La beauté du monde

La beauté du monde
Le Bris Michel
Ed. Grasset

Ils furent, dans les années 20, les grandes stars de l'aventure. Lui, Martin Johnson, compagnon dans sa jeunesse de Jack London, inventa le cinéma animalier. Elle, Osa, la plus glamour des risque-tout, inspira l'héroïne du film King Kong. D'eux, Hemingway écrivit qu'ils furent les premiers à briser les clichés sur «l'Afrique des ténèbres». Martin et Osa étaient, pour toute l'Amérique, les «amants de l'aventure».

En 1938 Winnie, écrivaine débutante, est chargée d'écrire la biographie d'Osa, veuve désormais, beauté flétrie réfugiée dans l'alcool, toujours hantée par le mystère de la beauté du monde...

Du New York des «roaring twenties» à la splendeur d'un Kenya des premiers âges de la Création, de la Table Ronde de l'Algonquin, où Dorothy Parker fut la marraine d'Osa, aux clubs de Harlem où s'inventait le style «jungle» quand la modernité la plus radicale flirtait avec notre «part sauvage» : à travers le destin d'une femme, c'est toute la fièvre d'une époque que Michel Le Bris nous fait revivre dans ce roman au souffle exceptionnel.

Voix off

Voix off
Podalydès Denis
Ed. Mercure de France

« Est-il, pour moi, lieu plus épargné, abri plus sûr, retraite plus paisible, qu'un studio d'enregistrement ? Enfermé de toutes parts, encapitonné, assis devant le seul micro, à voix haute - sans effort de projection, dans le médium -, deux ou trois heures durant, je lis les pages d'un livre. Le monde est alors celui de ce livre. Le monde est dans le livre. Le monde est le livre. Les vivants que je côtoie, les morts que je pleure, le temps qui passe, l'époque dont je suis le contemporain, l'histoire qui se déroule, l'air que je respire, sont ceux du livre.

J'entre dans la lecture. Nacelle ou bathyscaphe, le réduit sans fenêtre où je m'enferme autorise une immersion ou une ascension totales. Nous descendons dans les profondeurs du livre, montons dans un ciel de langue. Je confie à la voix le soin de me représenter tout entier. Les mots écrits et lus me tiennent lieu de parfaite existence.

Mais de ma voix, lisant les mots d'un autre, ceux d'un mort lointain, dont la chair est anéantie, mais dont le style, la beauté de ce style, fait surgir un monde d'échos, de correspondances et de voix vivantes par lesquelles je passe, parlant à mon tour, entrant dans ces voix, me laissant aller à la rêverie, à l'opération précise d'une rêverie continue, parallèle et libre, je sais que je parle, je sais que c'est de moi qu'il s'agit, non pas dans le texte, bien sûr, mais dans la diction de ces pages.

Alors d'autres voix encore se font entendre, dans la mienne. »

Le roi de Kahel

Le roi de Kahel
Monénembo Tierno
Ed. Seuil

Au début des années 1880, Aimé Victor Olivier, que les Peuls appelleront Yémé et qui deviendra le vicomte de Sanderval, fonde le projet de conquérir à titre personnel le Fouta-Djalon et d'y faire passer une ligne de chemin de fer. On a presque tout oublié de lui aujourd'hui : il fut pourtant un précurseur de la colonisation de l'Afrique de l'Ouest et ses aventures faisaient le régal des gazettes de l'époque. Au cours de ses cinq voyages successifs, Sanderval parvient à gagner la confiance de l'almâmi, le chef suprême de ce royaume théocratique qu'était le pays peul, qui lui donne le plateau de Kahel et l'autorise à battre monnaie à son effigie. De ce personnage haut en couleur, Tierno Monénembo nous offre une foisonnante biographie romancée. L'épopée solitaire d'un homme, Olivier de Sanderval, qui voulut se tailler un royaume au nez et à la barbe de l'administration française... et des Anglais.

Les maîtres de Glenmarkie

Les maîtres de Glenmarkie
Ohl Jean-Pierre
Ed. Gallimard/Blanche

Qui sont vraiment les maîtres du manoir de Glenmarkie, cette bâtisse écossaise menaçant ruine, tout droit échappée d'un roman de Stevenson ? Et où est donc passé le trésor de leur ancêtre Thomas Lockhart, un écrivain extravagant mort de rire en 1660 ? Fascinée par le génie de Lockhart, intriguée par l'obscur manège de ses descendants, la jeune Mary Guthrie explore les entrailles du manoir et tâche d'ouvrir les trente-deux tiroirs d'un prodigieux meuble à secrets.

