Twist

Twist
Bertholon Delphine
Ed. Lattès

Maman me l'avait assez répété, de ne pas parler aux inconnus, de faire attention avec tous ces détraqués qui courent dans la nature mais là, pas une seconde ça ne m'avait traversé l'esprit. À cause de la bonne tête de R. avec sa chevelure d'éponge, sa voiture brillante, la jolie chatte à trois couleurs dans la petite caisse, l'orage dément qui me coulait dessus et surtout - surtout - à cause de Stanislas.

Guéthary, au mois de juin. Madison, onze ans, est enlevée au retour de l'école. Au fond de la cave qui lui sert désormais de chambre, elle essaie de comprendre le pourquoi du comment. Avec cette foi des enfants qui ne renoncent jamais, elle réinvente un monde plus vaste, à la mesure de ses grands projets.

Carnets d'un vieil amoureux

Carnets d'un vieil amoureux
Mathiot Marcel
Ed. Philippe Rey

Le 1er janvier 1927, Marcel Mathiot, un jeune homme de 16 ans, ouvre un carnet à couverture de moleskine rouge. C'est le début d'une entreprise qui durera soixante-dix-sept ans, jusqu'à sa mort en 2004, et dont le principe est immuable : il écrit une page par jour, accompagnée d'une date et d'un titre.

Marcel Mathiot brasse tous les thèmes de sa vie : l'enfance insouciante, la guerre de 14, le métier d'instituteur fidèle aux principes de Jules Ferry, le Front populaire, l'Occupation, les mensonges de l'histoire et l'amour sous tous ses visages. Lecteur infatigable, il nourrit ses pages d'Épicure, de Montaigne, de Voltaire, de Romain Rolland, d'Apollinaire et des chanteurs poètes...

Le 23 janvier 2000, après soixante-huit ans de vie commune, Marcel perd sa femme. Ses carnets lèvent alors le voile sur ses nombreuses et durables liaisons. On découvre un mari plutôt lâche, mais un amant fidèle et sans reproche. Toutes accourent après le décès de son épouse : Hélène, Mado, Lili, et même Emma qui, à 36 ans, lui déclare un amour inattendu... Marcel refuse de porter un costume de vieillard. Tout au contraire, à 90 ans, il est plus fringant, plus séducteur qu'à 20 ans.

Écrits dans une langue vigoureuse, ces carnets, bousculant l'image asexuée du quatrième âge, sont un élixir contre le renoncement. Car Marcel ne tient pas pour sagesse la faculté de perdre son indignation. Si sa vue baisse, il n'en estime pas moins que le monde existe toujours et qu'il contient des sources de joie et de plaisir.

Un homme définitivement «né pour être jeune».

 

Une gourmandise

Une gourmandise
Barbery Muriel
Ed. Gallimard/Blanche

C'est le plus grand critique culinaire du monde, le Pape de la gastronomie, le Messie des agapes somptueuses. Demain, il va mourir. Il le sait et il n'en a cure : aux portes de la mort, il est en quête d'une saveur qui lui trotte dans le coeur, une saveur d'enfance ou d'adolescence, un mets originel et merveilleux dont il pressent qu'il vaut bien plus que tous ses festins de gourmet accompli.

Alors il se souvient. Silencieusement, parfois frénétiquement, il vogue au gré des méandres de sa mémoire gustative, il plonge dans les cocottes de son enfance, il en arpente les plages et les potagers, entre campagne et parfums, odeurs et saveurs, fragrances, fumets, gibiers, viandes, poissons et premiers alcools... Il se souvient - et il ne trouve pas. Pas encore.

