Okosténie

Okosténie
Caligaris Nicole
Ed. Verticales

Pendant sept mois, l'ancien otage d'un régime de terreur revit intensément les heures les plus sombres de sa captivité. Détenu au dernier étage d'une mystérieuse 'villa', il partageait alors sa cellule avec le matricule 53, un prisonnier soumis aux pires séances de torture. Dans la pénombre, une connivence finit par s'installer, comme si ce compagnon de cellule se libérait par la parole des aveux obstinément refusés à ses bourreaux. Souvenirs fidèlement reproduits ou fabriqués après coup, Okosténie constitue un témoignage mouvant qui fait jouer sur le même plan plusieurs niveaux d'identités, de vérités et de temporalités. Aussi s'agit-il d'un roman gigogne où sont cachées autant d'évasions possibles d'un voyageur immobile.

Mallarmé. Du sens des formes au sens des formalités

Mallarmé. Du sens des formes au sens des formalités
Pascal Durand
Ed. Seuil

Mallarmé : son nom n'en finit pas d'irradier la conscience littéraire. Une oeuvre à la fois mince et d'une profondeur inquiétante. Des poésies dont la radicalité formelle reste sans égale. Des proses qui fascinent autant qu'elles déroutent. Un chef-d'oeuvre, le Coup de dés, dans lequel mots et espacements s'ordonnent aux grands rythmes cosmiques. Et pourtant cet adepte déclaré de l'action restreinte fut aussi poète de circonstance, journaliste de mode, chroniqueur culturel, critique d'art engagé dans la cause de l'impressionnisme. D'un côté, un poète métaphysicien. De l'autre, un observateur des rituels de la vie culturelle et sociale.

Ces deux Mallarmé n'en font qu'un et le pari est ici de montrer que le sens des formes s'est doublé, chez lui, d'un sens des formalités, c'est-à-dire d'une conscience aiguë des ressorts sociaux qui régissent la littérature. L'oeuvre se voit ainsi placée sous le signe d'une étonnante réflexivité critique, en ce qu'elle porte à son comble la logique d'autonomisation du champ littéraire moderne tout en problématisant le principe de fiction dont dépend l'enchantement esthétique. Au miroir du texte mallarméen, c'est tout l'univers symbolique l'ayant rendu possible qui se donne à voir, dans un rapport fait de distance et de participation aux cérémonies de la littérature.

Retracer la genèse de l'esthétique mallarméenne, lire de très près les textes dans lesquels celle-ci s'est accomplie, faire valoir à la lumière d'une expérience exemplaire que dans la forme la plus fermée au social c'est encore un principe social de fermeture qui se manifeste, tels sont les enjeux du présent ouvrage, indiquant aussi la voie d'une sociologie de la littérature avec les écrivains.

L'apéritif des faibles

L'apéritif des faibles
David Descamps
Ed. Allusifs

Du Sud au Nord, de la lumière éclatante de Marseille aux Flandres de l'origine, telle est la trajectoire de ce roman. Sa traversée de la France emmène le narrateur sur les traces de son ami Dino, qui s'est donné une mort violente. En acceptant de mettre en ordre ses papiers, il se mesure à la mère de son ami défunt et à une campagne inquiétante, peuplée d'êtres frustes. Il se confronte surtout au souvenir de Dino au fil de ses carnets, qu'il lit dans le café où Dino a passé des nuits entières à boire avant de céder à l'envie de mourir. Le narrateur évoque avec une nostalgie dépourvue de geignardise ou de ressentiment l'époque de la « sensualité naturellement anarchiste qui ne cherche pas de futur » des années 90, puis se remémore les dernières années de la vie de Dino et son déclin provoqué par une déception amoureuse. Pour le narrateur, un retour vers le Sud ne se fera peut-être pas sans une certaine idée de la liquidation. Évocation de l'effervescence d'une jeunesse, féroce et libre, de tous ses désordres, le roman offre sur l'amitié une réflexion, un regard à la fois chaleureux et sans concession.

