Nous voilà

Nous voilà
Laclavetine Jean-Marie
Ed. Gallimard/Blanche

1973. Le cercueil du maréchal Pétain est arraché à sa sépulture de l'île d'Yeu par un commando de fidèles. Ils projettent de l'ensevelir à Douaumont, parmi les pioupious. Mais Paul Destrem et Salvador Martinez, deux trublions indépendants, interceptent par hasard l'illustre dépouille. Ils vont dès lors veiller sur ce trésor de guerre, ardemment convoité par diverses factions.

Nous voilà ne raconte pas seulement les tribulations d'un Maréchal en rupture de tombe à travers trois décennies. C'est aussi la chronique ravageuse d'une époque et d'une génération parcourues par les répliques du séisme soixante-huitard, de 1973 à 2007. On y croisera quelques brebis échappées du Larzac, des forts en thème et des forts en gueule, une Islandaise aux yeux de banquise et un Argentin désargenté, des apôtres du président Mao devenus champions de l'Occident chrétien, des enfileuses de perles en plastique et des fumeurs de joints, des idéaux en berne et des idées en l'air, des renégats, des missionnaires, quelques gardes mobiles et un garde-barrière, et aussi une femme qui rit. On y rencontre Samuel, enfant perdu, et ses parents Paul et Lena, couple central du roman, qui essaient d'inventer un amour résistant aux maladies du siècle.

La confession négative

La confession négative
Millet Richard
Ed. Gallimard/Blanche

« Ce n'était plus la guerre fantomatique à quoi, depuis mon arrivée à Beyrouth, je m'étais habitué et qui ne venait pas ; ce n'était plus du roman devenu vague rêverie au fond de l'ennui ; c'était l'essence même de toute littérature : la guerre, violente, exigeante, dangereuse, enivrante, aussi, car j'y ai retrouvé les gestes qui étaient les miens, enfant, dans les bois de Siom, quand je jouais à la guerre et que je mourais ou tuais avec une ivresse qui me laissait croire que j'étais la proie d'autre chose que de la fièvre du jeu.
Mais à Beyrouth, cette nuit-là, au premier étage du magasin que nous devions tenir, dans le bruit des armes, les éclats, l'odeur de poudre, d'huile et de métal chaud, je sentais les autres miliciens bien plus proches de moi que mes anciens compagnons de jeu.
Tout ça me plaisait dans une dimension inquiétante, voire terrifiante du plaisir : celle qu'on connaît dans les très grandes amours. »

Les Voyageurs du Temps

Les Voyageurs du Temps
Sollers Philippe
Ed. Gallimard/Blanche

« Je viens du Centre de tir. Quelques bavures pour commencer (fatigue, souffle court), et puis précision. Je ne sais plus quel poète américain a écrit ces deux vers : 'Paradis calme/Au-dessus du carnage'. C'est mon état d'esprit à l'entraînement. En haut, si j'arrive à penser le moins possible, ciel bleu, calme lumineux. En bas, explosion et larmes.
Je me concentre sur le mot 'mot'. Je le vois là-bas, dans la ligne de mire. Il respire un peu, il grandit, c'est lui que je vise, que je veux toucher et trouer. Mot. Avec une lettre de plus, c'est Mort. En anglais, ça ferait Word et World. Je tire sur la mort, je tire sur le monde. Petite plaisanterie, mais qui fait du bien. Ma voisine de stand, Viva, me félicite d'avoir mis dans le mille. Je ne sais rien de ses activités, ni elle des miennes. On se sourit, ça suffit. »

Depuis maintenant, vol. 6. Mon Amérique commence en Pologne

Depuis maintenant, vol. 6. Mon Amérique commence en Pologne
Kaplan Leslie
Ed. POL

C'est l'histoire d'une Américaine à Paris, qui est née à Brooklyn et vit en France depuis son enfance. « Qui suis-je ? », est-ce que c'est : « D'où je viens ? » Bien sûr que non. Mais c'est une façon de raconter le passé, lointain et proche, et le présent. Alors le borscht et les ice-creams, le chewing-gum et le pain perdu, Broadway et Montparnasse, les comédies musicales et les films de Chaplin, sensations et images, mots anglais, mots français, enfance et adolescence, amour et politique, après-guerre et années 60, le monde s'ouvre, se referme, la vie se creuse, se déploie, et l'Amérique est toujours présente, réelle comme le rêve ou le cauchemar, infinie comme la fiction.

Mort au romantisme

Mort au romantisme
Casas Ros Antoni
Ed. Gallimard/Blanche

Une observation précise des oreilles conduit le narrateur à méditer jusqu'à l'hallucination sur le silence ; du sucre répandu sur une table évoque un monde secret ; l'immobilité d'une jeune fille pendant des heures à une terrasse de café ; les rites funèbres d'un club érotique barcelonais ; un dictateur se décompose physiquement pendant l'audition de la symphonie de Franck ; pourquoi les Japonaises ont la peau blanche ; une nuit dans la maison de Frida Kahlo ; l'art d'un faiseur de bulles ; une nageuse unijambiste, et bien d'autres anecdotes, choses vues ou entendues, rêves, réflexions, redéfinition du réel, etc.