Ebenezer Krook est lui aussi lié aux Lockhart. À Édimbourg, dans la librairie d'un vieil excentrique, il poursuit à l'intérieur de chaque livre l'image de son père disparu.

Les tiroirs cèdent un à un sous les doigts de Mary. Les pages tournent inlassablement entre ceux d'Ebenezer. Mais où est la vérité ? Dans la crypte des Lockhart ? Au fond de Corryvreckan, ce tourbillon gigantesque où Krook faillit périr un jour ? Ou bien dans les livres ?

Peuplé de silhouettes fantasques, de personnages assoiffés de littérature qui rôdent au bord de la folie, Les maîtres de Glenmarkie brasse les époques, les lieux, et s'enroule autour du lecteur comme un tourbillon de papier. Hommage facétieux aux grands romans d'aventures, il pose et résout une singulière équation : un livre + un livre = un homme.

Le royaume de Sobrarbe. Journal 2005

Le royaume de Sobrarbe. Journal 2005
Camus Renaud
Ed. Fayard

« Cette promenade-là, toute mélangée de graves inquiétudes pour le châssis de la voiture, pour les pneumatiques (qu'en effet il va falloir changer, a-t-on découvert hier...), et à propos de l'heure qui tournait, d'un hôtel à trouver, du danger de s'enliser et de l'absence de tout secours à espérer si le besoin s'en manifestait, cette promenade-là était éminemment frustrante, comme toujours les plus belles promenades, qui sont des idées de promenade, des projets de promenade, des marches pour une autre fois. Je veux dire que je ne rêve que de la refaire, celle-là, et mieux, plus à loisir, au cours d'une de ces vies qui ne se présentent jamais où le temps qu'on a dans sa gibecière est aussi énorme que l'espace offert à la vue sur des hauteurs pareilles. L'archi-objet du désir est un village abandonné nommé Morcat, je crois bien, dont on aperçoit le clocher, une haute tour carrée, de toutes les contrées à la ronde. Isolé, perdu, très difficile à atteindre (au moins pour les voyageurs pressés), il est pourtant, lui, en position de chef d'orchestre du sublime - car si le sublime a un sens, en matière de paysage, c'est bien sur ces plateaux-là qu'il le rencontre, au sud de Boltaña, à l'ouest-sud-ouest d'Aínsa, près des sources du río Vero, dans l'ancien royaume de Sobrarbe. »

Les pieds dans l'eau

Les pieds dans l'eau
Duteurtre Benoît
Ed. Gallimard/Blanche

« Le 29 septembre 1990, une vingtaine de descendants de René Coty se retrouvèrent à l'Elysée. Chez les petites-filles du Président, d'ordinaire si ardentes à rompre avec le passé, l'opportunité sembla éveiller un brin d'amusement. Les années glorieuses s'éloignaient suffisamment pour prendre un arrière-goût folklorique. Tout le monde avait oublié le nom de Coty - sauf pour le confondre avec celui d'un parfumeur. L'époque présidentielle ne représentait plus une menace avec ses privilèges. Rien ne pouvait désormais entraver le triomphe de cette vie normale vers laquelle ma famille inclinait depuis trente ans. »

Avec ce roman familial, Benoît Duteurtre déploie son art d'humoriste social sur un mode plus intime. À l'ombre des falaises d'Etretat, il observe les transformations de la bourgeoisie en vacances, le catholicisme revisité par mai 68 et sa propre évolution de jeune homme moderne à la découverte de la nostalgie.

