américain a écrit ces deux vers : 'Paradis calme/Au-dessus du carnage'. C'est mon état d'esprit à l'entraînement. En haut, si j'arrive à penser le moins possible, ciel bleu, calme lumineux. En bas, explosion et larmes.
Je me concentre sur le mot 'mot'. Je le vois là-bas, dans la ligne de mire. Il respire un peu, il grandit, c'est lui que je vise, que je veux toucher et trouer. Mot. Avec une lettre de plus, c'est Mort. En anglais, ça ferait Word et World. Je tire sur la mort, je tire sur le monde. Petite plaisanterie, mais qui fait du bien. Ma voisine de stand, Viva, me félicite d'avoir mis dans le mille. Je ne sais rien de ses activités, ni elle des miennes. On se sourit, ça suffit. »