Notre-Dame des Sept Douleurs

Notre-Dame des Sept Douleurs
Régine Detambel
Ed. Gallimard/Haute Enfance

«Sibylle déteste l'impression de ses semelles sur le sable. Elle voudrait voler, elle voudrait vivre sur la Lune. Elle ne semble pas pouvoir s'adapter à la vie terrestre. Malingre et apeurée et défaite, et l'air toujours de s'effilocher...

Sibylle agite les mains devant les yeux du jongleur. 'Tu m'écoutes ? demande-t-elle.

- Oui.'

Pourtant, la parabole ne cesse de virer au-dessus de leur tête. Les épaules comme des éoliennes. Oui, elle sait qu'il l'écoute. Elle porte de nouveau la flûte à ses lèvres. Elle joue en confiance. Elle le regarde souvent. Paul ne parle qu'à répondre. Ses yeux écoutent Sibylle tandis qu'il regarde les balles avec les mains. Il dit : 'Je t'aime.' Il y a plusieurs voix ensemble dans sa voix qui est très belle. Et cette voix regarde Sibylle avec tendresse.

Un petit vent se fait porte-parole.

'Salut, ma toute vivante !' chuchote encore Paul. Il respire tranquillement.

Et quand Paul, par son sourire, a dit : 'Je suis là', pour Sibylle, l'instant d'avant, pourtant si pénible, n'a plus d'importance.»

Une heure pour l'éternité

Une heure pour l'éternité
Fignolé Jean-Claude
Ed. Sabine Wespieser

Une heure pour l'éternité. Saint Domingue, 1802. Pour mater Toussaint Louverture et rétablir l'esclavage. Napoléon Bonaparte a envoyé un corps expéditionnaire. Il s'agissait aussi de renflouer les caisses de l'État en reprenant la plus prospère des anciennes colonies, et... d'éloigner de son frère l'incestueuse et volage Pauline. Le général Victor-Emmanuel Leclerc, chef du corps expéditionnaire et mari de Pauline, se meurt de la fièvre Jaune. Même si Toussaint Louverture croupit au fort de Joux, les soldats de métropole ont échoué dans leur reconquête, victimes des maléfices de la terre caraïbe, devenue l'instrument de la vengeance des Noirs.

Trois voix alternent pendant cette heure d'agonie hallucinée : entre deux spasmes, Leclerc, mari cocu et piètre politique, invoque la raison d'État pour justifier la sauvagerie de sa répression. Fruits de son imagination déjà délirante, ses conversations avec l'ombre de Toussaint Louverture posent pourtant clairement les enjeux de cette page très sombre des relations entre la France et Haïti. Le monologue de Pauline, lui, est hanté par ce qu'elle a vu sur les bateaux de la rade : les corps des Noirs pendus et torturés. La voix de la fidèle servante corse, Oriana, témoigne, impuissante, de l'inéluctable : la troupe elle aussi se meurt, alors que Pauline, dans une quête effrénée des plaisirs, tente malgré tout de se divertir.

Quatre uppercuts

Quatre uppercuts
Lelorain Patrice
Ed. La Table ronde

Quatre textes où l'auteur enlace quinze années de boxe dans une étreinte passionnée parcourue de tendres éclats et de spasmes sulfureux. Dans «Le Rire des Gitans», où s'amorce la fulgurante série de portraits qui illumine tout le livre, le véritable héros est le public qui au bout du compte assène un coup des plus cruels. Suit «Roi des Lions» qui voit l'écrivain s'attacher à un bien étrange champion de France. Enchaînement naturel, «Joe» s'apparente à une longue séance de boxing-shadow entre le narrateur et le champion sedanais Joe Siluvangi, exercice au cours duquel Patrice Lelorain revisite le noble art, et se perd dans la cité ardennaise pour mieux se retrouver dans un finale éblouissant. «Quatre Uppercuts» clôt le livre comme une épure où ne subsiste plus que la danse entre un geste et le destin, qui fuit, embrasse, châtie... ou tue.

Le temps d'une chute

Le temps d'une chute
Claire Wolniewicz
Ed. Viviane Hamy

À quatorze ans, Madelaine quitte l'orphelinat avec un métier : couturière.