L'heure de la fermeture dans les jardins d'Occident

L'heure de la fermeture dans les jardins d'Occident
de Cessole Bruno
Ed. La Différence

Philippe Montclar, jeune étudiant en quête d'absolu, rencontre par hasard, dans les allées du jardin du Luxembourg, Frédéric Stauff, philosophe que l'intelligentsia parisienne a d'abord porté aux nues puis excommunié. Fasciné par le personnage dont nul ne parle plus, il enquête sur son passé et cherche à le revoir. Peu à peu se noue entre eux une relation amicale qui évolue vers des rapports de maître à disciple. Au fil de discussions dans les jardins et les cafés de Paris, Frédéric Stauff confie au jeune Montclar l'histoire de sa vie - sa conversion à un mode d'être obscur et anonyme qui prône le suicide comme seule issue philosophique à l'existence. Pour le convaincre, il lui raconte les échecs splendides de vies exemplaires : Senancour, Leopardi, Nietzsche, Bloy, Walser... Pourquoi Montclar, d'abord fasciné, commence-t-il à douter de son maître ? Un voyage à Rome auprès d'un ancien camarade spécialiste du suicide dans la Rome antique l'amène à se demander s'il n'est pas manipulé par un héritier des sophistes. La maîtresse de Montclar, Ariane, sera l'instrument du destin.

Corniche Kennedy

Corniche Kennedy
de Kerangal Maylis
Ed. Verticales/Phase deux

« Les petits cons de La corniche. La bande. On ne sait les nommer autrement. Leur corps est incisif. Leur âge dilaté entre treize et dix-sept, et c'est un seul et même âge, celui de la conquête : on détourne la joue du baiser maternel, on crache dans la soupe, on déserte la maison. »

Le temps d'un été, quelques adolescents désoeuvrés défient les lois de la gravitation en plongeant le long de la corniche Kennedy. Derrière ses jumelles, un commissaire, chargé de la surveillance de cette zone du littoral, les observe. Entre tolérance zéro et goût de l'interdit, les choses vont s'envenimer...

Âpre et sensuelle, la magie de ce roman ne tient qu'à un fil, le fil d'une écriture sans temps morts, cristallisant tous les vertiges.

Vous avez dit métèque ?

Vous avez dit métèque ?
Matzneff Gabriel
Ed. Table ronde

Je fus, en 2007, choqué par l'insistance grossière avec quoi les média (de gauche comme de droite), lors de l'élection de Nicolas Sarkozy et du décès du cardinal Jean-Marie Lustiger, mirent l'accent sur les origines hongroises de l'un, polonaises de l'autre ; sur le sang rastaquouère qui coulait dans leurs veines. Ces considérations étaient d'une extraordinaire inconvenance, mais les goujats qui les exprimèrent n'étaient même pas conscients de leur goujaterie, tant ce thème de la race, des Français « de souche » et de ceux qui ne le sont pas, appartient désormais à la conversation courante, est entré dans les moeurs.

Jamais depuis la Libération les crispations xénophobes n'ont été en France aussi vives. Je suis incommodé par ce retour aux racines qui est tant à la mode, par ce barrésisme de bas étage dont on nous casse les oreilles (et que Barrès assurément récuserait), par cette apologie du droit du sang aux dépens du droit du sol, par cette soudaine prolifération de l'adjectif « identitaire » que l'on chercherait en vain dans le Littré.

Au coeur de ce livre qui traite de politique, d'art, de religion, se trouve donc la question de l'émigration, de l'identité nationale.

Vous avez dit métèque ? exprime quarante ans de la vie d'un artiste qui, fils d'émigrés russes, a mis son talent et son énergie créatrice au service de la langue française ; qui, nonobstant son nom exotique farci de z et de f comme une dinde de Noël l'est de marrons, a l'audace de penser que ses livres servent la France, s'incorporent à son patrimoine littéraire.

Twist

Twist
Bertholon Delphine
Ed. Lattès

Maman me l'avait assez répété, de ne pas parler aux inconnus, de faire attention avec tous ces détraqués qui courent dans la nature mais là, pas une seconde ça ne m'avait traversé l'esprit. À cause de la bonne tête de R. avec sa chevelure d'éponge, sa voiture brillante, la jolie chatte à trois couleurs dans la petite caisse, l'orage dément qui me coulait dessus et surtout - surtout - à cause de Stanislas.

Guéthary, au mois de juin. Madison, onze ans, est enlevée au retour de l'école. Au fond de la cave qui lui sert désormais de chambre, elle essaie de comprendre le pourquoi du comment. Avec cette foi des enfants qui ne renoncent jamais, elle réinvente un monde plus vaste, à la mesure de ses grands projets.

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