Au pays

Au pays
Ben Jelloun Tahar
Ed. Gallimard/Blanche

A quelques mois de la retraite, Mohamed n'a aucune envie de quitter l'atelier où il a travaillé presque toute sa vie depuis qu'il est parti du bled. Afin de chasser le malaise diffus qui l'envahit, il s'interroge sur lui-même avec simplicité et humilité. Il pense à son amour profond pour l'islam, dont il n'aime pas les dérives fanatiques ; il se désole de voir ses enfants si éloignés de leurs racines marocaines ; il réalise surtout à quel point la retraite est pour lui le plus grand malheur de son existence.
Un matin, il prend la route de son village natal, décidé à construire une immense maison qui accueillera tous ses enfants.
Un retour 'au pays' qui sera loin de ressembler à ce qu'il imaginait.

Un Juif pour l'exemple

Un Juif pour l'exemple
Chessex Jacques
Ed. Grasset

Nous sommes en 1942 : l'Europe est à feu et à sang, la Suisse est travaillée de sombres influences. A Payerne, rurale, cossue, ville de charcutiers « confite dans la vanité et le saindoux », le chômage aiguise les rancoeurs et la haine ancestrale du Juif. Autour d'un « gauleiter » local, le garagiste Fernand Ischi, sorti d'une opérette rhénane, et d'un pasteur sans paroisse, proche de la légation nazie à Berne, le pasteur Lugrin, s'organise un complot de revanchards au front bas, d'oisifs que fascine la virilité germanique. Ils veulent du sang. Une victime expiatoire. Ce sera Arthur Bloch, marchand de bestiaux.

A la suite du Vampire de Ropraz, c'est un autre roman, splendide d'exactitude et de description, d'atmosphère et de secret, que Jacques Chessex nous donne. Les assassins sont dans la ville.

Est-ce ainsi que les femmes meurent ?

Est-ce ainsi que les femmes meurent ?
Decoin Didier
Ed. Grasset

Catherine Kitty Genovese n'aurait pas dû sortir seule ce soir de mars 1964 du bar où elle travaillait, une nuit de grand froid, dans le quartier de Queens à New York. Sa mort a été signalée par un entrefilet dans le journal du lendemain : «Une habitante du quartier meurt poignardée devant chez elle.» On arrête peu de temps après Winston Moseley, monstre froid et père de famille. Rien de plus. Une fin anonyme pour cette jeune femme drôle et jolie d'à peine trente ans. Mais savait-on que le martyre de Kitty Genovese a duré plus d'une demi-heure, et surtout, que trente-huit témoins hommes et femmes, bien au chaud derrière leurs fenêtres, ont vu ou entendu la mise à mort ? Aucun n'est intervenu. Qui est le plus coupable ? Le criminel ou l'indifférent ?

A la fois récit saisissant de réalisme et réflexion sur la lâcheté humaine, traversée d'un New York insalubre et résurrection d'une victime, le roman de Didier Decoin se lit dans un frisson.

Fantômes à Calcutta

Fantômes à Calcutta
Ortiz Sébastien
Ed. Arléa

Une ville-monde où le passé a laissé sa patine sur les façades des vieux palais, où la mémoire fait resurgir les mille histoires de la colonisation britannique, où le passage du temps appelle plus qu'ailleurs la mélancolie : telle apparaît Calcutta pour le narrateur, qui retrouve les lieux où il a vécu dix ans auparavant.

Projetant d'écrire un livre sur les fantômes qui hantent Calcutta, il parcourt la ville, et ses rencontres l'amènent à ressusciter les voix qui se sont tues, mais aussi à se confronter à ses propres spectres.

Dans un texte atypique, où se mêlent fiction et enquête, Sébastien Ortiz dresse le portrait inédit d'une grande cité chargée d'âmes, élevée à la puissance de ses fantômes.

L'oeil de Galilée

L'oeil de Galilée
Luminet Jean-Pierre
Ed. JC Lattès

Le 21 août 1609, à Venise, Galilée monte les escaliers du campanile de la place Saint-Marc : derrière lui les princes de la ville, de l'Église et de la famille Médicis. La première démonstration officielle de sa lunette astronomique va fasciner toute l'Europe. Bientôt il fait appel aux meilleurs verriers de Murano pour ciseler des lentilles et perfectionner l'invention. Les astronomes du monde entier vont découvrir, tantôt émerveillés, tantôt consternés, le spectacle des satellites de Jupiter, la surface de la Lune et les profondeurs du cosmos, qui mettent à bas l'enseignement d'Aristote au profit du système de Copernic...

Pendant ce temps, à Prague, le mathématicien impérial de Rodolphe II, Johann Kepler, n'a pas attendu la lunette pour révolutionner l'astronomie. Il a déjà découvert les lois mathématiques des mouvements planétaires et les principes de base de l'optique. Lui seul comprend le fonctionnement de la lunette astronomique et peut attester de la réalité des observations de son confrère italien. L'oeil de Galilée, c'est lui, Kepler.

Dans son nouveau roman, Jean-Pierre Luminet conte comment ces deux géants de la science se sont progressivement apprivoisés sans jamais se rencontrer : Kepler, aux prodigieuses capacités mathématiques mais fasciné par les mondes occultes ; Galilée et son génie rationnel de la mécanique, prudent sous le regard menaçant du Saint-Office.

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