Ramon

Ramon
Fernandez Dominique
Ed. Grasset

« Je suis né de ce traître, il m'a légué son nom, son oeuvre, sa honte. Au centre de ma vie, depuis 1'enfance : aimer ce qui est interdit, puisqu'on m'interdisait d'aimer l'objet de mort amour » : ainsi parle Dominique Fernandez de son père Ramon, à l'orée de cette enquête biographique, historique et intime. Le fils cherche à comprendre comment son géniteur, l'un des plus grands intellectuels de son temps, a pu être socialiste à trente et un ans, critique littéraire d'un journal de gauche à trente-huit, compagnon de route des communistes à quarante, fasciste à quarante-trois et collabo à quarante-six. Pour saisir le destin énigmatique de Ramon, Dominique Fernandez tresse serré trois fils.

Celui de l'histoire littéraire - nous voici de plain-pied avec Proust, Gide, Mauriac, Paulhan, Céline, Bernanos, Saint-Exupéry, Malraux, Duras, et tant d'autres.

Celui de l'histoire politique en France et en Europe le 6 février 1934, le Front populaire, la guerre d'Ethiopie, la guerre d'Espagne, celle de 1940, l'Occupation, sont autant d'événements auxquels Ramon est mêlé de près.

Celui de l'histoire privée - comment un play-boy dépensier d'origine mexicaine, amateur de tango et de Bugatti, fait brièvement le bonheur puis durablement le malheur de la brillante sévrienne, fille d'instituteurs pauvres, qu'il épousa en 1926. Echec conjugal documenté jour après jour par les carnets intimes de l'épouse.

Ces trois plans superposés, qui montrent comment les péripéties les plus intimes peuvent infléchir un destin, donnent à ce livre toute sa dimension romanesque.

Voir aussi : Grasset publie dans sa collection des Cahiers Rouges, Proust et Messages de Ramon Fernandez

Messages

Messages
Fernandez Ramon
Ed. Grasset/Les Cahiers Rouges

Publié en 1926 par un jeune essayiste qui deviendra bientôt un des piliers de la Nouvelle Revue française, Messages a lancé un nom : Ramon Fernandez, et une nouvelle méthode critique, fondée sur l'analyse philosophique des oeuvres littéraires et une conception dynamique de la personnalité. La notion de message s'est imposée dans l'entre-deux-guerres et a servi de référence à Jean-Paul Sartre.

Ce livre, devenu un classique, a ouvert la voie à la « nouvelle critique ». Balzac, Stendhal, Proust et Conrad y côtoient des études fondamentales sur l'art du roman.

Proust

Proust
Fernandez Ramon
Ed. Grasset/Les Cahiers Rouges

En 1943, Proust n'était pas encore mis à la place qu'il occupe aujourd'hui. Dans un temps où l'art moderne était dénoncé par les nazis comme un symptôme de la décadence, il fallait un courage certain pour publier, en pleine occupation allemande de Paris, un livre à la gloire de celui qui était accusé d'en être un des initiateurs. L'originalité de l'étude de Ramon Fernandez, par rapport à toutes celles qui l'ont précédée et toutes celles qui l'ont suivie, c'est que, au lieu de se perdre dans le génial fouillis de Proust, il trace des routes et établit la cartographie intellectuelle et sentimentale de l'auteur d'A la recherche du temps perdu.

L'Attente du soir

L'Attente du soir
Arfel Tatiana
Ed. José Corti

Ils sont trois à parler à tour de rôle, trois marginaux en bord de monde.

Il y a d'abord Giacomo, vieux clown blanc, dresseur de caniches rusés et compositeur de symphonies parfumées. Il court, aussi vite qu'il le peut, sur ses jambes usées pour échapper à son grand diable noir, le Sort, fauteur de troubles, de morts et de mélancolie.

Il y a la femme grise sans nom, de celles qu'on ne remarque jamais, remisée dans son appartement vide. Elle parle en lignes et en carrés, et récite des tables de multiplication en comptant les fissures au plafond pour éloigner l'angoisse.

Et puis il y a le môme, l'enfant sauvage qui s'élève seul, sur un coin de terrain vague abandonné aux ordures. Le môme lutte et survit. Il reste debout. Il apprendra les couleurs et la peinture avant les mots, pour dire ce qu'il voit du monde.