Éblouie par la fluidité des matières et l'explosion des couleurs, déjà experte dans l'art de la coupe, elle crée ses premières robes. Puis, à Paris, les clientes repèrent ses créations. Ses modèles ont un succès fou, l'atelier déborde de commandes. Désormais, la maison portera son nom : «Madelaine Delisle».

Le siècle défile, inventions, restrictions, destructions... L'après-guerre offre Tadeusz, et son fol amour de la vie, à Madelaine. Lucie naîtra. La jeune femme dessine quantité de modèles pour sa fille... Mais les vieux démons rôdent : pourquoi ne parvient-elle pas à toucher sa fille, à lui parler, à l'aimer ?... Le couple se délite, Madelaine s'isole...

Roman d'initiation, du désir de donner et de la nécessité du choix, Le Temps d'une chute est une fresque du XXe siècle filtrée au pochoir de la Mode.

Le goût des abricots secs

Le goût des abricots secs
Perez Gilles D.
Ed. Rouergue

«Nous tirions de grandes satisfactions d'être les derniers habitants de la résidence. Tous les autres avaient fini par partir. Le vieil homme s'appuyait contre mon épaule et nous cheminions lentement dans les étages, nous souvenant des travers de ceux qui vivaient là, de leur méfiance envers le vieil homme et sa femme parce que c'étaient des étrangers qui roulaient les 'r' et qui écoutaient de la musique jusque tard le soir, et de leur animosité envers Véra et moi parce que nous étions l'unique jeune couple de la résidence. Nous marchions dans ces lieux sombres et déserts, hantés par de lointains accords de piano, et nous étions les seuls rescapés d'un naufrage, explorant l'île où nous avions échoué, rassurés de n'y trouver personne. Et si l'on nous avait dit que nous étions les deux seuls êtres humains encore présents sur la Terre, nous l'aurions cru volontiers et nous aurions fêté la bonne nouvelle d'une rasade de vodka.»

Le jour où le ciel a disparu

Le jour où le ciel a disparu
Lambert Michel
Ed. Rocher

Un jour, ils ont eu l'impression que le ciel disparaissait. Comme si un grutier facétieux avait lâché un bloc de béton sur leur tête qui, des années plus tard, résonnerait encore des vibrations du choc. Une humiliation, un enfant malade, une dette de jeu, une dispute, la fin d'une liaison... Mais il suffit parfois de pas grand-chose pour que le ciel réapparaisse alors que tout semblait joué. La voix d'une femme derrière la porte, des cerfs-volants dans le ciel, le verre de l'amitié, des retrouvailles, le rêve d'une cerisaie...

Les personnages de ces dix nouvelles ont tous vécu la disparition du ciel puis sa renaissance. Dans un mélange de gravité, d'espoir et de renoncement. De dignité et d'humanité. Un homme aboie, un autre fustige les peintres préraphaélites, une femme bénit les passants, trois amis éprouvent une peur irraisonnée... Soudain le tragique, l'incongru, le cocasse se taisent pour laisser la parole aux âmes qui, enfin, se comprennent.

Comme une mère

Comme une mère
Reysset Karine
Ed. L'Olivier

Elles sont venues seules et se retrouvent côte à côte dans la salle des naissances. Pour l'une comme pour l'autre, ce jour doit inaugurer un nouveau départ. La très jeune Émilie accouche sous X et espère «tout recommencer à zéro». Judith, elle, attend avec une impatience teintée d'inquiétude la naissance de son fils, Camille, un miracle après tant d'années de grossesses déçues.

Mais, pour l'une comme pour l'autre, rien ne se passe comme prévu. Judith perd son bébé et, dans un geste de détresse, enlève l'enfant promis à l'abandon de la chambre voisine.

Dès lors, le destin de ces deux femmes est irrémédiablement lié.

Karine Reysset explore tout en finesse les promesses que recèle pour les mères l'arrivée d'un enfant, les inévitables blessures et la folie qui s'empare d'elles quand la maternité leur est refusée.

Un récit mené tambour battant, un sujet qui bouscule, un suspense prenant : Comme une mère ressemble à ces contes maléfiques et merveilleux qui vous hantent longtemps.

Newsletter