La fin de ma Russie. Journal 1914-1919

La fin de ma Russie. Journal 1914-1919
Sayn-Wittgenstein Catherine
Ed. Phébus/Libretto

Lorsqu'en novembre 1918, la princesse Catherine Sayn-Wittgenstein, âgée de vingt-trois ans, s'enfuit devant les bolcheviks avec sa famille en traversant le Dniestr, elle emporte avec elle en Roumanie trois cahiers: les tomes II à IV de son Journal.
Ce document, qui n'a pas pris une ride, s'avère d'une immense valeur. En effet, tout l'univers de l'aristocratie russe, anéanti par la révolution, est restitué ici avec l'authen-ticité que seul permet un journal.
Nous vivons ainsi avec l'auteur, au jour le jour, les faits militaires, et la propagande qui les entoure, la révolution de Février, l'intermède démocratique qui la suit et le coup d'État des bolcheviks.
Et cette frêle jeune femme ne se limite pas à nous exposer les faits. Elle exprime aussi ses opinions, parfois naïves, mais souvent étonnamment lucides. «L'histoire nous condamnera-t-elle autant qu'elle l'a fait pour les nobles au moment de la Révolution française?» se demande-t-elle le 31 décembre 1917, et elle ajoute plus loin: «Oui, nous avons tort pour beaucoup de choses. Même nous, notre génération. Mais avons-nous réellement mérité une punition pareille?»
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Comment cesser d'exister

Comment cesser d'exister
Cuppy Will
Ed. Anatolia

« J'ai moi-même cessé d'exister le 23 août 1934. J'oublie où je me trouvais à ce moment-là, mais la date restera à jamais gravée dans ma mémoire. »

Ainsi s'exprimait Will Cuppy, l'homme à qui nous devons le désopilant Comment reconnaître vos amis des grands singes (Anatolia, 2006). Dans le présent recueil, Cuppy aborde l'extinction du dinosaure, du plésiosaure, du ptérodactyle, du mammouth laineux, du dodo et du paresseux terrestre géant et nous présente, avec une compétence certaine, un bon petit assortiment d'autres poissons et reptiles nettement moins disparus.

Le résultat est une anthologie délirante, regroupant une quarantaine de vignettes, dont chacune porte la marque inimitable et indestructible d'un maître humoriste qui a fait rire l'Amérique entière pendant vingt ans : « Les poissons pensent-ils vraiment ? », « Note sur le baron Cuvier », « Comme un poisson hors de l'eau », « J'élève mon serpent », « Qu'on cesse de nous bassiner avec Aristote ! » - parmi les observations pince-sans-rire et les commentaires carrément irrespectueux qu'il consacre à la morue (qui n'a aucun vice, mais dont les vertus sont abominables), la perche (la pire insulte qu'on puisse lancer à un poisson n'est autre que « Tu as l'intellect d'une perche ! »), la torture (qui est lente, balourde, herbivore et hostile à toute espèce de progrès), le boa constricteur, le cobra et bien d'autres.

L'humour de Cuppy, tendre et teinté de désespoir, est toujours aussi percutant et aussi drôle.
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L'art de l'insulte et autres effronteries

L'art de l'insulte et autres effronteries
Johnson Samuel
Ed. Anatolia

Samuel Johnson (Lichfield, 1709-Londres, 1784) considérait la conversation comme un combat entre deux adversaires. Il « parlait pour l'emporter », n'hésitant pas à avoir recours aux sophismes les plus outranciers pour s'octroyer la victoire. Comme le dit une de ses victimes : « Il était parfois facétieux, mais vous aviez l'impression de jouer avec la patte d'un lion... quand il parlait, c'était comme un éclair jaillissant d'un nuage noir. »

Traiter votre adversaire avec respect, c'est lui donner un avantage auquel il n'a pas droit... Sachez, monsieur, que traiter votre adversaire avec respect, c'est frapper mou au combat.

Rien n'est plus terrible pour un auteur que de passer inaperçu ; les critiques, la haine et l'hostilité sont, en comparaison, autant de noms que l'on donne au bonheur.

Hélas, monsieur, dans quels terribles désordres serions-nous jetés si chaque évêque, chaque juge, chaque avocat, chaque médecin et chaque homme d'Église devait écrire des livres.

Il n'est pas de pire ennemi de l'ordre public que l'homme qui emplit les faibles cervelles de griefs imaginaires et qui rompt le fil de la subordination civile en incitant les classes inférieures de l'humanité à empiéter sur les classes supérieures.

Monsieur, vos chers niveleurs veulent bien niveler jusqu'à leurs personnes en partant du haut ; mais ils ne supportent point d'en faire autant en partant du bas. Ils veulent tous avoir du monde au-dessous d'eux ; alors, pourquoi n'en auraient-ils pas au-dessus ?

On s'éloigne à tel point de la vérité en disant que les hommes sont égaux de nature qu'on ne peut mettre ensemble deux hommes pendant une demi-heure sans que l'un acquière sur l'autre une supériorité évidente.