Seuls, ces trois-là n'avancent plus. Ils tournent en rond dans leur souffrance, clos à eux-mêmes. Comment vivre ? En poussant les parois de notre cachot, en créant, en peignant, en écrivant, en élargissant chaque jour notre chemin intérieur, en le semant d'odeurs, de formes, de mots. Et, finalement, en acceptant la rencontre nécessaire avec l'autre, celui qui est de ma famille, celui qui, embarqué avec moi sur l'esquif balloté par les vents, est mon frère.

On ne cueille pas les coquelicots, si on veut les garder vivants. On les regarde frémir avec ces vents, dispenser leur rouge de velours, s'ouvrir et se fermer comme des coeurs de soie. Giacomo, la femme grise, le môme, que d'autres ont voulu arracher à eux-mêmes, trouveront chacun dans les deux autres la terre riche, solide et lumineuse, qui leur donnera la force de continuer.

Premier roman

Le Roi du Congo

Le Roi du Congo
Berenboom Alain
Ed. Bernard Pascuito

Le retour de Michel Van Loo, détective.

1948. Le détective Michel Van Loo, qui n'a jamais quitté Bruxelles, est brutalement tranplanté au Congo Belge. Cerné par des coloniaux qui se méfient d'un flic venu de Bruxelles, des indigènes travaillés par les premiers mouvements de libération et des espions soviétiques qui lorgnent l'uranium du Katanga, Michel Van Loo se sent seul. C'est sans compter sur le renfort inattendu de trois affreux nains, d'une shampouineuse futée et d'une bande de pieds nickelés congolais, qui vont l'aider à affronter le mystérieux roi du Congo - héros national ou agent communiste ? - dont l'ombre menaçante plane sur le Katanga. Après Périls en ce royaume, on retrouve Michel Van Loo dans un roman qui mêle exotisme et humour ravageur. Et offre une radiographie décapante d'une colonie au bord de l'implosion en pleine guerre froide. Peu de romans ont traité de l'épopée coloniale belge. Celui-ci est un régal.

Dans ma maison sous terre

Dans ma maison sous terre
Delaume Chloé
Ed. Seuil/Fiction & Cie

C'est un cimetière. Où Chloé tente d'écrire un livre de vengeance, un livre qui pourrait tuer. Sa cible, c'est la grand-mère, femme dénuée d'empathie, qui lui a révélé par le biais d'une tierce personne un secret de famille. De ces secrets qui dévastent et ruinent l'identité. Apparaît Théophile, un personnage étrange, grand habitué des lieux. À ses côtés Chloé va visiter les tombes, et entendre les morts un à un se confier. Chacun a son histoire, sa musique, sa chanson. Et sa leçon, peut-être. Qui pourrait être utile à la reconstruction de ce Moi saccagé.

Entrelaçant quête personnelle et voix des disparus, Dans ma maison sous terre est un roman qui interroge notre rapport à la mort, à la littérature et à la psychanalyse.

En bas les nuages. 7 histoires

En bas les nuages. 7 histoires
Dugain Marc
Ed. Flammarion

Sept récits liés par un fil narratif : comme un détail détaché d'une photo, c'est un fait anodin dans l'un qui déclenchera le suivant. Marc Dugain suit sept hommes vivant aujourd'hui, en Dordogne, au Maroc, aux États-Unis ou dans une île lointaine. Les uns sont cyniques, les autres doux et rêveurs, mais tous sont plongés dans les eaux troubles de la vie quotidienne. Ils surnagent, ils s'adaptent, ils essayent de s'en sortir.

Tous perdants ?

Dugain ne nous éclairera pas là-dessus. Il choisit de raconter, tout simplement raconter, et son art de la mise en scène nous surprend à chacune de ces histoires.

Newsletter