De quoi parle-t-on exactement lorsque l'on évoque l'islamophobie ? Simplement de cette forme particulière de racisme dirigée contre l'islam et les musulmans. En France, c'est devenu une réalité : depuis trop longtemps, télévisions, magazines, personnalités publiques, sites variés, présentent une image dégradée, mensongère, des musulmans.
La deuxième religion de France, avec quelque six millions de concitoyens de tradition, confession ou de référence musulmanes (soit 10 % de la population), est stigmatisée par les discours haineux et les procès d'intention. Pire : selon le dernier bilan d'Amnesty International, en 2011, 298 actes islamophobes ont été perpétrés dans notre pays dont 262 contre des individus, principalement des femmes (84 % des victimes).
Cet ouvrage entend illustrer à sa manière, originale et engagée, un mal qui ronge la France et nous questionne sur la place de l'islam et son acceptation comme élément constitutif de notre société. Il veut aussi affirmer haut et fort qu'éduquer à la tolérance, au respect de l'altérité ; créer des passerelles entre les cultures et les hommes de bonne volonté, attachés à la construction d'une société solidaire, sont les grands défis d'aujourd'hui pour notre pays.
Contrairement à la légende colportée dans les grands médias, le terme «islamophobie» n'a pas été inventé par les mollahs iraniens : il est apparu en France au début du XXe siècle, en pleine période coloniale, à une époque où s'exprimaient déjà de violents discours antimusulmans... Alors que l'hostilité à l'encontre des musulmans se traduit presque quotidiennement par des discours stigmatisants, des pratiques discriminatoires ou des agressions physiques, Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed font ici oeuvre salutaire : ils expliquent comment l'islam a peu à peu été construit comme un «problème» et comment l'islamophobie est devenue l'arme favorite d'un racisme qui ne dit pas son nom.
Ce livre présente ainsi au grand public, pour la première fois, un bilan critique des recherches menées, en France et à l'étranger, sur ce phénomène. Faisant le point sur les débats autour du concept d'islamophobie, il offre une description rigoureuse des discours et actes islamophobes, en les inscrivant dans l'histoire longue du racisme colonial et dans leur articulation avec l'antisémitisme. En insistant sur l'importance des stratégies des acteurs, les auteurs décortiquent le processus d'altérisation des «musulmans» qui, expliquant la réalité sociale par le facteur religieux, se diffuse dans les médias et ailleurs. Ils analysent enfin la réception du discours islamophobe par les musulmans et les formes de contestation de l'islamophobie par l'action collective et la mobilisation du droit antidiscrimination.
Dans le monde du capitalisme, l'horizon est vide. La route sur laquelle marchent les foules mondialisées est la route vers nulle part Bien sûr, nous sommes tenus de croire qu'il n'en est pas ainsi. Nous devons faire comme si les choses pouvaient ou devaient continuer - en allant seulement de plus en plus vite. Mais nous sommes sans doute nombreux à être lassés de ce jeu. Nombreux, aussi, à espérer la possibilité d'un retournement.
Est-il encore possible de concevoir un retournement de la situation mondiale, à partir duquel seulement pourrait se dessiner un nouvel horizon ? Qu'il puisse y avoir un « horizon inverse » : cela ne signifie pas que nous devons concevoir une de ces « alternatives » que le capitalisme pourrait tourner à son avantage. S'il y a alternative, celle-ci doit être formulée dans toute sa radicalité : voulons-nous la route mortifère promise par le capital, l'accélération sur fond de vide - en espérant ne pas trop mal s'en tirer de son côté. Ou bien voulons-nous dessiner une forme de la vie commune qui préserve la possibilité même du futur.
Le fait même de poser cette question oblige à redéfinir la politique - celle qui vise l'instauration de l'égalité. Sa visée ne se limite pas à une « redistribution des richesses » : elle est de transformer les relations jusque dans la vie la plus ordinaire. Son enjeu est de restituer à la vie ordinaire la possibilité de tenir la promesse qu'elle contient : être le lieu du bonheur.
André Gorz est connu du grand public pour sa bouleversante Lettre à D. Mais pour tous ceux qui ont exploré les voies d'une alternative au capitalisme, il l'est, plus encore, comme l'un des trois ou quatre penseurs critiques majeurs de notre temps.