Les Souvenirs et anecdotes sur Samuel Johnson de Hester Thrale (Anatolia, 2005) complètent avec bonheur le portrait de l'immense écrivain anglais du XVIIIe, plus que jamais notre contemporain.
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Pelures d'oignon

Pelures d'oignon
Grass G?nter
Ed. Seuil/Cadre vert

À quatre-vingts ans, Günter Grass se souvient. Métaphore du souvenir : l'oignon - notre passé, notre expérience, tout ce qui définit notre personnalité - dont on ôte les pelures une à une en cherchant en vain le coeur n'est autre que cette accumulation de strates plus ou moins denses, plus ou moins fiables.

Le récit débute à Dantzig en 1939 avec l'entrée en guerre et la perte de l'innocence. Il s'achève à Paris en 1959 avec la publication du Tambour et la consécration littéraire. Il décrit les épisodes les plus marquants d'une biographie et la genèse d'une oeuvre : enfance dans un milieu étriqué, guerre d'un adolescent endoctriné, survie dans les ruines, affirmation d'une vocation, trois faims qui ponctuent ces années d'apprentissage : la nourriture, l'amour charnel, l'art.

En révélant, avant même la publication du livre en Allemagne, qu'il avait à dix-sept ans servi sous l'uniforme SS dans les derniers mois de la guerre, l'écrivain, qui n'a pourtant cessé de confronter son pays aux horreurs de son histoire, a déchaîné une tempête médiatique.

Les lecteurs français ont enfin la possibilité de replacer la controverse dans le contexte de son récit intime : une chronologie tâtonnante, en crabe, où alternent l'émotion, le grotesque, la gravité, tantôt dans la plus belle écriture classique, tantôt dans l'argot et le populaire.

On l'aura compris : cet ouvrage est primordial pour entrer dans l'oeuvre d'un maître de la langue allemande et en donner les clefs.
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Les contes (Karen Blixen)

Les contes (Karen Blixen)
Blixen Karen
Ed. Gallimard/Quarto

Karen Blixen, cet esprit libre, a construit un labyrinthe de contes. L'imprévisible ensorceleuse propose aussi des fils, étroitement enlacés, pour en trouver l'issue.

L'art divin du conte est celui du travestissement. Qui donne le meilleur récit : Dieu, le destin ou l'artiste ? Il n'y a pas de morale dans les créations de l'auteur de La Ferme africaine, la vie est bien trop facétieuse, une histoire en contient toujours tellement d'autres, aucun n'est celui qu'il prétend être jusqu'à ce que tombent les masques.

Rien ne vaut une bonne histoire. On peut avoir tout perdu, c'est l'histoire qui contient en elle-même la raison de vivre.

« - Seigneur, dit la dame, ce que vous appelez l'art divin me paraît à moi un jeu dur et cruel qui maltraite et raille ses créatures humaines.

- Il peut paraître dur et cruel, dit le cardinal. Cependant, nous qui remplissons notre haut office de gardiens vigilants de l'histoire, nous pouvons vous dire, en toute vérité, que pour ses personnages humains il n'y a au monde aucune autre voie de salut. » Karen Blixen, « Le premier conte du cardinal », Derniers Contes, 1957.
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Le Palais en noyer

Le Palais en noyer
Jergovic Miljenko
Ed. Actes Sud

Regina Delavale, née Sikiric, quatre-vingt-dix-sept ans, meurt en 2002, après avoir sombré dans la folie. Récit à la fois intimiste et épique des derniers jours de sa vie jusqu'à sa naissance, Le Palais en noyer est aussi l'histoire d'une famille de Dubrovnik et celle, déchirante et tragique, d'un pays malmené tout au long du XXe siècle.

On croise ici plus de cent vingt ans d'Histoire : chute des empires austro-hongrois et ottoman, guerres mondiales, essor et déclin du communisme, éclatement de la Yougoslavie. Dans un carrousel d'existences cabossées, cinq générations de la famille Delavale-Sikiric ne cessent de graviter à l'intérieur des 'systèmes héliocentriques du malheur'.

Jergovic utilise savamment la construction 'à rebours' : en inversant l'ordre chronologique, il crée un monumental roman-sablier où le temps n'avance pas mais s'abat vers l'intérieur de lui-même, égrenant dans un somptueux bonheur narratif une inoubliable succession de scènes et de destins.

Epitaphe magnifique pour un siècle tourmenté et un pays défunt, Le Palais en noyer fait date dans l'histoire littéraire balkanique et européenne : en 2003, année de sa parution, il obtint de prestigieux prix littéraires croate, bosniaque et serbe.

