Deux chambres avec séjour. Petit feuilleton domestique

Deux chambres avec séjour. Petit feuilleton domestique
Aslân Ibrahim
Ed. Actes Sud

Khalil et sa femme Ihsan vivent seuls dans un petit appartement de deux chambres avec séjour, qu'ils ne quittent pratiquement jamais. Depuis qu'il a pris sa retraite et que leurs deux enfants se sont mariés, ils n'ont plus rien à faire de leurs journées, sinon se quereller gentiment pour des broutilles, comme la manière de cuire les fèves, le choix des programmes télévisés ou la manie qu'a Khalil de commencer toutes ses phrases par « je pense ». Puis Ihsan meurt, laissant Khalil dans une extrême solitude, en proie aux soucis de la vieillesse, et c'est alors qu'il renoue avec son ancien quartier, ses anciens amis, et que le monde extérieur s'engouffre dans son vieil appartement, dont la porte reste désormais toujours ouverte...

Composé de courtes scènes apparemment banales de la vie quotidienne, mais dont chacune, sans le moindre artifice, s'ouvre sur des questionnements essentiels, ce feuilleton domestique est l'oeuvre ultime d'Ibrahim Aslân, décédé il y a quelques mois. Avec son style dépouillé, son regard minutieux sur les êtres et les choses, et la douce mélancolie qui s'en dégage, il nous plonge avec malice, comme par enchantement, dans l'étrangeté de l'ordinaire.

Les miroirs de Frankenstein

Les miroirs de Frankenstein
Beydoun Abbas
Ed. Sindbad


Ce n'est pas une autobiographie comme une autre que nous offre le poète libanais Abbas Beydoun dans ce livre, bien qu'il respecte scrupuleusement le fameux pacte qui consiste à se raconter dans un esprit de vérité. Ce sont plutôt onze miroirs où il se contemple, et qui se succèdent sans souci chronologique pour refléter chaque fois un moment de sa vie et ajouter une touche à son portrait. S'il commence ainsi par nous dire comment il a constaté, à l'âge de treize ans, que sa voix enregistrée dans un magnétophone ne ressemblait nullement à celle qu'il croyait avoir, il poursuit par sa découverte, à vingt-sept ans, de la fête de la Saint-Sylvestre, quand il s'est retrouvé par hasard dans une société beyrouthine occidentalisée dont il ne soupçonnait pas l'existence. Son aventure avec une parente délurée bien que voilée ou sa proverbiale maladresse nous valent des pages truculentes tranchant avec celles, poignantes, qu'il consacre à son insomnie chronique ou à son hospitalisation en France à la suite d'une dépression nerveuse...

L'ange rouge

L'ange rouge
Gürsel Nedim
Ed. Seuil

Le biographe turc de Nâzim Hikmet se rend à Berlin, où un mystérieux personnage lui a donné rendez-vous afin de lui remettre des dossiers très importants concernant le poète. À leur lecture, il comprend qu'il s'agit de documents de police relatifs à la vie privée et l'engagement de Hikmet, alors réfugié en Europe de l'Est après avoir connu la prison dans son pays, et que son interlocuteur, qui se fait appeler «Ange», n'est autre qu'un ancien agent de la Stasi. Celui-ci, homosexuel et «vieux fusil», a été amoureux du poète et de sa cause. Dans une longue évocation de Berlin avant et après la chute du Mur, le biographe s'interroge sur ce personnage ambigu et sur les tragédies du XXe siècle. Il se souvient aussi de son grand amour, une chanteuse de cabaret dont il ignore qu'elle travaille désormais dans un lupanar sordide de la capitale de l'Allemagne unifiée. Construit en trois parties à la jonction d'Istanbul, Moscou et Berlin, ce roman rassemble tout ce qui traverse l'oeuvre de Nedim Gürsel : sa passion pour les villes et leur littérature, pour la Turquie et son histoire, pour l'errance et la poésie.

