Les Hautes Falaises

Les Hautes Falaises
Goux Jean-Paul
Ed. Actes Sud

Presque quarante ans après la séparation qui a sonné le glas d'une amitié de jeunesse, un coup de téléphone de Bastien convoque brutalement Simon à un rendez-vous, contraignant ainsi ce dernier à renouer avec le souvenir de cet ami disparu qui, après avoir fait naître chez l'enfant solitaire qu'il était un rêve de beauté, de communauté et d'harmonie, devait, à la fin de l'adolescence, le laisser aux prises avec l'énigme d'un abandon aussi soudain que définitif.

Dans l'espoir d'obtenir enfin l'explication à un événement qui a pris en otage une partie de sa vie, Simon se résout à accepter l'invitation de Bastien à venir le rejoindre sur les lieux de l'enfance et à confronter le démon de l'interprétation aux surprises du réel...

Radiographie de toute relation humaine en ce qu'elle recèle toujours d'insondable mystère, remémoration, écorchée vive, d'une expérience de fascination restituée au fil d'une écriture musicale, ample et précise, cet étonnant roman d'apprentissage à rebours replace magistralement le principe d'incertitude au coeur des préoccupations de la fiction.

Mon roi mon amour

Mon roi mon amour
Pagani Robert
Ed. Table ronde

Le 31 mai 1906, à Madrid, le peuple en liesse célèbre le mariage d'Alphonse XIII avec une princesse anglaise de dix-neuf ans, Victoire-Eugénie de Battenberg. Le cortège nuptial progresse lentement à travers la ville. Mais le pas paisible des chevaux cache mal ce qui se prépare au bout du parcours, à deux pas du palais royal.

C'est cet événement historique qui a inspiré à Robert Pagani Mon roi mon amour. Séduit par le sort d'une jeune femme devenue reine d'Espagne dans des circonstances aussi dramatiques que violemment romantiques, il s'est glissé dans la peau de Victoire-Eugénie.

Mélange d'innocence et d'érotisme, ce court roman au style très vif est à la fois lyrique, torride et plein d'humour.

La piste mongole

La piste mongole
Garcin Christian
Ed. Verdier

Où l'on part à la recherche d'Eugenio Tramonti, le protagoniste du Vol du pigeon voyageur et de La Jubilation des hasards, disparu quelque part en Mongolie. Pour le retrouver il faudra traverser des états de réalité peu ordinaires et accepter de se laisser guider par quelques personnages emblématiques : un Chinois qui présente la particularité de maîtriser ses rêves ; une chamane mongole qui s'absente parfois quelques jours pour voyager dans d'autres mondes dont elle ne se souvient pas ; une Sibérienne qui fréquente assidûment les choses invisibles ; un jeune garçon, apprenti chaman, qui vient interférer dans les rêves du Chinois ; une vieille femme aux identités mouvantes ; une divinité lacustre aux faux airs de renard ; des juments, un aigle et un loup ; sans compter quelques narrateurs, anonymes ou pas, disséminés entre Oulan Bator et Pékin, le lac Baïkal et les hauts sommets de l'ouest de la Mongolie. Les mondes se chevauchent, les histoires se répondent les unes aux autres, les fenêtres de l'imaginaire sont grandes ouvertes, les narrateurs se superposent, et le principe de réalité tremble sur ses bases, à la fois labile, humoristique et fuyant. Et ce faisant c'est une autre réalité qui se trouve posée là - ou tout un réseau de réalités qui s'entrecroisent, car l'instabilité est féconde, et la littérature s'accommode bien de ce flou des frontières.

L'art difficile de ne presque rien faire

L'art difficile de ne presque rien faire
Grozdanovitch Denis
Ed. Denoël

Vivre à son propre rythme, lire des auteurs oubliés, jouer au tennis sans esprit de compétition, faire la sieste au fond du jardin, contempler un vol de grues, repenser aux rêves de la nuit : autant d'expériences mystérieuses que le bruit assourdissant de la planète rend aujourd'hui presque impossibles.

Dans l'esprit de Petit traité de désinvolture, L'Art difficile de ne presque rien faire aborde avec un humour délicieux l'une des questions insolubles de l'existence : comment préserver la jouissance de l'instant ? Quelque part entre la sagesse chinoise du tao et le désir d'enfance, avec un scepticisme assumé face aux délires de la consommation ou du sport-spectacle, Denis Grozdanovitch nous invite avec une poésie quotidienne et lumineuse sur des sentiers qui ne mènent nulle part.

Au bord du monde. Un film d'avant-guerre au cinéma Eden

Au bord du monde. Un film d'avant-guerre au cinéma Eden
Benoît-Jeannin Maxime
Ed. Le Cri

Dans les semaines qui précèdent l'invasion de la Belgique, Joseph et Leni, deux écrivains, trouvent refuge dans un hôtel d'Ostende. Lui est autrichien, elle allemande, ils viennent de Paris et des hôtels de la rive gauche. Lui écrit beaucoup depuis plusieurs années et est alcoolique. Elle a publié un roman à succès dans l'Allemagne des débuts du nazisme et a vingt ans de moins que lui. A Ostende, leur histoire se cristallise et prend les accents d'un film d'avant-guerre avec tous ses excès romanesques. Une sorte d'hyperfilm naturaliste du samedi-soir...
Par ailleurs, le roman est entrecoupé de chapitres d'entretiens entre l'auteure Ursula Baum et un certain Franz, quarante ans après, à l'hôtel des Thermes d'Ostende. On découvre que tous deux se sont connus, mais à des âges différents, au cinéma Eden, à Saint-Dié, une petite ville de l'Est de la France.
Ainsi, comme il y a des romans dans le roman et des films dans le film, Au bord du Monde est un roman dans le film, et un roman du film, tout en étant un film du roman en train de se faire... On y vit, on croit y mourir mais on survit, ailleurs, dans une autre dimension, celle du cinéma comme monde plus réel que la vie et, en somme, plus désirable.
Serait-ce l'ombre alliée à la lumière du cinéma Eden sur l'écran de nos imaginaires ?