Amours défendues

Amours défendues
York Alissa
Ed. Joëlle Losfeld

1948. Un jeune prêtre, August Day, est nommé dans la petite ville de Miséricorde dans la province de Manitoba. À son arrivée, il célèbre le mariage de Mathilda avec Thomas Rose, le boucher de la ville. Mathilda, très pieuse, se rend à l'église chaque jour pour aider August. De cette intimité naît une histoire d'amour. Et Mathilda tombe enceinte. August Day la rejette. Un demi-siècle plus tard, une nuit de juin 2003, un autre prêtre, Carl Mann, un veuf dont la fille de trois ans est autiste, arrive à Miséricorde. Il souhaite construire un édifice dans les marécages à la lisière de la ville. Mais ce projet va à l'encontre de la volonté de Mary, la fille de Mathilda, élevée dans la tourbière.

Alissa York met à nu les tentations humaines, la violence de l'amour et ses ravages avec une intensité et une sensualité envoûtantes.
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Une chambre au paradis

Une chambre au paradis
Peters Christoph
Ed. Sabine Wespieser

Une chambre au paradis. Le livre s'ouvre dans une grotte, en Égypte, en 1993 : un groupe de terroristes islamistes s'apprête à perpétrer un attentat contre le temple de Louxor. Parmi eux Jochen Abdallah Sawatzky, un jeune Allemand converti à l'islam. Pour décrire la marche d'approche, les préparatifs et la mise en échec de l'attentat, Christoph Peters se glisse dans la peau de son personnage. Il tente de saisir ses motivations et les raisons de sa conversion, de comprendre pourquoi, malgré les réticences de la jeune fille égyptienne dont il est amoureux, il s'est engagé dans la lutte armée, obstiné à vaincre tous les obstacles, et notamment la méfiance de ses nouveaux coreligionnaires. Ce monologue du terroriste interroge de manière saisissante les sources du fanatisme religieux et de l'aveuglement.

Interrogation qui se poursuit dans la deuxième partie du livre, consacrée elle à la confrontation de Sawatzky, un des seuls survivants de l'opération, avec l'ambassadeur d'Allemagne au Caire, dont la mission est d'obtenir son extradition. Claus Cismar fut, dans les années soixante, militant d'extrême gauche dans la RFA d'alors et, devant la conviction inébranlable du prisonnier, il en vient malgré lui à remettre en cause sa propre vie et ses propres choix. Comment et pourquoi a-t-il trahi les idéaux de sa jeunesse pour faire carrière et devenir partie prenante du système que naguère il avait combattu ?

Admirablement tenu, ce roman brillant et subtil se focalise peu à peu sur le désarroi d'un homme confronté à la radicalité, dans une ville, Le Caire, dont les chatoiements accompagnent sa dérive.
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Maryam ou le passé décomposé

Maryam ou le passé décomposé
Sobh Alawiya
Ed. Gallimard/Du monde entier

Alawiya la romancière a disparu sans laisser de traces, emportant avec elle les récits de Maryam et de ses amies Ibtissam et Yasmine, recueillis au cours de longues soirées et dont elle devait faire un roman. Mais Maryam ne se résout pas à une telle perte. Ce sera donc à elle de parler de ces existences brisées, de ces femmes répudiées, de ces jeunes filles enceintes jetées dans un puits. Ce sera à elle de dire l'espoir d'Ibtissam d'épouser Karim bien qu'il soit chrétien. D'imaginer la vie de Fatmé, mariée à l'âge de dix ans par son oncle, avant de subir dix-huit grossesses. De nous raconter son pays déchiré, le Liban, qui la pousse à prendre le chemin de l'exil.

Évoquant des destins tragiques, mais aussi la rage de vivre et l'espérance d'une multitude de personnages, Alawiya Sobh nous offre une grande fresque, puissante et au ton très libre. Maryam ou le passé décomposé fera date dans les lettres arabes contemporaines.
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Yasser Arafat m'a regardé et m'a souri

Yasser Arafat m'a regardé et m'a souri
Bazzi Yussef
Ed. Verticales

« Été 1981. J'ai quatorze ans. Mahmoud al-Taqi inscrit mon nom dans le registre avant de m'accompagner au dépôt. On me remet une paire de rangers, un uniforme kaki, une « tornade rouge » (l'insigne du Parti) à mettre sur l'épaule, une ceinture avec trois chargeurs, deux grenades et une kalachnikov, dont l'extrémité du canon - acier russe, 11 mm de diamètre - est sciée. Je suis affecté aux Forces centrales d'intervention du Parti social nationaliste syrien à Beyrouth. Le salaire est de 600 livres libanaises et un paquet de cigarettes par jour. »

Yasser Arafat m'a regardé et m'a souri est le journal d'un combattant précoce durant cinq années de guerre civile libanaise, le livre cicatriciel d'un ex-enfant-soldat. Bref récit fragmenté, à l'écriture blanche et visuelle, il entraîne le lecteur sur les talons d'un gosse qui vit d'abord la guerre comme une escapade, ce qui le conduit à éprouver la part la plus irréelle du réel. C'est aussi le texte brut et pacifié d'un poète qui s'engage dans la prose sans rien renier des puissances secrètes de sa langue.

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