« Pour Vollard, Eva devenait la petite Chartreuse. Silencieuse sans en avoir fait le v?u. La très pâle moniale.
L'enfant cloîtrée. L'enfant privée de voix et de joie, privée d'enfance. Mais au fil de ces errances dans la Chartreuse, bizarrement, ce n'était pas le poids écrasant et absurde de l'accident que Vollard ressentait en compagnie de la petite fille, mais un inexplicable allègement, un soulagement, un apaisement dû à ce rituel de marche lente, de silence, de contemplation de choses infimes. Comment un si petit être, émettant si peu de signes, pouvait-il lui donner cette impression de discret équilibre ? Le sentiment confus que tout pouvait se résumer à ce va-et-vient entre la librairie et l'hôpital s'intensifiait encore en passant, Eva à ses côtés, du centre spécialisé à la nature sauvage. » P.P.
Romancier, spécialiste du romantisme allemand, directeur de programme au Collège international de Philosophie, Pierre Péju nous fait cadeau ici d'un livre simplement splendide.
Après avoir respiré les vapeurs nocives dans l'imprimerie où il travaille, monsieur Carossa tombe malade.
Par crainte d'un licenciement, il demande au médecin le silence. Et puis, un jour, il ne se lève pas. Comme un animal écrasé sur la route, il gît, à même le drap?
Dans un style d'une simplicité absolue, Yves Ravey parle de gens qui ne parlent jamais d'eux-mêmes, évoque subtilement, et comme en creux, la droiture tenace d'un homme et la résignation d'une femme.
L'auteur du très beau Cours classique signe ici un roman bref et émouvant.
Sur Mathilde Klein, retrouvée noyée devant l'étrave d'une péniche, on ne saura pas grand chose.
Devant l'enquêteur Baptiste Dridi, son mari Simon Klein, psychanalyste reconnu, soutiendra jusqu'au bout l'hypothèse du suicide. Le policier, à la mémoire troublée par le suicide de sa propre mère quand il était enfant, est tenté de la croire.
Dominique Sigaud nous entraîne dans une plongée glaciale vers les arrières-pensées des deux narrateurs. À travers leur confrontation, elle dresse un constat sans espoir des petitesses intimes et des compromis sociaux et dessine un portrait rageur, amer et violent de la société contemporaine.
« Ecrire, c'est bon pour les doigts et la tête : on essaie de mélanger Faust et Frank Sinatra.
Surtout, c'est une occasion d'aller à Londres, au Criterion, sur Picadilly, juste le temps de savourer du Ear'l Grey sans quitter des yeux la copie conforme d'une vieille connaissance : « Après tout, ce n'est pas la première fois qu'on enferme un enfant dans un coffre. D'ailleurs, du moment qu'on lui a laissé son arc et ses flèches, il ne peut pas avoir peur du noir. » Zéro partout, comme dirait Giminy Cricket. » D.F.
Des textes courts et vifs comme des images, pleins d'un humour vraiment original par un auteur trop rare.
Quand la littérature bluffe les adeptes du Loft
Un professeur s'obstine à proposer à des élèves éblouis par le Loft ou absorbés par des soucis immédiats des textes de Proust ou d'Apollinaire. Au fil des heures de classe pendant une année, la littérature se révèle un étrange dépaysement et un détour paradoxal, stratégique ou involontaire, qui ramène au présent des élèves et du monde. Rachid découvre dans Marivaux la vraie nature du Loft, Platon fait parler de Ben Laden et Salim interprète Saint-Simon avec son histoire et ses projets.