Les conquêtes véritables

Les conquêtes véritables
Marchal Nicolas
Ed. Editions namuroises

On lira attentivement ce qui nous est livré ici sur cette quête acharnée, dérisoire et immense à la fois, conquête toujours insatisfaite, toujours recommencée, et toujours, pour une part, incommunicable. Hommage vibrant à la littérature. Derrière des vitraux sombres, démodés, on écrit des livres sans même savoir s'il fait beau dehors, ou s'il pleut. (Révérence, encore, à Rimbaud : «Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque.») Faisait-il beau dehors, ou pleuvait-il, tandis que Nicolas Marchal se lançait dans ses conquêtes véritables ? Peu importe, sans doute. Mais qu'il nous offre encore, de derrière des vitraux sombres, démodés, d'autres romans d'une telle élégance et d'une telle légèreté. Paul Emond

Le songe de Monomotapa

Le songe de Monomotapa
Pontalis Jean-Bertrand
Ed. Gallimard/Blanche

L'amitié : comment elle naît, puis se tisse, se renforce et parfois se dissout d'elle-même ou s'achève par une rupture ?

Les amitiés : il en est qui traversent le temps, d'autres qui sont éphémères et pourtant intenses.

En une vingtaine de courts chapitres, alliant réflexion et histoires personnelles, ce livre, qui tient à la fois du roman et de l'essai, tente de cerner le rôle de l'amitié. Nous sert-elle à nous protéger des tourments de l'amour ?

Si l'on en croit La Fontaine, « un ami véritable est une douce chose ». Mais existe-t-il ailleurs qu'au pays imaginaire du Monomotapa ?

Des saisons au bord de la mer

Des saisons au bord de la mer
Maspero François
Ed. Seuil/La librairie du XXIème siècle

«Ils se racontent des histoires, ceux qui se bercent de l'illusion que les maisons ont une âme à elles. Si les maisons en ont une, c'est seulement celle que forme l'ensemble des âmes de ceux qui les habitent. Jamais elles ne pourront parler à des intrus sans mémoire de la chaleur que leur communiquaient les vivants d'alors, de l'écho des voix au sein de leurs murs, des odeurs de cuisine et de fleurs, du vent de la mer qui faisait claquer les volets. L'âme des maisons, la vraie, ne survit que dans le souvenir de ceux qui y ont vécu.»

Un homme se souvient. Son enfance dans une maison proche d'un port du Nord d'où l'on voyait les falaises d'Angleterre, à l'époque de la bourgeoisie sûre d'elle-même et des espoirs du Front populaire. Et l'enfance de sa fille, dans une île de l'Atlantique battue par les vagues où se mêlaient histoire et légendes, et qu'elle aimait au point de rêver qu'elle y était née. Entre les deux, la guerre, les destructions, la mort d'êtres chers, toujours vivants dans la mémoire du père que la fille interroge obstinément. Et dans le défilé des saisons, contre vents et marée, François Maspero dit la vie, le bonheur fragile, l'amour partagé de la mer et de la terre charnelles.

D'autres vies que la mienne

D'autres vies que la mienne
Carrère Emmanuel
Ed. POL

À quelques mois d'intervalle, la vie m'a rendu témoin des deux événements qui me font le plus peur au monde : la mort d'un enfant pour ses parents, celle d'une jeune femme pour ses enfants et son mari.

Quelqu'un m'a dit alors : tu es écrivain, pourquoi n'écris-tu pas notre histoire ?

C'était une commande, je l'ai acceptée. C'est ainsi que je me suis retrouvé à raconter l'amitié entre un homme et une femme, tous deux rescapés d'un cancer, tous deux boiteux et tous deux juges, qui s'occupaient d'affaires de surendettement au tribunal d'instance de Vienne (Isère).

Il est question dans ce livre de vie et de mort, de maladie, d'extrême pauvreté, de justice et surtout d'amour. Tout y est vrai.

Composition française. Retour sur une enfance bretonne

Composition française. Retour sur une enfance bretonne
Ozouf Mona
Ed. Gallimard/Blanche

La France a toujours vécu d'une tension entre l'esprit national et le génie des pays qui la composent, entre l'universel et le particulier. Mona Ozouf se souvient l'avoir ressentie et intériorisée au cours d'une enfance bretonne. Dans un territoire exigu et clos, entre école, église et maison, il fallait vivre avec trois lots de croyances disparates, souvent antagonistes. À la maison, tout parlait de l'appartenance à la Bretagne. L'école, elle, au nom de l'universelle patrie des droits de l'homme, professait l'indifférence aux identités locales. Quant à l'église, la foi qu'elle enseignait contredisait celle de l'école comme celle de la maison.

En faisant revivre ces croyances désaccordées, Mona Ozouf retrouve des questions qui n'ont rien perdu de leur acuité. Pourquoi la France s'est-elle montrée aussi rétive à accepter une pluralité toujours ressentie comme une menace ? Faut-il nécessairement opposer un républicanisme passionnément attaché à l'universel et des particularismes invariablement jugés rétrogrades ? À quelles conditions combiner les attachements particuliers et l'exigence de l'universel ? En d'autres termes, comment vivre heureusement la « composition française » ?

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