En numérique chez Tropismes : L'ange rouge

Bonita avenue

Bonita avenue
Buwalda Peter
Ed. Actes Sud

Recteur d'une des plus grandes universités des Pays-Bas, Sigérius est un homme bien sous tous rapports, grand mathématicien et grand sportif, ancien champion de judo. À cinquante ans, il est pressenti pour devenir ministre de l'Éducation et entrer dans le cercle étroit du pouvoir. Chef heureux d'une famille recomposée, Sigérius a élevé les deux filles de sa seconde épouse. L'aînée, Joni, est une jeune femme brillante dont il est fier.

Compagne d'un photographe prénommé Aaron, Joni a mis au point un système pour booster en secret son ascension sociale. Mais c'est compter sans la libido paternelle : chaque nuit, Sigérius rejoint sur le Web quelques créatures de rêve. Ainsi découvre-t-il une beauté ravageuse, dont l'élégance suggestive lui rappelle étrangement... sa fille Joni.

Après vérification, la belle alanguie sur l'écran de ses nuits est bien Joni, laquelle évolue sur un site pornographique dont elle est l'unique propriétaire, une entreprise qui nourrit l'ambition dévorante de la jeune femme.

Ce premier roman est digne des plus grands textes de la littérature noire d'aujourd'hui. Milieu du sexe et puissance planétaire du Web, violence extrême de l'image et destruction de toute morale : l'histoire de cette jeune femme d'affaires met en scène de façon grandiose la perversité de notre époque. Dans un monde où personne n'est ce qu'il paraît être, où le scintillement des écrans cache un magma de pulsions et de vice, l'irruption de la vérité provoque une monstrueuse explosion qui propulse les individus sur l'orbite de destins incontrôlés.

En numérique chez Tropismes : Bonita avenue

Il vous choisit. Petites annonces pour vie meilleure

Il vous choisit. Petites annonces pour vie meilleure
July Miranda
Ed. Flammarion

A l'été 2009, Miranda July travaille au scénario de son second film, une oeuvre attendue et qu'elle peine à achever. Durant ses pauses-déjeuner, elle se met à lire frénétiquement le PennySaver, le journal de petites annonces que tout le monde trouve dans sa boîte aux lettres aux Etats-Unis. Qui est la personne proposant une 'grande veste en cuir, 10 $' ? Le découvrir devient soudain une priorité - ou au moins, un très bon moyen d'oublier le scénario.
En compagnie de la photographe Brigitte Sire, July sillonne Los Angeles à la rencontre de vendeurs du PennySaver sélectionnés au hasard. Elle découvre à cette occasion treize univers profondément singuliers et émouvants qui exerceront sur son film comme sur elle-même une influence inattendue. Ce livre mêlant avec élégance récit, entretiens et photographies, le tout agrémenté de spontanéité décalée et d'humour pince-sans-rire, est à la fois un autoportrait de l'artiste et une description de l'autre face de l'Amérique, celle de la solitude et du besoin de communiquer malgré tout.

 

Dachenka ou La vie d'un bébé chien

Dachenka ou La vie d'un bébé chien
Capek Karel
Ed. Sonneur

Dachenka : « vertébré de l'ordre des carnivores coquins et canins, sous-ordre des endiablés, genre des fureteurs, famille des farceurs, variété des facétieux à oreilles noires. » Avec humour et tendresse, Karel Capek nous conte l'arrivée de cette petite boule de poils qui bouleverse le fil de son quotidien. L'écrivain tchèque observe le développement de cette furie canine, la raconte, la décrit, la dessine et se met même au défi de la photographier, allant jusqu'à lui inventer des contes afin qu'elle reste tranquille. Facéties, espiègleries et badineries s'enchaînent dans ce récit - prisé par plusieurs générations de lecteurs tchèques -, qui séduira aussi bien les petits que les grands.