En finir avec l'aliénation, sortir de la subordination au travail hétéronome, s'affranchir du règne de la marchandise, repenser la question écologique, analyser les contradictions du capitalisme, dépasser l'alternative de la réforme et de la révolution... Il n'est pas un de ses thèmes essentiels sur lesquels les apports d'André Gorz ne se soient révélés précurseurs.
Cinq ans après sa mort, une trentaine d'auteurs, représentatifs des différents courants de la pensée alternative, se sont réunis en novembre 2012 dans un colloque organisé à Montreuil. On trouvera ici les communications plus spécifiquement consacrées à la sortie du capitalisme. Comment l'entendre ? Qu'est-ce que cela peut signifier aujourd'hui ?
Issu d'une enquête de terrain de deux ans en Seine-Saint-Denis, cet ouvrage donne la parole à des migrants récemment arrivés et à des familles immigrées de longue date. En se racontant, hommes et femmes, jeunes et parents sortent collectivement du silence. Ils relatent le «travail de l'exil», d'épreuve en épreuve, et questionnent les métissages socio-culturels, d'une génération à l'autre, dans les quartiers populaires. Au coeur de leurs vies, les «trous de mémoire» des familles et les «blancs» de l'histoire des migrations se conjuguent aux non-dits actuels de la société française et de son modèle d'intégration.
Parmi ces personnes, nombreuses sont celles qui vivent une triple rupture : avec leur passé (quand il ne leur est pas transmis), avec leur langue et leur culture d'origine (quand celles-ci sont censées disparaître) et avec la réussite sociale en France (quand elles se sentent mises au ban). La plupart ont connu différentes formes de précarité et parfois de violence, liées aux histoires personnelles, mais aussi aux problèmes de séjour, aux dominations de classe, de race et de genre. Ces parcours montrent, en effet loupe, les tensions sociales, les souffrances de l'exil, les impasses du métissage quand prévalent l'aveuglement, le mutisme et les relégations.
Militante féministe, avocate passionnée de la justice sociale, Judy Rebick témoigne du mouvement Occupy en Amérique du Nord à la lumière de sa longue expérience des dynamiques d'évolution qui parcourent les sociétés. En situant Occupy par rapport aux changements sociaux qui l'ont précédé et en soulignant le courage et la créativité de la génération nouvelle, l'auteure montre que ce mouvement et les mobilisations similaires déployées dans le monde entier représentent un soulèvement populaire au moins aussi important que ceux des années 1960.
Le 17 septembre 2011, dans la foulée du Printemps arabe et des Indignados, des jeunes répondent à l'appel du magazine canadien Adbusters en établissant un campement près de la Bourse de New York. Avec persévérance et conviction, ils invitent les 99 % (l'écrasante majorité de la population exclue de la richesse) à les rejoindre dans leur occupation de Wall Street, à leurs yeux la plaque tournante de l'injustice et de l'inégalité qui ravagent le monde.
Judy Rebick rappelle ici que le mouvement Occupy a rapidement bénéficié d'appuis nombreux, qu'il a su s'organiser de manière très efficace et rester fidèle à des processus démocratiques non hiérarchiques.
Les économies et les sociétés des États-Unis et de l'Europe sont aujourd'hui au seuil d'une grande bifurcation. À droite, de nouvelles configurations sociales se dessinent sous nos yeux, prolongeant, en dépit de la crise, les voies néolibérales au bénéfice des plus favorisés. L'urgence est grande du basculement vers l'autre branche de l'alternative, à gauche cette fois. Tel est le constat de ce livre, nourri par une enquête sur la dynamique historique du capitalisme depuis un siècle.
Derrière l'évolution aujourd'hui bien documentée des inégalités entre revenus du capital et revenus du travail, et entre hauts et bas salaires, se cache une structure de classes non pas bipolaire mais tripolaire - comprenant capitalistes, cadres et classes populaires -, qui fut tout au long du siècle dernier le terrain de différentes coalitions politiques. L'alliance sociale et surtout politique entre capitalistes et cadres, typique du néolibéralisme, est le marqueur de la droite ; celle entre classes populaires et cadres, qui a caractérisé l'après-Seconde Guerre mondiale en Occident, fut celui de la gauche.