Taches de soleil, ou d'ombre

Taches de soleil, ou d'ombre
Jaccottet Philippe
Ed. Le Bruit du temps

Ce recueil, composé de notes des années 1952-2005 qui n'avaient pas été retenues lors des choix précédemment opérés par Philippe Jaccottet, parachève la publication de ses cahiers et complète donc l'ensemble constitué par les trois volumes de La Semaison et celui des Observations et autres notes anciennes, tous parus aux éditions Gallimard.

« D'un côté j'ai le ciel, à ma gauche le ciel, la rue sur les lointains, l'ouvert, à ma droite il y a la maison d'arbres, la maison d'yeuses, avec ses fenêtres et ses habitants, les oiseaux pareils à des lampes. On marche ainsi entre le secret et l'aveu, la retraite d'ombre et le risque, et c'est cette double possession qui est belle »

Roderick Random

Roderick Random
Smollett Tobias
Ed. Belles lettres

Enfin à nouveau diponible !

Qui est Random ? Un jeune Écossais, de naissance avantageuse mais orphelin. Doté d'une solide éducation, intelligent à proportion, il partira pour Londres et apprendra la vie, en plein XVIIIe  siècle, sous la forge des voyages. Successivement gueux, aide-chirurgien sur un vaisseau, poignardeur, domestique, poète et soldat, Random sera finalement rattrapé par l'amour et la fortune dans un dénouement magnifiquement comploté par Smollett. Son style, comme ses personnages, ne s'embarrasse pas toujours de « précautions, d'éducation et de politesse ». Smollett est un moraliste brutal, « contre la misérable et vicieuse économie du monde ».

« Si le romancier est cet homme qui promène un miroir le long d'un chemin, Smollett est le romancier parfait » ! Jean Giono

La promo 49

La promo 49
Carpenter Don
Ed. Cambourakis

Ce septième roman de Don Carpenter, paru en 1985, est un portrait de groupe : on y suit les trajectoires d’une trentaine de camarades au cours d’une année charnière, celle où ils vont terminer le lycée, et basculer plus ou moins brutalement vers l’âge adulte.

Cet « album » est composé de vingt-quatre chapitres, des instantanés, dont le développement narratif flirte avec les canons de la nouvelle américaine : un certain minimalisme, une rigueur linguistique, une tension propre, des chutes laconiques, comme en suspens, qui soulignent souvent la tonalité nostalgique de ces brefs épisodes.

L’action se situe à Portland à la fin des années quarante, débute un soir de réveillon, s’attarde un peu au lycée, passe fugitivement à New-York, s’offre quelques excursions estivales à Seaside, la station balnéaire toute proche, et se clôt sur des retrouvailles, un an plus tard précisément, lors d’un double enterrement…

Don Carpenter avait dix-huit ans en 1949 ; à travers ce roman, il porte sur sa génération un regard empathique et lucide et restitue avec une remarquable économie de moyens la grâce précaire de la jeunesse.

« Pour eux, le temps du lycée et de la jeunesse était terminé. C’était une réalité. »

Parlez-moi d'Anne Frank

Parlez-moi d'Anne Frank
Englander Nathan
Ed. Plon

Deux couples se retrouvent pour un dîner. Les femmes, de vieilles amies d'enfance, ont pris des chemins très différents : l'une, juive hassidique, vit en Israël avec son mari et ses dix enfants ; l'autre a choisi la laïcité, elle n'a qu'un enfant, adolescent. Au fil de la conversation, les langues se délient et les masques tombent, dévoilant des visages inattendus. Alors le 'mari laïque' lance le jeu 'Anne Frank' inventé par sa femme. Le principe : 'S'il le fallait, serais-tu prêt à me cacher au péril de ta vie ?' Ce jeu dangereux redouble l'intensité lorsque la femme hassidique lit dans les yeux de son mari qu'il la dénoncerait...
Salué par une critique unanime et l'ensemble des écrivains américains de sa génération, Parlez-moi d'Anne Frank charrie autant de pépites d'émotion, d'humour, de tragédies et de poésie que le précédent, la maturité en plus.

 

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