Dans ce livre documenté et engagé, issu de nombreuses années de recherches, Gérard Duménil et Dominique Lévy défendent dès lors une thèse simple reposant sur une idée centrale : la réouverture des voies du progrès social passe par la capacité politique d'ébranler les grands réseaux financiers de la propriété capitaliste et la connivence entre propriétaires et hauts gestionnaires. Telle est la condition pour enclencher un nouveau compromis à gauche entre classes populaires et cadres, et ouvrir les voies du dépassement graduel du capitalisme.
Il est temps de rouvrir le futur. Et d'engager résolument la réflexion sur ce que peut être un monde libéré de la tyrannie capitaliste. C'est ce que propose ce livre, en prenant notamment appui sur les expérimentations sociales et politiques accumulées par l'insurrection et les communautés zapatistes, une « utopie réelle » de grande envergure.
Pratiquer une démocratie radicale d'autogouvernement et concevoir un mode de construction du commun libéré de la forme État ; démanteler la logique destructrice de l'expansion de la valeur et soumettre les activités productives à des choix de vie qualitatifs et collectivement assumés ; laisser libre cours au temps disponible, à la dé-spécialisation des activités et au foisonnement créatif des subjectivités ; admettre une véritable pluralité des chemins de l'émancipation et créer les conditions d'un véritable échange interculturel : telles sont quelques-unes des pistes qui dessinent les contours d'un anti-capitalisme non étatique, non productiviste et non eurocentrique.
En conjuguant un effort rare de projection théorique avec une connaissance directe de l'une des expériences d'autonomie les plus originales et les plus réflexives des dernières décennies, Jérôme Baschet s'écarte des vieilles recettes révolutionnaires dont les expériences du XXe siècle ont montré l'échec tragique. Il propose d'autres voies précises d'élaboration pratique d'une nouvelle manière de vivre.
Depuis des décennies, les anthropologues voient dans l'esprit le produit exclusif d'une culture coupée de toute base biologique ou naturelle. Ils ignorent ou rejettent ce que les sciences neuronales et la psychologie cognitive nous apprennent sur le fonctionnement de l'esprit humain. Occupés à distinguer l'inné du culturel, leurs critiques cognitivistes sont quant à eux enfermés dans la même dichotomie.
Pour surmonter cette opposition, il faut se représenter la cognition humaine non comme un état de choses statique, mais comme un processus unifié : une dynamique au sein de laquelle on peut distinguer l'histoire et les transformations du développement cognitif individuel, qui se déroulent ensemble.
Retrouver une conception unitaire de l'esprit humain, telle est l'entreprise de ce livre novateur. Reprenant des questions classiques et controversées - le temps, le moi et la personne, les catégories de la pensée, la mémoire -, il montre quels bénéfices l'anthropologie pourrait tirer d'un dialogue avec les sciences cognitives.
Instrument indispensable à toute gouvernance, forgé sur le modèle des pratiques des agences de notation financière, l'évaluation a étendu son empire à tous les domaines, tous les métiers, tous les instants, tout, vraiment tout, de la naissance à la mort. Et elle n'a cessé de prouver, de toutes les manières possibles, son inopérante bêtise et sa dangerosité. Pourtant, elle n'est jamais démentie : elle promet encore plus, si l'on évalue encore...
Pour comprendre ce qui ne va plus, ce qui ne doit pas continuer, il faut s'intéresser à l'outil universel de l'évaluation : les grilles.
Nous, citoyens, administrés, professionnels, étouffons derrière les grilles. Il faut coûte que coûte entrer dans les cases. Il faut réduire chacun de nos actes à une série d'items pour qu'ils soient quantifiables, performants. Ce que nous faisons les uns et les autres n'a plus de sens : nous ne reconnaissons plus nos vies dans la représentation du monde ainsi formaté.
Les grilles produisent un monde surveillé qui élimine toute inventivité, toute nouveauté, tout espace de liberté. Un monde mort... Ne restons pas plus longtemps enfermés derrière les grilles d'évaluation.